Porsche Camp4, la meilleure raison d’avoir un vrai hiver
Il fait - 27 degrés Celsius ce matin-là dans le grand stationnement de l’hôtel Estérel qui s’allonge sur les bords du lac Masson dans les Laurentides. La peau de mes doigts reste presque collée à la poignée de la portière du trois-tonnes qui est là depuis la veille.
Je saute sur le siège de cuir congelé, le moteur du Yukon démarre du premier coup, j’allume le siège chauffant et le volant chauffant, je glisse le sélecteur en D et c’est parti. Destination Mécaglisse à Notre-Dame-de-la-Merci, une trentaine de kilomètres plus au nord. La route est glacée, il faut y aller mollo et conduire du bout des doigts. Ça va me mettre dans l’esprit de la journée. Tout est parfait.
Porsche s’est installée à l’Estérel pour le mois de février en entier, ou presque. C’est là que le constructeur allemand loge l’équipe qui organise Camp4, son programme de conduite hivernale, qui en est à sa cinquième année au pays, toujours présenté au superbe complexe de sport motorisé de la famille Kirchhoff. En Europe, le programme existe depuis 1996.
Une bonne coche au dessus
C’est à l’Estérel que logent aussi les participants inscrits à l’édition 2015 de ce Camp4 dont le nom est nettement moins élégant en français qu’en anglais. Ils sont 354 cette année, soit presque la moitié de plus que les 240 qui sont passés l’an dernier. Tout ce beau monde est réparti sur six groupes réguliers et cinq autres qui sont réservés aux entreprises. Pas mal comme activité pour le moral des troupes.
Il faut dire qu’un troisième palier s’est ajouté au programme cette année. En plus des niveaux Camp4 et Camp4S déjà offerts, il y a maintenant Camp4RS. C’est déjà un franc succès puisque deux groupes y sont consacrés alors qu’il y aura un seul Camp4S. Les trente places que compte chacun de ces groupes sont déjà prises. Meilleure chance l’an prochain.
Quelles différences entre les trois niveaux ? Le thème du programme Camp4 est « précision » et il comprend deux journées complètes de conduite à Mécaglisse – toujours en Porsche – en plus de trois nuitées à l’Estérel et tous les repas. On mange vraiment bien. Le matin et le soir à l’hôtel, le midi dans le grand chalet de Mécaglisse avec la soupe et un repas chaud servis par un traiteur. Impeccable. Et tout ça coûte 5 195 $, plus les taxes.
Pour le programme Camp4S, le mot d’ordre est « performance » et il faut d’abord avoir complété le Camp4 ou un autre programme de conduite avancée de Porsche pour y être admis. Comme le nom le suggère, les exercices se déroulent à plus grande vitesse et on ajoute une journée complète de conduite, avec tout ce qui l’accompagne. Le coût passe alors à 6 195 $.
Le thème du programme Camp4RS est « performance + ». Il comprend aussi trois journées complètes de conduite, mais cette fois la taille des crampons passe de 1,5 mm à 3 mm sur les pneus Nokian Hakkapeliitta dont toutes les voitures sont chaussées. Les vitesses grimpent sûrement de beaucoup, avec ce mordant en plus. Glace vive ou pas.
Porsche ajoute des exercices plus poussés pour le Camp4RS. Y compris, semble-t-il, sur les boucles que Franck Kirchhoff a tracées et découpées dans les bois de son paradis du pilotage. De véritables « spéciales » de rallye où des pilotes du championnat canadien viennent d’ailleurs s’entraîner, rien de moins. La facture passe à 7 195 $ et on affiche déjà complet. Tirez vos propres conclusions.
Trois fois sur le métier
On a mis aussi au calendrier une journée pour les médias. Il s’agit en fait d’un condensé du programme Camp4 « Précision ». La bande de Camp4 y accueille une trentaine de blogueurs et de journalistes venus de partout au pays et des États-Unis, avec un bon contingent de Québécois.
Je fais ce programme Camp4 en concentré pour la troisième fois. Parce que mes collègues s’épivardent un peu partout ailleurs, il faut croire. Aussi parce qu’on me l’a offert et qu’encore une fois, je n’ai trouvé aucune raison logique de me priver d’un tel plaisir sur mes heures de travail, temps glacial ou pas! Et parce qu’il y a toujours quelque chose de nouveau à découvrir et apprendre, même si on croit connaître déjà l’air et la chanson.
À l’horaire de cette journée-médias, des exercices différents qu’on exécute au volant d’une 911 Carrera S, d’une 911 Carrera 4S à rouage intégral ou d’une Cayman, toutes équipées de la boîte PDK à double embrayage automatisé et de pneus tapissés de crampons qui ont à peu près la taille d’une pointe de crayon. Juste assez d’adhérence et de motricité pour affronter la glace avec un minimum d’aplomb.
Au premier coup d’accélérateur, à la première montée en régime, au premier grognement rauque d’un « boxer » Porsche dans les oreilles, vous entrez dans le jeu. Complètement. C’est physique, irrésistible. Garanti.
Toujours du nouveau
Première surprise : ma journée commence au volant de la Cayman sur un tracé dont on a presque triplé la longueur. Les deux fois précédentes, je l’ai conduite en dernier, sur une espèce de rectangle arrondi. La conclusion est la même : c’est le ravissement de jouer au funambule sur un ruban de glace avec une propulsion légère, à moteur central, dont l’équilibre et la finesse sont remarquables.
À peine le temps de penser qu’une poignée de tours c’est trop court et il faut déjà sauter dans une 911 Carrera S avec moteur arrière de 3,8 litres et 400 chevaux. Une autre propulsion. Cette fois, l’objectif est de boucler des tours complets en plein survirage et contrebraquage, sur un grand beigne glacé. Pas évident, avec une surface dont l’adhérence et le profil changent subtilement autour du cercle. On y va allègrement, tour après tour, en jonglant comme des maniaques avec le volant et l’accélérateur.
Je finis par y arriver mais Pierre Des Marais, notre instructeur machiavélique, m’accorde (sourire en coin) une note de 99,8 % parce que l’angle de dérapage a changé, juste un peu, durant mes meilleurs tours. Il me donne, du même coup, une excellente raison de continuer à tourner en rond mais il faut déjà passer à l’exercice et à la voiture suivante.
À la prochaine station, on doit faire balancer l’arrière d’une Carrera 4S à quatre roues motrices à travers une série de cônes alignés, façon slalom, en jouant toujours du volant et de l’accélérateur. La manœuvre est moins facile qu’on pourrait croire. Un collègue escalade joyeusement l’épais banc de neige qui borde la piste en calculant mal sa sortie au dernier cône. Il faut un Cayenne Diesel et une grosse courroie pour descendre la 911 de son perchoir.
Le quatrième exercice, après le lunch, est plus intrigant. Sur un tracé de slalom plus long et plus rapide, toujours en Carrera 4S, on doit amorcer le virage en braquant le volant, freiner doucement ensuite pour faire pivoter la 911, redresser le volant et réaccélérer vers le prochain grand cône. Tout ça pour apprivoiser le différentiel central électronique qui transmet plus de couple aux roues avant si elles sont braquées, ce qui ne fait qu’accentuer le sous-virage. Garder les roues droites, c’est le truc important à maîtriser pour les grands dérapages.
Crescendo sur glace
Tout ça pour en arriver au plat de résistance, un dernier exercice qui permet de combiner toutes les techniques qu’on a répétées. Des tours complets sur un long parcours qui raccorde plusieurs des tracés de Mécaglisse, au volant de chacune des trois Porsche, en succession. Seize voitures en piste au même moment. La totale, quoi. On roule d’abord avec l’antidérapage en fonction et on le désactive lorsque l’instructeur en chef constate qu’aucune des voitures n’a pris le décor.
Et comme dessert, une fois les voitures sagement garées en ligne, des balades à fond la caisse, les instructeurs au volant, toujours sur la glace vive. J’apprécie particulièrement le long dérapage d’une centaine de mètres vers la fin du tour, le Cayman complètement à l’équerre, le moteur presque au rupteur, avec Pierre Des Marais qui lance un « yiiippeee » bien senti en ramenant la bête au chalet.
Sur le chemin du retour, j’ai encore du mal à effacer le gros sourire qui est resté accroché là. J’imagine ce que ça doit être sur deux ou trois journées complètes. Et là je pense au programme Camp4RS avec les plus gros crampons et les « spéciales » de Franck, en plein bois, en Porsche. Un gars peut toujours rêver.