Bentley Mulsanne 2015: Un peu plus haut, un peu plus loin…
« Je veux aller un peu plus loin, je veux voir comment c’est, là-haut...Si tu voyais le monde au fond, là-bas, c’est beau! C’est beau! La mer plus petite que soi... » La Bentley Mulsanne est sans doute la meilleure expression physique de cette chanson interprétée par Ginette Reno. Certes, lorsque Jean-Pierre Ferland a écrit ces paroles, la dernière chose qu’il devait avoir en tête était assurément une vulgaire voiture!
Sauf que la Bentley Mulsanne n’est pas une vulgaire voiture. En fait, est-ce une voiture? Est-ce qu’on la prend pour aller chercher un sac de lait? Est-ce qu’on y transporte un 2x4 de huit pieds? Est-ce qu’on va chercher les enfants après leur joute de hockey avec une telle voiture? Bien sûr que non! Est-ce qu’on la conduit pour le plaisir qu’elle procure dans les courbes ou pour la sonorité gutturale de son V8? Toujours non.
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Les gens qui ont les moyens d’avoir une voiture de près d’un demi-million de dollars ont des nounous qui iront chercher le lait ou les enfants au volant de leur Toyota Yaris. D’ailleurs, quand on s’achète une voiture qui coûte plus cher que la plupart des maisons unifamiliales normales, ce n’est pas une voiture qu’on recherche. C’est un statut social.
Ostentatoire au pluriel
La Bentley Mulsanne joue dans la même arène que le symbole qu’est la Rolls-Royce Phantom. Un peu plus petite que cette dernière (si peu…), la Mulsanne se veut moins tape-à-l’œil. Pourtant, en présence de cette Bentley, même les personnes qui ont de la difficulté à faire la différence entre un RAV4 et une 458 Italia se rendent rapidement compte qu’elles ont affaire à quelque chose de spécial. Les dimensions imposantes, les immenses phares aux DEL, les impressionnantes roues, tout de la Mulsanne dégage un parfum de sérénité, de puissance, de prestige. À la limite, on pourrait entendre les lignes à la fois classiques et modernes nous susurrer à l’oreille « Tu aimes le beau, le chic, le fric? Monte, tu ne le regretteras pas… »
Fasciné, on monte. Le tableau de bord est à la fois digne et majestueux. Le vaste habitacle, recouvert des cuirs les plus fins, respire la noblesse. Inutile de chercher une couture un peu croche ou un bout de cuir grossièrement retroussé… on est loin de la finition indigne des Bentley d’avant Volkswagen (car Bentley fait partie du conglomérat Volkswagen, tandis que l’éternelle ennemie qu’est Rolls-Royce appartient à BMW). Les chromes (du vrai chrome, pas du plastique plaqué chrome!) sont omniprésents et quand le soleil darde juste au bon endroit sur la console centrale, le conducteur est aveuglé. Beau problème.
Les sièges sont d’un confort, mais d’un confort… Ça, c’est à l’avant. À l’arrière, je ne trouve pas de qualificatif adéquat. Divin serait peut-être celui qui se rapproche le plus de ce que je veux dire. Je mentionnerai, tout bas, que la place centrale est très dure. Mais ce n’est vraiment pas grave.
Exagération exponentielle
Sous le long capot trône un moteur qui montre fièrement ses superbes tubulures d’admission. Ce V8 de 6,8 litres mérite les mêmes superlatifs que le reste de la voiture : puissant, noble, prestigieux, imposant, immense, impressionnant, etc. Dans le fond, on se fout pas mal de cet organe tout plein d’huile en dedans. Il faut juste savoir qu’il permet à la Mulsanne des accélérations dignes des superlatifs ci-haut mentionnés. La transmission, un système compliqué mélangeant hydraulique et engrenages, fonctionne avec une transparence tout à fait appropriée. Elle permet de transporter les lipizzans-vapeur (pas de vulgaires chevaux-vapeur) aux roues arrière. La consommation d’essence, super il va sans dire, est à l’avenant et obtenir une moyenne de 19,0 l/100 km en conduite pépère est tout à fait envisageable. Ce qui, j’imagine, est un véritable trophée pour le propriétaire d’une Mulsanne.
Contrairement à ce qu’on serait porté à croire, les Bentley sont surtout conduites par leurs propriétaires. Ces derniers apprécieront sans aucun doute la lenteur et le manque de feedback qui siéent très bien au caractère de la Mulsanne. Les freins sont d’une extraordinaire puissance, ce qui tient quasiment du surnaturel quand on considère qu’ils ont près de 2 600 kilos à ralentir. Toutefois, j’hésiterais à me prononcer sur leur endurance sur une piste de course. Ou avec une remorque à l’arrière. C’est une blague… Sur la console toute chromée, il y a un bouton qui permet de choisir entre les modes Custom (Spécial), Sport ou Confort. Même si le mode Sport aiguise les sens du monument roulant, la Ferrari FF n’a encore rien à craindre.
Bien que la Bentley Mulsanne se retrouve dans les pages de ce Guide de l’auto, on doit l’évaluer avec des critères différents. Ce n’est pas une voiture, c’est un palace roulant, un hymne au statut social, une ode à la richesse. Qu'elle effectue le 0-100 km/h en moins de six secondes n’a aucune importance. Ni qu’elle consomme davantage qu’un barrage hydroélectrique. Ce qui est important, c’est qu’elle soit immense, intensément luxueuse et d’un prix parfaitement indécent. Elle amène le statut social de son propriétaire un peu plus haut, un peu plus loin et c’est tout ce qui compte.