Salon de Genève 2015 - Coups de pied
Le Salon de l’auto de Genève est l’un des plus intéressants à visiter aussi bien en raison de la qualité des autos qui y sont dévoilées que par la diversité des kiosques. Ce salon se démarque également par l’accueil qu’il réserve à de petits constructeurs-artisans, ce qui n’est pas toujours possible ailleurs. Mais, bien qu’il soit le favori de bien des gens, le rendez-vous automobile helvétique n’échappe pas à la critique. En effet, c’est sans doute l’événement automobile où l’on rencontre le plus de non-journalistes au cours des journées de presse. Jeunes enfants, VIP désœuvrés, espions industriels et personnes qui manquent de savoir-vivre sur la planète se donnent rendez-vous au Palexpo. En effet, avec la popularité des selfies et des smartphones, le journaliste automobile qui tente de faire son métier professionnellement est confronté à ces goujats qui se foutent des autres en se plaçant à l’avant-plan pour se « poser la binette ».
Mais le plus gros coup de pied n’est pas décerné à des voitures, mais aux espions industriels qui sont l’une des plaies des grands salons automobiles de ce monde. Ces gens se font accréditer en tant que journalistes mais ils sont en fait des espions à la solde des constructeurs automobiles, généralement asiatiques, même s’il y a des exceptions à cette règle. Alors que le vrai journaliste sera content de photographier l’extérieur de la voiture, le tableau de bord, les jantes en alliage et certaines autres choses, les « imposteurs » se spécialisent dans la photographie du dessous de la voiture, des éléments de suspension, prennent des photos en gros plan des phares, soulèvent les tapis, prennent des échantillons de cuir et j’en passe. Personnellement, ils peuvent bien gagner leur vie comme ils le veulent, mais ils pourraient tout au moins nous laisser travailler en paix au lieu de sauter devant nous au moment où l’on prend une photo ou de passer de longues minutes dans une auto à farfouiller sous les tapis pour chercher je ne sais quoi.
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Revenons aux automobiles. Il a été facile de trouver des candidats pour recevoir des coups de pied bien mérités. Les lauréats ne sont pas complètement ratés dans leur ensemble, mais ils ont parfois loupé la cible, manqué d’inspiration ou déçu nos attentes. En voici donc une liste qui pourrait être plus longue mais qui est quand même assez exhaustive.
Aston Martin DBX
Ce constructeur britannique a toujours la cote auprès de la population générale en raison de ses voitures sport d’une grande élégance propulsées par des moteurs très musclés en fait de puissance. Loin de moi de critiquer le caractère technique de ses voitures, mais, je donne un joyeux coup de pied au snobisme des organisateurs du kiosque Aston Martin qui font la fine gueule devant les journalistes qui ne sont pas amis de la maison et un coup de pied encore plus fort au traitement qu’ils accordent à certaines de leurs voitures qui sont mal exhibées. Par exemple, le concept DBX qui en théorie devait être l’une des vedettes de ce salon était relégué le long d’un mur et, pire encore, il servait d’appui pour le responsable de la sécurité. Cette voiture à propulsion électrique est censée être le futur du constructeur de Gaydon, mais on peut s’interroger à ce sujet compte tenu du sort qu’on a réservé au DBX, l’Aston Martin de demain.
Bugatti : la fin. Heureusement!
Chez Bugatti, on produit la Veyron, une voiture se vendant plus d’un million et demi de dollars, capable d’atteindre une vitesse de plus de 400 km/heure et propulsée par un moteur déballant 1 001 chevaux. C’est en fait une voiture exceptionnelle à tous les points de vue, mais c’est sans doute l’une des autos les plus inutiles sur le marché alors que rares sont les propriétaires qui vont oser circuler à son volant aussi bien en ville qu’à la campagne. De plus, la production a toujours été infinitésimale et ça fait des années qu’on arrive à chaque grand salon international avec une version différente, généralement d’une couleur spéciale, et portant un nom évocateur. On a l’impression qu’on exhibe toujours la même voiture sous une couleur différente! Mais pour être honnête, il y a eu quelques variantes. Cette fois, c’est la fin de la production de ce modèle et pour ce faire, on a exhibé le dernier exemplaire à sortir de l’atelier Bugatti sous le nom de La Finale. Par la même occasion, on avait également amené la version 001 de ce même modèle. Curieusement, ils étaient tous deux de couleur identique.
Giugiaro GEA
Sans doute le designer le plus doué de sa génération et l’un des meilleurs de tous les temps, Giugiaro a vendu son entreprise au groupe Volkswagen il y a quelques années. Ce constructeur veut théoriquement profiter de l’inspiration de ce génie du design. Donc, à chaque Salon de Genève, on retrouve le stand Giugiaro face à celui du constructeur allemand. Par le passé, les résultats étaient moyens tout au plus. Mais aujourd’hui, c’est catastrophique avec cette grosse limousine noire aux formes indéfinies, agrémentée de jantes au dessin rétro. Cette voiture est supposée être une vision des véhicules à conduite autonome de demain et sa seule caractéristique spéciale était les quatre sièges intérieurs qui se faisaient face, les occupants des places avant étant ainsi dos à la route. Une œuvre indigne de Giugiaro. Tentons d’avoir une pensée positive en soulignant que cette voiture électrique se recharge par induction.
Rinspeed Budii
Par le passé, une visite au kiosque de Rinspeed était un joyeux divertissement alors que la voiture en vedette était non seulement d’un dessin original, mais proposait une conception mécanique un peu déjantée. On a eu des cabriolets deux places qui pouvaient se transformer en quatre places par allongement de la carrosserie, des voitures alimentées en gaz provenant d’enfouissement sanitaire et la célèbre voiture amphibie. Mais, depuis l’an dernier, c’est décevant : on se retrouve dans un bazar semi-commercial où les gadgets fournis par les commanditaires pullulent dans le kiosque Rinspeed, tandis que la voiture qui doit tenir la vedette est quasiment un accessoire secondaire. Cette année, l’extérieur de la Budii était quelconque; dans l’habitacle, la seule caractéristique digne de mention est ce volant articulé qui passe de la gauche à la droite. On a déjà fait beaucoup mieux.
Sbarro Grand Prix
Cette année encore, le kiosque Sbarro était un véritable fouillis de modèles les plus disparates, le fruit des réalisations de son école de styliste prototypiste où des étudiants paient le gros prix pour travailler sous les ordres du « maître ». L’originalité des voitures exhibées était assez faible quand ce n’était pas du réchauffé, du moins en perception. Mais le coup de pied est décerné à un modèle en particulier, le Grand Prix. Ce véhicule rétro est inspiré, comme son nom l’indique, des voitures de Grand Prix du passé. Si l’idée est intéressante, la réalisation est décevante avec sa section avant taillée à la hache, des suspensions assez élémentaires et enfin un cockpit assez sommaire. C’est à se demander si cette voiture n’a pas été dessinée afin de placer des noms de commanditaires...
Les multiples exercices de style qui sont produits en un unique exemplaire et qui seront vendus à des collectionneurs méritent également de bons coups de pied. La plupart sont des exercices en futilité, même si dans certains cas, on parle d’art déguisé en automobile ou de voitures à vocation futuriste. Quoi qu’il en soit, cela fait aussi partie des éléments incontournables du fascinant monde de l’automobile. Et si l’on apprécie ce dernier, on accepte le tout, les bons côtés comme les mauvais côtés. Mais pas sans y aller de quelques coups de pied — vous savez où — à ceux qui le méritent. Enfin, en terminant, la palme de la futilité revient à la Rolls Royce Serenity dont l’habitacle est garni de soie peinte et de boiseries en bambou. C’est la voiture ultime des gens déconnectés de ce monde. On est loin du chef Martin Picard et de sa cabane à sucre!