Ford Expedition 2014: Faire du statu quo une obsession
Le jour succède à la nuit, les saisons se suivent, les impôts reviennent année après année. Dans un monde où tout bouge vite, il fait bon avoir des repères immuables. Dans le domaine de l’automobile où tout bouge, et vite, il y a heureusement des véhicules comme le duo Ford Expedition / Lincoln Navigator qui demeurent des repères solides, aussi bien en termes physiques que philosophiques.
Au cours de la dernière décennie, le marché des utilitaires conçus sur un châssis de camion, le F-150 dans le cas de notre duo, a perdu des plumes. Même le Ford Explorer a adopté l’architecture monocoque, une hérésie dont certains puristes ne se sont pas encore remis. Mais je m’éloigne du sujet principal.
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Curieusement, il s’est écoulé plus d’exemplaires des Navigator et Expedition en 2012 que l’année précédente. Ce n’est tout de même pas parce que le prix de l’essence a baissé. Les généreux incitatifs accordés par Ford y sont sans doute pour quelque chose. Malgré tout ce qu’on peut en dire, il existe un marché pour ces monstres d’une autre époque. Il s’agit d’entrepreneurs en construction ou de familles qui ont besoin de beaucoup d’espace et d’un véhicule capable de remorquer une grosse roulotte. Et Ford peut aussi compter sur quelques irréductibles pour qui rien ne sera jamais trop gros et qui tirent une sorte de fierté d’une consommation débridée.
Superlatif
Peu importe qu’il s’agisse de l’Expedition ou du Navigator (on a de la suite dans les idées chez Ford!), deux modèles sont offerts, soit le régulier ou l’allongé, comme si le régulier, avec ses 5 293 mm, n’était pas suffisamment long! L’allongé, baptisé Max chez Ford et simplement L chez Lincoln, lui, mesure 5 621 mm (pour le Ford, le Lincoln est encore plus long!). Ces 376 mm supplémentaires se retrouvent dans le coffre, cet espace interstellaire où il serait facile de perdre un Wal Mart. Bien entendu, stationner un tel immeuble dans un centre-ville bondé est un exercice pour le moins frustrant mais ô combien valorisant une fois réussi!
L’habitacle, on s’en doute, ne fait pas dans l’exigu. Chacune des huit personnes y prenant place aura amplement d’espace pour prendre ses aises, dans un confort surprenant. Les matériaux sont de meilleure qualité qu’auparavant mais le niveau de finition laisse parfois à désirer, surtout dans un Lincoln vendu près de 80 000$ (Navigator L), comme en faisaient foi les quelques plastiques mal finis du dernier exemplaire mis à l’essai... En fait, la finition est à l’image du design… dépassé. Plusieurs boutons semblent provenir des restants de la défunte Escort, la colonne de direction n’est pas ajustable en profondeur (mais le pédalier, lui, l’est), on ne retrouve pas de repose-pied (impardonnable), le plastique des buses de ventilation est démodé et j’en passe.
Pas de discrimination
La marque Lincoln joue présentement son avenir et tente de se démarquer davantage en offrant des produits qui sont plus que des versions luxueuses des prolétaires Ford. Le Navigator, dont l’actuelle génération a été dévoilée en 2007, fait déjà partie du passé. Par exemple, son V8 de 5,4 litres, ne possède pas un cheval, pas une livre-pied de plus que dans le Ford.
Ce moteur, tellement âgé que son numéro de série est écrit en chiffres romains, est loin de jouir des dernières technologies qui pourraient lui permettre d’utiliser son essence moins abusivement. Sur une autoroute parfaitement plane, à une vitesse légale constante avec un petit vent de dos, il est possible de faire 15 litres aux 100 km. Une bretelle et hop! ça vient de monter à 16. Trois ou quatre arrêts obligatoires plus tard, l’ordinateur de bord affiche 18. Et vous n’avez pas encore enfoncé l’accélérateur alors que le véhicule, en mode 4x4, tire une remorque de 8 700 livres, la capacité maximale du modèle allongé. Le modèle régulier, lui, peut tirer jusqu’à 10 586 livres lorsqu’équipé en conséquence. C’est du sérieux. L’automatique à six rapports fonctionne avec une belle douceur et possède une fonction Remorquage qui passe les premiers rapports plus vite. Quant au mode 4x4, il vous sortira de la plupart des situations sans hésiter.
Il n’est point besoin d’avoir un doctorat en physique pour comprendre que la conduite de l’Expedition et du Navigator est tout sauf sportive. La direction est floue au centre (et un peu sur les côtés!) et n’offre qu’une très vague idée de ce que font les roues avant. Une courbe prise le moindrement rapidement fait ressortir un roulis à rendre un voilier jaloux. Les freins font du mieux qu’ils peuvent pour stopper cette masse de plus de 2 500 kilos. Quand une remorque pousse derrière, prière de prévoir les arrêts... Malgré tout, si l’on conduit un de ces deux véhicules en respectant ses limites (on les apprend vite), on en tire un plaisir étonnant.
Tant qu’il y aura des acheteurs, il y aura un marché pour ces véhicules. Malgré tout le mal qu’on pourrait en dire, le duo Expedition/Navigator répond à une réelle demande. Et, entre vous et moi, les autres ne lisez pas ceci, si je devais me rendre en Floride avec des bagages pour quelques mois, je choisirais un Navigator sans hésiter. Et pourquoi pas l’Expedition? J’aime mieux la grille avant du Navigator. J’ai le droit, bon.