Le Défi-Vision MIRA, conduire avec les yeux d’un autre
Le vendredi 22 aout dernier avait lieu la 27e édition du Défi-Vision à l’Autodrome de Granby. Il s’agit d’une course où des non-voyants prennent le volant. Vous trouvez qu’une course de NASCAR est spectaculaire? Vous devriez voir 40 voitures conduites par des aveugles! Quand une course est reconnue mondialement comme étant la plus lente et la plus folle au monde, ça donne une bonne idée du spectacle.
Vers la fin des années 1980, André Boissonneault, propriétaire d’une entreprise de remorquage de Granby et un ami non-voyant du nouveau directeur du financement de la Fondation MIRA, Jean Royer, aveugle lui-même, vont voir ce dernier pour lui proposer une idée pour le moins saugrenue, mettre des aveugles au volant sur une piste de course. Royer, qui n’est pourtant pas du genre à fuir une idée éclatée, demande une journée de réflexion tellement la proposition est insensée. Tellement insensée qu’il l’accepte! La suite appartient à l’Histoire et aujourd’hui, Jean Royer est M. Défi-Vision. Comme quoi, il n’est point besoin de bien voir pour être visionnaire.
Comment fonctionne le Défi-Vision
Chaque pilote est associé à un copilote, généralement une vedette, une personne des médias ou du monde des affaires. Karine Marchand, une Montréalaise de 32 ans qui perd graduellement la vue et qui ne peut plus conduire (elle qui adorait ça) a eu la « chance » d’avoir l’auteur de cet article comme copilote. En fait, c’est plutôt moi qui ai eu la chance d’être piloté par une jeune femme heureuse de se retrouver derrière un volant et qui suivait mes indications à la lettre, même la fois où je l’ai sommée de tourner à droite… directement dans le mur. Évidemment, je m’étais trompé de droite... Car on a beau dire que sur un ovale de course, on tourne toujours à gauche, lors du Défi-Vision, il faut souvent virer à droite pour contourner nombre de voitures immobilisées au beau milieu de la piste et les parechocs et autres pièces d’automobiles qui parsèment le parcours. Les vitesses atteintes dépassent rarement les 30 km/h, quoique vendredi soir dernier certains fous du volant filaient allègrement à 35 ou 40!
Grâce à mes quasiment judicieux conseils et à la rapidité d’exécution de Karine, notre magnifique Pontiac Sunfire bourgogne affichant près de 334 000 km a survécu toute la course et est retournée aux puits presque dans sa forme originelle. Certains collègues journalistes qui participaient à l’événement ne peuvent en dire autant… D’ailleurs, outre un coin avant droit bossé, gracieuseté d’un mur malencontreusement placé à droite et un parechoc avant un peu enfoncé, toutes les autres avaries causées à notre Sunfire sont l’œuvre de copilotes qui n’ont pas donné de bonnes instructions à leur pilote.
Voir, c’est une question d’attitude
Cette aventure, que j’ai appréciée au plus haut point, m’a fait réaliser certaines choses. D’abord, que certains non-voyants, comme Karine, conduisent mieux en étant bien guidés que certains conducteurs parfaitement voyants qui sévissent en toute légalité sur les routes publiques. Aussi, que les non-voyants doivent abandonner une grande partie de leur autonomie puisqu’ils ne peuvent pas conduire. Si vous êtes sur ce site, c’est que vous aimez l’automobile et la conduite automobile. Imaginez que demain, c’est fini…
Au moment d’écrire ces lignes, je ne sais pas quel montant d’argent a été recueilli lors de cette belle soirée à l’Autodrome de Granby, mais il sera sans doute suffisant pour que MIRA puisse donner des chiens-guides à quelques non-voyants et personnes souffrant de troubles envahissant du développement. En plus, le Défi-Vision permet de sensibiliser la population aux problèmes quotidiens que vivent les non-voyants. Mais, surtout, il permet à ces personnes de réaliser un rêve qui est devenu une banalité pour la plupart d’entre nous, conduire.
À l’année prochaine, Défi-Vision!
Pour plus d’informations : http://www.mira.ca/fr/