Vers la criminalisation du cellulaire au volant ?
Décidément, le cellulaire trouve toujours le moyen de se retrouver à la une des médias québécois! En effet, le coroner Michel Ferland a réagi récemment, dans son rapport, suite au décès d’un camionneur en 2013, apparemment causé par la distraction due au cellulaire au volant.
Ses conclusions sont pour le moins frappantes : rien de moins qu’une recommandation d’amender le Code criminel, pour y inclure une nouvelle infraction criminelle pour l’utilisation du cellulaire au volant. Il suggère aussi, entre autres, la saisie de l’appareil cellulaire, un système de brouillage des ondes dans les véhicules neufs, et une augmentation d’opérations policières sur les routes québécoises.
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C’est un deuxième coroner qui conseille des mesures drastiques pour contrer la distraction causée par l’utilisation du cellulaire au volant. Il y a à peine quelques semaines, une coroner suggérait d’en bannir complètement l’utilisation!
Le Code criminel, une solution?
J’en doute! Pourquoi? Parce que le Code criminel prévoit déjà des infractions pour contrer la conduite dangereuse aux articles 249 et suivants du Code criminel.
De plus, en criminalisant ce type de comportement, on discrimine l’utilisation du cellulaire au détriment de la panoplie de distractions entourant notre conduite automobile, comme entre autres, l’utilisation des divers écrans tactiles, de plus en plus populaires sur les nouveaux véhicules de toutes gammes.
Le coroner Ferland expliquait la gravité d’un tel comportement fautif au volant en utilisant l’argument suivant : « Si le conducteur du camion avait plutôt frappé un autobus scolaire? » Il est certain que cela eut été une terrible tragédie, mais nul besoin de criminaliser le cellulaire au volant pour contrer ce genre de situation, qui est déjà couverte par l’article 249(4) du Code criminel qui prévoit une peine maximale de 14 ans pour quiconque est reconnu coupable de conduite dangereuse causant la mort. Pourquoi vouloir prévoir une infraction qui existe déjà? Car conduire alors que notre attention est attirée par notre cellulaire est conduire de manière dangereuse. Si des conséquences aussi sérieuses que des lésions corporelles ou même la mort en découlent, le Code criminel s’applique!
Je suis entièrement d’accord avec le fait d’être plus sévère avec ce type de distraction au volant, mais il y a plusieurs autres solutions beaucoup plus adaptées à ce problème que le Code criminel! Brouiller les ondes en serait une, bien qu’il y aura sûrement quelqu’un pour inventer une application pour contrer cette mesure. Il existe également une fonction de dictée vocale qui est très utile, mais il n’existe malheureusement pas, à ce que je sache, une application qui peut lire les « textos » reçus.
Je ne crois pas à la saisie du cellulaire, car non seulement il contient parfois des éléments confidentiels, mais de plus, il serait très facile pour le contrevenant de s’en procurer un, de style « prépayé » en attendant la fin de la saisie.
Quitte à être redondant, je préconise comme solution de vastes « opérations cellulaires » où les policiers seraient appelés à mettre en place une surveillance accrue des potentiels contrevenants.
Mais malheureusement, la tangente que semble vouloir prendre le gouvernement est de multiplier les machines pour contrer certaines infractions au Code de la sécurité routière, comme la vitesse, les feux rouges et les arrêts. Et conséquemment, il y a moins de policiers sur nos rues, nos boulevards et nos routes.
Je préconiserais aussi une plus grande sévérité pour les récidivistes du cellulaire au volant, incluant, notamment, plus de points perdus pour une récidive d’infraction, ainsi qu’une amende plus élevée. Si une personne se fait prendre une deuxième fois à utiliser un cellulaire en conduisant, la SAAQ pourrait également prévoir une suspension de permis de 7 jours par exemple. Cette sanction serait dissuasive et beaucoup plus pertinente selon moi qu’une poursuite criminelle (toujours en se rappelant que, si l’utilisation du cellulaire cause des accidents, blessures ou même la mort, notre Code criminel actuel prévoit des peines sévères).
Toutefois, nous nous entendons tous sur le fait que le message ne passe pas entre les autorités et les conducteurs. Et c’est pourquoi nous devons mettre l’accent sur l’éducation et les conséquences potentielles, tout en frappant là où ça fait mal, soit le droit de conduire un véhicule à moteur au Québec.
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