Dossier Québec: Du Concept 3 au Talisman en passant par le T-Rex
Tel que publié dans le Guide de l'auto 2016
De prime abord, il peut sembler que l’industrie automobile québécoise est à l’agonie. Or rien n’est plus faux. Cependant, pour survivre dans un monde dominé par des multinationales, il faut de l’imagination et du talent. Et ça, au Québec, on en a!
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En 1989, Marc Lachapelle faisait l’essai d’une bien drôle de petite machine qui s’appelait simplement Concept 3. Au cours des 50 dernières années, le Guide de l’auto a dû s’adapter pour survivre. Le Concept 3 aussi a dû s’adapter et il est devenu le T-Rex. Bien loin d’être un dinosaure, il est intensément moderne.
Place à l’histoire du T-Rex, à son présent et à son futur.
Le Concept 3 devient le T-Rex | Une grande aventure, un long chemin
Par Marc Lachapelle
On abuse vraiment des mots « passion » et « passionné » de nos jours. Ce sont pourtant ceux qui décrivent le mieux la fascination du jeune homme qu’était Daniel Campagna pour la mécanique et les machines qui en sont la plus pure expression. D’abord les motoneiges de course de Gilles Villeneuve qu’il a accompagné au fil de sa dernière saison dans cette discipline, à titre de chauffeur et mécano, alors qu’il n’avait que 17 ans. Ensuite les voitures de formule qu’il a lui-même pilotées. Même en Europe.
C’est cette précision inégalée et cette structure épurée et basse à l’extrême d’une voiture de formule qu’on reconnaissait dans la machine avec laquelle Campagna s’est présenté au circuit Sanair un beau jour de l’été 1989. Le prototype Concept 3, qu’il avait conçu et fabriqué avec l’aide de son ami d’enfance et complice Denis Martin, était propulsé par un quatre cylindres de supermoto qui entraînait un pneu arrière unique mais aussi large que celui d’une Corvette. Sa création s’est retrouvée dans les pages du Guide de l’auto 1990 et même sur la couverture arrière, pour un premier essai exclusif. Une primeur mondiale!
Alors qu’il poursuivait le perfectionnement de sa machine, Campagna rencontra ensuite l’entrepreneur et collectionneur Daniel Noiseux qui « pensait trois roues lui-même. » Après un court essai du prototype, il décide d’investir dans le projet et d’appuyer Campagna et ses complices, notamment le comptable et gestionnaire Jean Gosselin. Noiseux arrangea aussi une rencontre avec le designer et styliste Paul Deutschman, au Circuit Mont-Tremblant. Peu de temps après, Campagna fabriquait pour le prototype des éléments de carrosserie en fibre de verre qui lui allaient comme un gant. Tout comme le nom qu’on avait choisi pour lui : T-Rex.
Suivirent des années de travail acharné sur son perfectionnement, auquel s’ajoutèrent les démarches innombrables, épuisantes et coûteuses pour son homologation comme véhicule routier au Québec et aux États-Unis. Sans compter la difficulté extrême de trouver certaines des composantes principales. Surtout le moteur. La production débuta en 1995 dans ce qui était devenu une véritable usine, à Plessisville, avec des postes de travail multiples et même un banc d’essai. Entre-temps, Richard Pelletier s’était joint à l’entreprise pour développer la mise en marché du T-Rex partout sur le continent. L’aventure était lancée.
Après plus de douze années rocambolesques, les créateurs du T-Rex, les pionniers durent toutefois se résoudre à passer le relais à une autre équipe. Pour lui rendre justice, cette histoire-là devra être racontée dans un autre livre. Pour l’instant, Daniel Campagna souhaite la plus grande réussite à ceux qui produisent ces machines uniques qui portent toujours son nom et s’affaire plutôt à en imaginer de nouvelles, en perfectionnant déjà la prochaine.
Campagna Motors fête ses 20 ans au Québec
Par Sylvain Raymond
Campagna Motors, c’est la création de Daniel Campagna, mais c’est aussi l’apport d’André Morissette et David Neault, les deux entrepreneurs qui ont racheté la compagnie en 2008. Ils ont su lui donner un nouveau souffle, notamment en déménageant l’usine dans la région de Boucherville et en développant de nouveaux marchés. Ils en ont également profité pour greffer un nouveau bolide à la gamme en 2011, le V13R, un concept sur lequel ils travaillaient depuis des années.
L’un des faits les plus marquants de Campagna Motors a été l’homologation en 2006 du T-Rex à titre de véhicule de promenade. Ce changement dans la législation évitait aux propriétaires de devoir posséder un permis de moto. Cela permettait à l’entreprise d’augmenter la diffusion de ses modèles, un obstacle important par le passé. L’entente stratégique conclue avec BMW en 2012 est un autre pas majeur puisque, pour la première fois, l’entreprise n’était plus obligée d’acheter des motos complètes pour en extraire les pièces nécessaires, principalement le moteur. Depuis ce temps, BMW est devenu le motoriste officiel du T-Rex.
Et les bolides?
L’original, le T-Rex 16S, est rapidement reconnaissable grâce à sa configuration à trois roues, deux à l’avant et une à l’arrière, son museau en V, son petit toit qui intègre une large prise d’air alimentant le moteur en air frais et sa carrosserie qui s’élève à l’arrière au-dessus de l’imposante roue. Aucun autre bolide ne lui ressemble.
Pour souligner ses 20 ans, Campagne Motors le propose en modèle 20e anniversaire et à tirage limité, uniquement 20 exemplaires ont été construits. Ces modèles comprennent de série toutes les composantes de l’ensemble « P », (pour Performance), qui ajoute notamment une suspension ajustable Stage 5, des freins à disque ventilés et rainurés, des étriers peints en rouge et des jantes de 16 pouces au style distinct. Son coloris unique, noir et rouge, est sa principale carte de visite. Comme tous les T-Rex, sa conduite est emballante, il colle littéralement à la route et ses accélérations sont fulgurantes. Il y a belle lurette qu’un véhicule ne nous avait pas ravis à ce point.
Le V13R, un véritable hot rod
Commercialisé depuis 2011, le V13 se présente sous les traits d’un roadster classique avec un devant plus carré et une configuration entièrement ouverte. C’est en fait le bad boy de la gamme qui nous fait revivre une époque issue du passé. Le style des jantes à l’avant rehausse son design, tout comme l'avant qui intègre des phares de type projecteur. Cette fois, le motoriste n’est pas BMW, mais plutôt Harley-Davidson qui fournit un bicylindre en V refroidi au liquide. La puissance est déployée via une boîte séquentielle à cinq rapports vers l’imposante roue arrière de dimensions peu communes, 295/35ZR18.
Certes les deux bolides sont intéressants, mais leur prix de base assez élevé — 53 999 $ pour V13R et 57 999 $ pour le T-Rex — peut refroidir les ardeurs de plusieurs acheteurs. La bonne nouvelle, c’est qu’ils conservent une excellente valeur de revente, ce qui aide à maximiser l’investissement.
Le Talisman de DC Compétition | Pour la suite des choses
Par Marc Lachapelle
Daniel Campagna a toujours plein de nouvelles machines en tête. Par logique et par nécessité, il met cependant tout son talent et toute son énergie sur une seule à la fois. C’est ce qu’il a fait pour le Concept 3 devenu T-Rex et produit depuis plus de vingt ans. C’est ce qu’il fait actuellement avec le Talisman, son nouveau bébé, qui a quatre roues cette fois. J’ai eu la chance de le découvrir et de faire quelques tours à ses commandes l’automne dernier au circuit Sanair, côté tri-ovale. L’endroit même où j’ai vu et conduit le Concept 3 pour la première fois, vingt-cinq ans plus tôt. Une autre primeur pour le Guide!
Ce Talisman est du pur Campagna. Une sportive remarquablement simple, légère et basse, fabriquée avec grand soin et minutie même s’il ne s’agit que d’un prototype. Une machine que son créateur destine au pilotage sur circuit à cause du coût et de la complexité de toute homologation pour la route. Même vocation que les Felino CB7 et Magnum MK5, donc, à un coût radicalement moindre.
Campagna a même doté son prototype d’un quatre cylindres en ligne de 1,8 litre et 140 chevaux emprunté à ce succès de vente qu’est la Honda Civic. Pour sa solidité, sa fiabilité, sa disponibilité et son faible coût. Il l’a monté en position centrale-arrière dans un châssis fait sur mesure avec du tube d’acier carré, plus facile à tailler et souder que le tube rond du T-Rex. Les pneus de taille 205/40R17 sont montés sur des jantes d’alliage noires et les freins à disque de 290 mm sont pincés par des étriers de course. La suspension à double triangle est faite maison, sauf les porte-moyeux arrière.
Bien sanglé par les larges ceintures de course à quatre ancrages, je découvre une machine agile et précise. Rien d’étonnant pour une sportive qui fait moins de 600 kilos. Sa vivacité mérite une direction à crémaillère plus rapide. Elle l’aura, foi de Campagna! L’élément le plus déroutant est un levier de vitesses ultracourt, placé à gauche, qui est toutefois d’une précision et d’une netteté dignes d’une voiture de formule 1600, malgré sa commande par câble. Parce que la tringlerie est taillée sur mesure, elle aussi. Du pur Daniel Campagna. On attend la suite. Il nous promet qu’elle viendra. On le croit.