Bentley Mulsanne 2014: Quand ton auto coute plus cher que ta maison...
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La vie d’un journaliste automobile en est une de contradictions. Je voyage la plupart du temps en première classe mais quand je dois payer, avec des points accumulés grâce aux manufacturiers, j’apprécie la classe économie. Je suis invité dans des hôtels où je n’ai même pas les moyens de me payer un verre d’eau. Je conduis des voitures dont le cout de remplacement d’un seul pneu grèverait mon budget pour les six prochains mois. Et j’ai même déjà stationné une voiture dans mon entrée… qui coutait plus cher que ma maison. C’était une Bentley Mulsanne 2014.
C’était la troisième fois que je prenais le volant de cette majestueuse germano-britannique. Et, comme les deux premières fois, j’étais impressionné. Intimidé serait plus juste. D’autant plus que je passais d’une Toyota Prius PHV, une voiture de format compact dont l’ordinateur de bord affichait un gros 4,4 litres aux 100 km. La transition fut d’autant plus difficile que la Mulsanne mesure un mètre de plus, pèse 1 150 kilos de plus et consomme un tantinet davantage avec, à la fin de mon essai, 17,4 litres/100 km… d’essence super! Je passais aussi de 36 000 $ à… 352 000 $ US! Puisqu’au Canada nous payons toujours plus cher et que les rares concessionnaires canadiens de la marque établissent les prix en fonction du dollar américain en vigueur lors de la transaction, on parle facilement de 400 000$ Can (estimation personnelle).
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La Bentley Mulsanne est tout simplement trop. Trop grosse, trop lourde, elle en jette trop avec ses immenses phares qui semblent perdus de chaque côté d’une immense grille. Seule la partie arrière fait preuve d’un peu de sobriété. Et encore! Sans doute pour la première fois de ma vie, avant de m’asseoir dans une voiture, j’ai vérifié si les œillets en métal de mon jeans n’étaient pas éraflés, question de ne pas avoir à payer pour remplacer le cuir du siège du conducteur, ce qui aurait privé ma femme et mes enfants de cadeaux pour les cinq prochains Noëls.
The Truman Show
Avec ses dimensions gargantuesques, la Mulsanne n’est pas très à l’aise dans le trafic. Ou peut-être est-ce le conducteur qui ne l’est pas… La direction est plutôt légère, l’accélérateur n’est pas des plus progressif. Mais ce sont surtout les gens qui coupent sans faire leur angle mort et sans signaler, qui vous collent au derrière ou qui freinent inopinément devant qui s’avèrent bien davantage stressants. À un certain moment, j’avais l’impression d’être Jim Carrey dans le film Truman show alors que toutes les autos se précipitent devant pour lui bloquer la route… Ce n’était sans doute pas le cas.
Si la carrosserie est saisissante, que dire du tableau de bord où l’on retrouve une pléthore de boutons, de commandes, de jauges, d’écrans, de buses, de lumières, de leviers, d’avertisseurs… Tout ce qui est brille n’est pas or, dit-on. C’est vrai. Dans le cas de la Mulsanne, c’est du chrome. Du vrai. Et puis, il faut s’habituer aux caprices anglais. Notamment l’odomètre et le compte-tour inversés ou les tirettes pour activer les buses de ventilation, comme sur les voitures britanniques de la belle époque. Curieusement, malgré les dimensions de camion de pompier, on ne retrouve pas de capteurs de proximité vers l’avant. Ce qui ne serait pas un luxe car on ne voit absolument rien et stationner à l’aveuglette presque un demi-million de dollars demande une bonne dose de courage. Il est plus facile de se stationner en reculant grâce à la caméra de recul. Les sièges, aux ajustements quasiment infinis, sont d’un confort indécent. À l’avant comme à l’arrière. Déception : l’horloge, en plein centre du tableau de bord, est une vulgaire Bentley. L’heure se lirait tellement mieux sur une Breitling…
Puissance infinie
À vitesse de croisière, la direction s’affermit et le pied droit ne demande qu’à appuyer davantage sur l’accélérateur tant la réserve d’énergie semble inépuisable. Remarquez qu’avec un V8 de 6,8 litres de 505 chevaux et 752 livres-pied de couple, on ne s’attend pas à moins. Cette puissance, on la devine bien plus qu’on ne la sent tellement tout se fait en douceur et en silence. On écrase le champignon et ça accélère, tout simplement. Et tant qu’on ne relâche pas ledit champignon, ça avance de plus en plus vite, la transmission automatique égrenant ses huit rapports avec une déconcertante douceur. À 170 km/h, on a l’impression de faire du surplace, je vous jure. D’ailleurs, à 100 km/h, le moteur dort, littéralement, à 1 400 tours/minutes. À 120, il tourne à 1 600. Heureusement, il y a tellement de couple à bas régime qu’il est possible de dépasser n’importe quelle voiture, peu importe sa vitesse.
La Mulsanne n’est pas une voiture sport. Il suffit de la brasser le moindrement pour qu’elle affiche un bon roulis, même lorsque le mode Sport est choisi. Un slalom? Oubliez ça! Placer cet immeuble au millimètre près pour frôler les cônes est une tâche ardue. Pas impossible par contre. Mais qui aurait envie de jouer de cette façon avec une telle voiture? L’important est de savoir que son comportement est suffisamment dynamique pour éviter un nid-de-poule par exemple, question de ne pas abimer les énormes Dunlop SP Sport Maxx GT 265/40ZR21 et les roues qui doivent couter une fortune. Je n’ai pas les moyens de conduire cette voiture. Est-ce que je vous l’ai dit?
Le courage et l’humilité
La Bentley Mulsanne impressionne. Mais je suis davantage ébahi par le courage de Bentley Canada qui n’hésite pas, en collaboration avec Décarie Motors de la rue Bougainville à Montréal, à prêter des voitures aussi excessives à des journalistes automobiles. Merci.