Bentley Mulsanne 2014: Un mode de vie
Du temps où Bentley et Rolls-Royce formaient un couple très uni de l’aristocratie britannique, c’est la marque Bentley qui allait au front pour défendre les couleurs du groupe en course automobile et plus précisément dans l’épreuve culte des 24 Heures du Mans. Il ne faut donc pas se surprendre que Bentley ait voulu miser sur ses succès en course en s’appropriant le nom de deux des plus célèbres virages du Circuit de la Sarthe, Arnage et Mulsanne. Ce dernier vocable, en fait, remplace l’appellation Arnage précédemment utilisée pour identifier la limousine haut de gamme de Bentley.
Le hasard a voulu que je puisse conduire cette dernière du temps où elle portait encore le nom d’Arnage et cela quelques mois avant de faire l’essai du nouveau modèle, apparu en 2012. Si l’on fait exception des proportions gargantuesques des deux voitures, la différence est considérable. Entre vous et moi, l’ancienne datait d’une autre époque, celle où une Bentley était un clone d’une Rolls-Royce et par conséquent, une sorte de monument motorisé que l’on ne prenait aucun plaisir à conduire. Je me hasarderais même à dire qu’à son volant, j’avais l’impression de conduire une Buick 1955.
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Heureusement, les choses ont énormément changé, surtout depuis que Bentley et Rolls-Royce font bande à part, sous le parrainage de Volkswagen d’une part et de BMW de l’autre.
En deux mots, elles ont considérablement rajeuni et bénéficient à présent de la même rigueur de construction qu’autrefois, mais avec des organes mécaniques modernes et toutes les ressources de l’électronique.
Immense et intimidante
Me voilà donc au volant de cette vieille dame anglaise, par un jour sombre et brumeux d’automne. En contraste, la Mulsanne brille de tous ses feux et m’en met plein la vue, au point où je me sens d’abord intimidé. Le moteur s’anime à la pression d’un bouton et malgré son imposante cylindrée de 6,75 litres, rien ne permet de détecter le fonctionnement d’une telle cavalerie. Pourtant, pas moins de 505 ch sont à l’œuvre sous le capot avant avec l’assistance de deux turbocompresseurs. Difficile d’imaginer que ce V8 date de 1949 même s’il a subi en cours de route un bon nombre de modifications, comme la désactivation de la moitié de sa cylindrée afin d’abaisser la consommation. Cette caractéristique du moteur parait risible dans une voiture qui bouscule avec autant de démesure tous les principes d’économie. Bien que la Mulsanne est devenue l’ennemie jurée de son ancienne partenaire, la Rolls-Royce, elle en partage la transmission automatique ZF à 8 rapports.
Le moment est venu de jouer les chauffeurs et de découvrir comment cette immensité se débrouille au milieu des affres de la circulation. La simple manœuvre de quitter le stationnement s’avère une corvée en raison de la lenteur de la direction dont le volant exige pas moins de quatre rotations complètes d’une butée à l’autre! La première impression que l’on ressent au volant est ce couple monumental de 752 lb-pi que développe le moteur de cette Bentley. Malgré un poids total courtisant les 3 tonnes, la Mulsanne est capable de faire la nique à une Porsche Boxster au sprint de 0 à 100 km/h, ce qui n’est pas rien. Et peu de sportives peuvent lui tenir compagnie lorsqu’elle atteint sa vitesse de pointe de 296 km/h. Non, je ne l’ai pas amenée à ce zénith, mais il est bon de savoir que si la commission Charbonneau vous court après, vous pourrez toujours la semer quelque part! À une telle vitesse, et même beaucoup moins rapidement, on conseille de placer la suspension réglable en mode Sport pour éviter le roulis et le tangage que le confort de Sa Majesté exige dans pareille limousine.
Un cuir inodore
Traitons brièvement de la présentation intérieure qui est à mon avis l’argument suprême de la Mulsanne. Tout d’abord, le silence qui règne dans l’habitacle est absolument sidérant. Ainsi, l’écran central est escamotable et disparait sans provoquer le moindre décibel, tout comme le volant lorsqu’il adopte la position présélectionnée. On a l’impression de prendre place dans un cocon à l’épreuve des vicissitudes de l’existence.
Les cuirs, les boiseries et les chromes nous ramènent à l’époque où l’automobile était de l’artisanat impliquant des heures et des heures de travail manuel. Seule l’odeur du cuir si caractéristique des voitures anglaises d’hier est absente pour satisfaire, parait-il, l’odorat allergique à cette senteur de la clientèle nippone. Dommage. À l’arrière, la Mulsanne se donne des airs de salon particulier avec ses tables de travail fixées aux dossiers des fauteuils avant, ses coussins en laine soyeuse et, bien sûr, toute une panoplie des plus récents accessoires de divertissement.
On pourrait s’étendre encore longuement sur les caractéristiques de la Bentley Mulsanne qui, selon moi, correspond davantage à un mode de vie qu’à une automobile. Et en notre époque tumultueuse, je me demande à quoi peut bien servir une limousine d’une telle solennité, sinon à véhiculer des potentats ou à montrer au grand jour la taille de votre compte en banque... Est-ce vraiment nécessaire?