Jaguar XJ 2014: Comment rater son suicide
Après avoir longuement souffert d’une fiabilité déplorable, les Jaguar sont redevenues des voitures que l’on peut acheter sans avoir à se lier d’amitié avec un mécanicien de la marque pour qu’il se charge de remédier aux nombreuses lacunes d’une construction souvent bâclée. Sauf que la vénérable marque anglaise, désormais sous le contrôle du géant indien Tata, a toujours une piètre réputation auprès du grand public.
On en a eu la preuve dans un épisode de la série américaine Mad Men quand une des vedettes de la série a voulu se suicider en utilisant les gaz d’échappement de sa Jaguar. Ironie du sort, il a raté son suicide parce que dans la plus pure tradition des anciennes « Jag », le moteur a refusé de démarrer. Bref, les mauvaises réputations ont la vie dure.
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Dommage, car la dernière XJ, essayée dans sa version à empattement allongé et à traction intégrale est une berline qui ne manque pas d’attrait, d’abord par ses lignes et ensuite par son aménagement intérieur et son comportement routier.
D’autant plus que l’on peut désormais conduire cette limousine britannique en hiver au même titre qu’une 4Matic de chez Mercedes ou qu’une quattro de chez Audi. Car Jaguar a souffert davantage que les autres constructeurs de l’absence dans sa gamme de modèles à quatre roues motrices, ce qui était devenu un puissant dissuasif auprès de la clientèle. Dorénavant, la marque peut jouer à armes égales avec la grande majorité de ses rivales.
Quatre roues motrices salvatrices
Mon essai de la XJ à traction intégrale a commencé sur la piste hivernale du complexe Mécaglisse au nord de Montréal, où j’ai pu apprécier la polyvalence de cette Jaguar quatre saisons. J’avais beau vouloir provoquer un dérapage en inscrivant la voiture trop rapidement dans un virage glacé, elle se refusait à rompre sa trajectoire. Mieux encore, on peut s’amuser en toute impunité et la voiture corrige vos erreurs intentionnelles. Et tout cela est d’une facilité déconcertante. La route m’a aussi permis d’en apprendre davantage sur le nouveau moteur V6 de 3,0 litres avec sa boite de vitesse automatique ZF à 8 rapports. Bien sûr, le V8 5,0 litres à compresseur reste au catalogue en deux versions : l’une de 470 chevaux et l’autre de 510 chevaux appelée Supersport, une série limitée.
Le moteur V6 de 340 chevaux parait tout à fait convenable pour cette berline dont la construction privilégie l’aluminium à des fins de légèreté. À bord, le confort est maitre, le silence est d’or et la présentation d’un chic inouï. Trois modes de conduite sont offerts selon les conditions routières : Normal, Winter et Dynamic. En mode Winter, la voiture s’élancera sur le second rapport de la boite afin d’éviter le patinage des roues. Pour ne pas empiéter sur l’agrément de conduite, Jaguar a pris soin de privilégier la distribution du couple aux roues arrière, sauf si le système détecte une adhérence précaire à l’avant. Dans de telles conditions, environ 50 % de la puissance sera alors acheminée aux roues antérieures. Malgré ces précautions, la XJ à moteur V6 souffre d’un manque de caractère qui nous donne l’impression de rouler dans une grande Buick ou une Lexus. On trouvera consolation par ailleurs dans le prix de 89 000 $ alors qu’il faut aller dans les six chiffres pour une version à moteur V8.
Rappelons que l’on peut grimper encore plus haut dans l’échelle de prix en accédant à une XJL à empattement allongé comme celle que j’ai essayée après le modèle de base.
Agaçant, le Stop/Start
D’entrée de jeu, j’ai beaucoup aimé la mollette sur la console qu’il suffit de tourner pour sélectionner les rapports de la transmission automatique. Cette dernière fait d’ailleurs très bon ménage avec un moteur impressionnant de puissance et de couple qui propulse les 2370 kg de la XJL à 100 km/h en un bref 5,6 secondes sans aucun temps mort. J’ai moins aimé par contre le dispositif Stop/Start qui arrête le moteur et le remet en route après un arrêt le moindrement prolongé. Le problème émane du soubresaut du moteur qui est beaucoup trop perceptible au moment de redémarrer. Ce dispositif est une autre des nombreuses solutions mises de l’avant pour abaisser la consommation. Notre voiture d’essai s’est d’ailleurs révélée plutôt sobre après une semaine avec une consommation surprenante de seulement 11,5 litres aux 100 km. La multiplicité des boutons au tableau de bord est déroutante à première vue et exige une période d’adaptation tout comme l’ordinateur de bord. Ainsi, juste sur le volant (chauffant), on a réussi à greffer pas moins de 18 boutons différents! La présentation très soignée respecte la tradition de la marque avec un judicieux mélange de bois, de cuir et de chrome.
Si le poids de l’ensemble se fait sentir au freinage, il est moins gênant que je ne l’aurais cru dans les manœuvres en ville. Le confort est soigné, autant celui de la suspension que celui des sièges en cuir. Les occupants des places arrière sont choyés, que ce soit par l’espace qui leur est dévolu ou par un équipement qui comprend deux écrans vidéo, des tables de travail, des repose-pieds, des contrôles de température, un toit vitré et des dossiers inclinables, bref le nirvana.
Les Jaguar modernes ont perdu une partie de leur charme d’antan, mais elles ont gagné en revanche une fiabilité qui les rend non recommandables en cas de tentative de suicide. Un automobiliste averti en vaut deux.