Corvette Stingray 2014, comme une renaissance
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La Corvette a fêté ses soixante ans l’an dernier ou cette année, selon que vous comptez à partir de la date du lancement de la première – avec son six cylindres en ligne de 150 chevaux – ou de son millésime : 1953. Chose certaine, le constructeur a fêté ce 60e anniversaire dignement avec le modèle 427 qui n’était rien de moins qu’une Z06 décapotable, moteur de 7 litres inclus. Nous vous avons d’ailleurs présenté un essai de cette sportive fulgurante avec son contraire, la Volt, qui porte le même nom de famille.
Avec cette décapotable 427 et les foudroyantes Z06 et ZR1, dotées d’un châssis d’aluminium et de nombreuses composantes en matériaux ultralégers, les ingénieurs avaient atteint les limites de la sixième génération de la Corvette. Elles apparaissent maintenant comme des préludes à la septième. Avant tout, la Stingray dont nous vous présentions le lancement spectaculaire au dernier Salon de Detroit, vidéo inclus.
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Un nom déjà magique
Première surprise de cette présentation tapageuse : le dévoilement du nom Stingray, porté jusqu’à maintenant par très peu de modèles. D’abord la légendaire Sting Ray 1963 qui amorçait la deuxième génération et qu’on connait par son surnom de « Split Window » pour sa lunette arrière en deux parties. Le nom Stingray fut ensuite porté, en un seul mot, par la troisième génération de la Corvette lancée en 1968.
À Detroit en janvier, on découvrait une nouvelle silhouette à la fois audacieuse, familière et moderne. Controversée aussi, avec l’abandon des feux arrière ronds traditionnels en faveur de feux taillés au scalpel qui rappellent ceux de la Camaro. De plus, on apprenait que son nouveau châssis en aluminium, fabriqué pour la première fois à l’usine de Bowling Green au Kentucky, est plus rigide de 57 % que celui de la Z06 et pourtant plus léger de 45 kilos.
Avec ses nouvelles formes plus ciselées, la Stingray parait plus petite que les C6, ses devancières. Elle est pourtant plus longue de 5,8 cm, plus large de 3,3 cm et ses voies avant et arrière se sont élargies de 2,3 et 2,5 cm sur un empattement qui a gagné 2,5 cm. Cette première C7 est également plus basse de 10 mm et n’a certainement rien de pataud, surtout de profil. Elle est d’ailleurs plus longue qu’une Porsche 911 d’un seul millimètre et ne pèse qu’une centaine de kilos de plus.
Si elle a pris quarante kilos par rapport à la C6, en dépit de son châssis plus léger, de son capot et de son panneau de toit en fibre de carbone et du recours systématique à des matériaux légers, c’est qu’elle a davantage d’équipement de série et de systèmes de sécurité. Elle est malgré tout plus rapide et plus frugale, grâce à ses formes plus aérodynamiques, ses pneus moins larges et un moteur plus puissant et plus souple.
La nouvelle Corvette est toujours propulsée par un V8 à culbuteurs de 6,2 litres monté à l’avant. Il s’agit toutefois d’un tout nouveau LT1 à injection directe qui est doté aussi du calage variable en continu de ses soupapes et d’une flopée d’autres technologies de pointe. Y compris la cylindrée variable qui lui permet de se transformer carrément en V4 à vitesse constante.
La Stingray a droit à un habitacle entièrement neuf et à des sièges tout neufs. Elle profite aussi d’une série de systèmes et technologies avancés, souvent intégrés les uns aux autres. Deux mois plus tard, au Salon de Genève, Chevrolet a dévoilé la Stingray décapotable qui sera lancée en fin d’année. Elle sera équipée d’une capote souple qui s’abaissera en 21 secondes, jusqu’à 50 km/h. Sa structure et sa suspension sont rigoureusement identiques à celles du coupé.
À vrai dire, la Corvette n’a cessé de faire la manchette depuis près d’un an, que ce soit pour ce prix de base parfaitement étonnant de 52 745 $ pour une grande sportive dont la puissance de 455 chevaux augmente avec un groupe optionnel vraiment peu couteux et qui a joué la voiture de tête aux derniers 500 Milles d’Indianapolis pour la douzième fois de son histoire au mois de juin.
Premier rendez-vous californien
Après tout ce battage et ce tir nourri de communiqués, il était grand temps de conduire enfin cette nouvelle Corvette. Ce que j’ai fait il y a quelques jours sur les routes qui enlacent la ville côtière de Monterey en Californie. Une journée entière d’essais, couronnée par une série de tours endiablés sur un circuit d’autocross tracé à même le tarmac de l’aéroport municipal de Marina, sur une ancienne base militaire tout près de Monterey.
Noblesse oblige, même américaine, les journalistes furent accueillis à cet endroit par les six générations de la Corvette. Elles étaient toutes blanches, alignées côte à côte devant l’immense porte du hangar qui était décorée pour l’occasion d’une version géante du nouvel emblème ailé de la Corvette. De chaque côté de ce large espace, deux rangées de formes profilées, déjà familières, couvertes de bâches rouges parfaitement ajustées.
Après une courte présentation, on me remet la clé d’une Stingray rouge équipée du groupe Performance optionnel Z51, une aubaine absolue à 3 775 $. Je remarque le becquet avant, l’aileron arrière et les roues plus grandes mais le groupe Z51 ajoute aussi la lubrification par carter sec du moteur, un échappement variable qui augmente puissance et couple, des rotors avant plus grands (345 vs 320 mm) pour les freins Brembo, des amortisseurs plus costauds et un différentiel électronique avec refroidisseur intégré.
Ma première voiture d’essai est équipée aussi de la 3e génération d’amortisseurs à variation magnétique dont la Corvette fut la pionnière et qu’ont adoptée depuis les Audi R8, Ferrari 458 et autres. Ils sont combinés au système Performance Traction Management (PTM) dans un groupe de 1 885 $ qui vaut lui aussi chaque cenne.
Le PTM ajoute cinq modes de pilotage aux cinq modes de conduite (Glissant, É, Tourisme, Sport et Circuit) qu’on peut sélectionner avec une molette ronde installée sur la console. Comme le mannetino de Ferrari mais en double, et pas sur le volant. Chaque mode de conduite détermine douze variables différentes : direction, accélérateur, boite de vitesse, cylindrée variable, échappement, amortisseurs, départ-canon, antipatinage, antidérapage, mode de pilotage et affichage, rien de moins. Et ça fonctionne, impeccablement!
Enfin au volant
On se glisse à bord sans peine et sans contorsion. Mes premières impressions sont nettes et favorables. Le dessin du tableau de bord est simple, clair et moderne, les contrôles accessibles, bien placés et bien finis. La Stingray regorge de fonctions, de systèmes et de menus. De la consommation instantanée à la température de chacun des pneus. Sans blague. On s’y retrouve néanmoins assez vite, grâce à la clarté et au graphisme précis des affichages sur l’écran tactile au centre et l’écran configurable, droit devant. Les deux font huit pouces en diagonale.
Les nouveaux sièges GT, fabriqués par Lear sur des châssis en magnésium aussi légers que rigides, sont bien sculptés et confortables. Mais ils offrent surtout – enfin – le maintien latéral qu’exige une dévoreuse de courbes comme la Corvette. Des sièges Compétition dont les ailettes et coussins sont plus grands d’un pouce (2,5 cm) seront offerts cet automne pour les habitués des circuits.
La position de conduite est impeccable, repose-pied inclus. On met facilement les réglages du siège et des rétroviseurs en mémoire (sur les versions 2LT et 3LT). Nos voitures d’essai sont américaines mais dans la première que je conduis, le tableau de bord, la console et les contreportes sont drapés de cuir et les sièges de cuir Nappa. Une finition qui correspond à la version 3LT dont le prix de départ est de 61 200 $ chez nous.
La Stingray semble immédiatement plus petite qu’une C6 en conduite. Un changement crucial pour la Corvette. L’idée brillante des concepteurs est d’avoir réduit le diamètre du volant de 10 mm à peine et d’avoir aminci sa jante. L’effet est puissant et renforcé par des ailes avant moins proéminentes, une cabine lumineuse et un coup d’œil dégagé vers l’avant et les côtés.
La vue est nettement moins bonne concernant la lunette arrière, celle-ci étant étroite avec de larges montants arrière qui sont percés de minuscules glaces triangulaires. Sous le hayon, on retrouve essentiellement le coffre large et peu profond des Corvette modernes, avec un seuil plutôt élevé.
Agile et musclée comme jamais
Une pression sur le commutateur au tableau de bord et le V8 pousse un premier rugissement pour s’adoucir aussitôt. Le nouveau LT1 produit 455 chevaux à 6 000 tr/min et 460 lb-pi de couple à 4 600 tr/min. Ces données passent à 460 et 465 avec l’échappement plus permissif du groupe Z51. Le constructeur promet un 0-100 km/h en moins de 4 secondes. Il y a un mode départ-canon pour y arriver. C’est plausible avec l’excellent différentiel autobloquant électronique du groupe Z51.
La nouvelle boite manuelle à 7 rapports est solide et son débattement est court. Il faut toutefois une poussée franche pour engager la 7e pour l’autoroute, en haut, à droite. On cherche parfois le bon rapport sur cette étroite grille de sélection. Un mode électronique qu’on active ou désamorce avec les manettes derrière le volant ajuste avec précision le régime moteur pour chaque rapport. Pour ceux qui préfèrent le pointe-talon classique, le pédalier est superbe. La boite automatique optionnelle à 6 rapports adore le couple du LT1 et rétrograde vivement en conduite intense, avec les manettes. Sportive en masse.
C’est d’ailleurs par son couple remarquable à moyen régime que le nouveau LT1 est le plus impressionnant. Le son est évidemment fabuleux en pleine accélération et le volume grimpe sérieusement en mode Sport ou Circuit. Sinon, la Stingray ronronne en douceur, surtout lorsque le voyant vert du mode V4 est allumé et que la moitié des cylindres fait la pause pour réduire la consommation. Même à des vitesses nettement supérieures aux limites affichées. Malgré son muscle, la Stingray à boite manuelle affiche des cotes ville/route de
13,8 et 8,1 L/100 km selon l’EPA américaine. Et même de 7,8 L/100 km en mode Éco.
La Stingray enfile une route en lacet comme un lévrier qui suit une piste fraiche. La nouvelle servodirection électrique à crémaillère varie d’un rapport exceptionnellement rapide de 12,0 à une démultiplication plus douce de 16,4 avec seulement 2,53 tours de volant d’une butée à l’autre. Avec ses composantes cinq fois plus rigides, elle est précise et impeccablement linéaire dans les transitions. L’effort est réglable sur trois paliers. Avec un peu plus de réactions tactiles au centre, elle serait quasi parfaite.
Même sur des routes californiennes étonnamment bosselées et craquelées, le roulement est ferme mais jamais sec avec tous les modes de conduite, sauf un. La suspension se raidit sérieusement en mode Circuit, comme il se doit, et on sent la moindre fissure. On garde ce réglage pour la piste. Le roulement ne change pas de manière perceptible avec les amortisseurs ordinaires, quel que soit le mode sélectionné.
La totale
La nouvelle Corvette était carrément fantastique sur le tracé d’autocross, équipée de l’incontournable groupe Z51. Comme sur la route mais de manière encore plus évidente, le différentiel autobloquant électronique réduisait le sous-virage et accentuait la motricité pour rendre la Stingray remarquablement agile et facile à contrôler, quel que soit le programme sélectionné. L’adhérence était phénoménale dans le virage le plus long et le plus rapide avec les nouveaux Michelin Super Sport, même si ces pneus anticrevaison sont plus étroits que ceux des anciennes Z06 et ZR1.
Le freinage est assez féroce avec les freins avant plus grands (345 contre 320 mm) et les disques rainurés et ventilés du groupe Z51, avec une excellente modulation. On sent moins de force, moins de mordant et l’effort est plus grand à la pédale avec les freins habituels, dont la puissance est pourtant plus que convenable. Les deux systèmes sont d’ailleurs signés Brembo.
Avec un prix de 52 745 $ pour la version 1LT, la nouvelle Corvette Stingray est déjà une aubaine rare. Et comment se priver, en toute logique, du groupe Z51 et de la suspension optionnelle, au prix demandé?
Cette première Corvette de la septième génération est un bond vers l’avant, comme le fut la C5. À son volant, on ne s’ennuie même pas des Z06 et ZR1. Du moins, pas encore. On pense plutôt à ses rivales allemandes et britanniques. Et ce n’est que le début.