Chevrolet Monte Carlo 1978, une cure d'amaigrissement
Depuis ses tout débuts, l’automobile s’est constamment adaptée aux goûts des consommateurs ou aux exigences du moment. Certains de ces changements furent bénéfiques et durables, d’autres ne furent que des modes passagères. Avec le recul, on comprend mieux ce qui a motivé les décideurs de l’époque. Les choix que les constructeurs automobiles font présentement aura assurément des répercussions dans le futur et la crise économique que nous avon vécu sera interprétée différemment dans cinquante ans qu’elle l’est aujourd’hui.
Par exemple, la crise du pétrole de 1973 a entraîné plusieurs changements dans la conception des voitures, surtout en Amérique. En même temps que les mentalités changeaient, les voitures se faisaient plus petites. Comme la Chevrolet Monte Carlo 1978, toute nouvelle cette année-là.
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Un peu d’histoire…
Après la deuxième guerre mondiale, l’automobile connaît une révolution technique sans précédent. Les moteurs deviennent de plus en plus performants, les freins gagnent en puissance, les suspensions s’améliorent constamment. Vers la fin des années ’60, les « muscle cars » font la loi sur les routes avec leurs moteurs hyper puissants qui consomment effrontément. Le prix de l’essence ne cause alors aucun problème. Puis, en 1973, survient la guerre du Kippour qui oppose Israël et une coalition arabe menée par l’Égypte et la Syrie. Les 16 et 17 octobre de cette année-là, les pays arabes membres de l’OPEP (organisation des pays exportateurs de pétrole) annoncent un embargo sur les livraisons de pétrole contre les pays soutenant Israël. Cette décision vient modifier le jeu de l’offre et de la demande et l’Amérique est durement touchée. L’OPEP lève l’embargo en mars 1974 mais, question d’affirmer sa mainmise sur cet or noir, augmente le prix du pétrole de 70% tout en diminuant sa production. Le prix du baril passe donc, en quelques mois, de 2,32$ à 9,00$ US.
D’un autre côté, les groupes environnementaux dénoncent depuis longtemps ce qui nous semble évident aujourd’hui. Plus un moteur consomme de l’essence, plus il pollue. La guerre du Kippour est, sans aucun doute, une bénédiction pour la planète. Le gouvernement américain impose la nouvelle norme CAFE (corporate average fuel economy) qui oblige les constructeurs à respecter une moyenne de consommation de tous leurs véhicules et limite la vitesse à 55 mph (88,5 km/h) sur les autoroutes. Mais il faut bien davantage.
Trois manufacturiers, trois solutions
Dans leur insouciance, les manufacturiers américains n’ont jamais vu venir le coup (l’Histoire se répète, semble-t-il...) C’est l’occasion rêvée pour les japonais de vraiment débarquer en Amérique et de ne plus jamais en repartir. Dans un geste de panique, Ford redessine sa Mustang à partir de la Pinto, Chrysler se rabat sur ses petites Colt et Cricket, peu populaires et GM redessine entièrement ses plus gros modèles tout en conservant leurs noms et leurs lignes générales. Trois voies différentes mais un seul objectif : fabriquer de plus petites voitures. Des trois solutions, celle de General Motors demeure la plus intéressante et celle qui a le moins rebuté les acheteurs qui se sentaient moins déstabilisés.
Pour illustrer notre propos, nous vous présentons une voiture qui représente le mieux l’idéologie de General Motors. En effet, la Monte Carlo est une des automobiles qui a subi avec le plus de succès sa cure d’amaigrissement. En 1977, la Monte Carlo roule sur un châssis de 116" (2946mm), mesure 213,3"(5418mm) et pèse 3 850 livres (1746 kg). L'année suivante, on retrouve des Monte Carlo et des Malibu entièrement redessinées, tout comme l’Impala l’année précédente. Dans l’opération, la Monte Carlo perd près de 8" (203mm) d’empattement, 12,9" (328mm) en longueur et pèse 675 livres (306 kg) de moins. Ces chiffres auraient de quoi rebuter l’acheteur traditionnel américain, habitué aux grosses bagnoles. Heureusement, les stylistes de Chevrolet ont réussi à intégrer les éléments visuels qui faisaient la spécificité de la Monte Carlo précédente tout en la rendant plus svelte.
Une survivante
Même si le « downsizing » vient d’une époque très rapprochée, on voit bien peu de ces voitures « dégraissées » sur nos routes. C’est que GM avait compris les subtilités du design mais pas celles de l’antirouille… Le Monte Carlo 1978 que nous voyons en ces pages appartient à Éric Brown de Ste-Anne-des-Plaines. Le propriétaire original l’avait achetée neuve et l’a conservé jusqu’en 2002. Selon les estimations du propriétaire actuel, cette voiture n’aurait vu la pluie que trois ou quatre fois depuis 31 ans, ce qui explique sa condition exceptionnelle. Elle possède encore sa peinture d’origine ainsi que son toit de vinyle. Contrairement à la plupart des véhicules GM de cette époque, le dessus du tableau de bord de cette Monte Carlo n’est pas craquelé puisque la voiture a toujours été à l’abri du soleil.
Il est bien évident que ce type de voiture n’est pas encore très recherché par les amateurs de voitures anciennes et c’est justement ce qui a attiré Éric Brown. Amateur d’anciennes motos Triumph, ce jeune homme a vu sa famille prendre de l’expansion depuis quelques années, ce qui l’a amené à considérer l’achat d’une voiture presque ancienne. Par contre, ce qui est récent pour les uns ne l’est pas nécessairement pour les autres… Pour Zachary, six ans, le fils de Éric, la Monte Carlo 1978 est une très ancienne voiture! Le but ultime de cette cure d’amaigrissement était la réduction de la consommation d’essence. Ça semble avoir réussi puisque Éric Brown fait état d’une consommation semblable à celle de son Ford Escape, soit environ 12 litres au cent (23,5 milles au gallon), ce qui est certainement mieux que les 16 milles au gallon (18 litres au cent) des années antérieures à 1978.
Ce phénomène du « downsizing » aurait pu n’avoir que des effets bénéfiques sur l’automobile américaine. Malheureusement, au détour des années 2000, la puissance des moteurs a recommencé à augmenter de façon quasiment irrationnelle. L’industrie américaine se retrouve, encore une fois, victime de son passé.