Dépistage aléatoire face à l'alcool au volant?
Pour mieux luttter contre l'alcool au volant, la Table québécoise de la sécurité routière suggère de soumettre les automobilistes à des tests de dépistage aléatoires.
Cette proposition centrale figure parmi les 23 recommandations présentées par le groupe présidé par Jean-Marie De Koninck dans son troisième rapport rendu public vendredi à Québec.
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Dans son document de près de 60 pages, la Table note que plusieurs conducteurs avec les facultées affaiblies échappent aux mailles du filet et aux sanctions en raison des contraintes légales imposées aux policiers.
À l'heure actuelle, un policier ne peut ordonner à un conducteur de se soumettre à l'ivressomètre à moins d'avoir des raisons de soupçonner que ce dernier a les facultés affaiblies par l'alcool ou les drogues. Or, l'alcoolémie, même élevée, peut être difficile à détecter par l'observation, remarque le rapport.
Le Dépistage systématique aléatoire (DSA) corrigerait cette lacune et permettrait aux policiers de tester les conducteurs au hasard lors d'opérations policières ou à l'occasion d'un accident ou d'un simple excès de vitesse.
La Table estime que le DSA faciliterait la détection des conducteurs fautifs et aurait un effet dissuasif en intensifiant, chez les automobilistes, la crainte d'être appréhendés.
L'effet dissuasif, ou la peur des conséquences, est l'un des jalons de la lutte contre l'alcool au volant. Cependant, bon nombre de conducteurs québécois semblent faire preuve d'excès de confiance à cet égard. D'après un sondage de la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ) cité dans le rapport, pas moins de 35 pour cent des Québécois ne craignent pas d'être arrêtés par la police s'ils ont consommé de l'alcool avant de prendre le volant.
En Australie, le dépistage aléatoire a donné de bons résultats sur le bilan routier. Les tests d'haleine aléatoires (THA) ont permis, selon la Table, de diminuer de 35 pour cent le nombre d'accidents mortels entre 1988 et 1992 dans l'État du Queensland.
Mais un obstacle majeur se profile: la mesure pourrait être illégale au Canada en vertu du droit criminel, notamment en matière de présomption d'innocence.
Même s'il a dit accueillir avec enthousiasme toutes les recommandations du rapport, le ministre des Transports, Sylvain Gaudreault, est demeuré prudent sur la question du dépistage aléatoire.
En conférence de presse, il a rappelé que le Québec favorisait un renvoi à la Cour suprême du Canada pour qu'elle se prononce sur la valeur constitutionnelle du DSA.
"Soupçonner un conducteur d'avoir les facultés affaiblies, ce n'est pas comme y aller aléatoirement sur quiconque, qu'il y ait un soupçon ou non (...) C'est pour ça qu'il faut valider tout ça auprès de la Cour suprême, je pense que c'est sage", a-t-il dit.
Le gouvernement du Québec a soumis sa proposition de renvoi au groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la conduite avec les facultés affaiblies. La Table québécoise de la sécurité routière a dit appuyer la démarche.
par Martin Ouellet