Ford 2 1/2 tonnes 1946: Toujours en avant...
Lorsque l’automobile est apparue au début du siècle dernier, elle n’est pas arrivée seule. Les accidents de la route et les pannes faisaient aussi partie de cette nouveauté. Il faut dire que lorsqu’une automobile était en état de fonctionner (le mot fiabilité n’avait pas encore été inventé), il y avait fort à parier que son propriétaire n’avait que peu de connaissances sur la façon de la conduire, ce qui a amené plusieurs voitures à quitter la route… quand il y en avait une!
Heureusement, on retrouvait peu de ces ‘’voitures sans chevaux’’ et les bouchons de circulations, causés par une voiture en panne, étaient inexistants. Ce qui peux expliquer qu’il faut attendre jusqu’en 1916 pour que soit créée la première remorqueuse.
- À lire aussi: Packard 1939, un dernier p'tit tour de voiture?
- À lire aussi: DIVCO 1947, le camion du laitier
Avant 1916, l’automobile en panne, embourbée ou accidentée n’était pas remorquée. Elle était poussée, tirée, soulevée et sans doute qu’après de vains efforts, elle était rouée de coups de pieds ou de poings! En fait, pour sortir une voiture d’un banc de neige ou un trou de boue et ensuite pour la transporter d’un point à l’autre, il fallait un bon ‘’team’’ de chevaux ou plusieurs hommes prêts à forcer.
L’histoire raconte que Ernest Holmes, un mécanicien de Chattanooga, Tennessee, aurait passé plus de huit heures en compagnie de six autres hommes pour retirer une voiture d’une rivière. Retourné à la maison, fourbu, il aurait alors imaginé une solution qui nous apparaît aujourd’hui toute simple : adapter le système des poulies, connu depuis des millénaires, à un véhicule. La remorqueuse était née!
Pour commencer, Holmes prend une Cadillac 1913 qu’il modifie. Ce choix est surprenant, considérant que les Cadillac de cette époque étaient surtout reconnues pour leur haut niveau de raffinement et qu’il s’agissait d’une automobile et non d’un camion. Il faut dire qu’au milieu des années ’10, il y a très peu de vrais camions, la plupart des manufacturiers ne débutant la fabrication de ces véhicules spécialisés que vers 1917 ou 1918. Certes GMC, International et Studebaker sont déjà sur ce marché depuis quelques années mais il est fort possible que Holmes n’en ait même pas eu connaissance. Quoiqu’il en soit, il choisit une Cadillac dont il enlève la partie arrière. Il boulonne au châssis deux mâts auquel il fixe un câble d’acier se terminant par un solide crochet. Le patenteux fait patenter son invention et, sans le savoir, vient de créer une industrie des plus florissantes.
Holmes devient un manufacturier de matériel de remorquage des plus reconnus. D’autres entreprises profitent de son invention mais il ne cesse de la peaufiner et, encore aujourd’hui, Holmes demeure un leader dans le domaine. La remorqueuse que nous vous présentons aujourd’hui est un Ford 1946. Même à ce moment, alors que Holmes fabrique ses mécanismes depuis trente ans, beaucoup de remorqueuses sont toujours de fabrication artisanale. La plupart des garages possèdent du métal et les outils pour créer leur propre mécanisme de leviers. Pour mettre un mécanisme Holmes sur un camion, il fallait donc être assez ‘’en moyens’’ et être assurés qu’il y aurait beaucoup de travail à effectuer, question d’amortir les coûts. Holmes fabriquait le mécanisme et l’installait ensuite sur un camion (Ford ou Chevrolet la plupart du temps) qui avait été expédié au préalable à un concessionnaire Holmes.
Notre Ford 1946 appartient à Wally Daniel qui se spécialise dans l’élévation et le transport de bâtiments. On pourrait presque dire qu’il remorque des maisons! Avant de pratiquer ce métier, Wally était mécanicien et opérait un garage. Lorsqu’il l’a vendu, il a par contre conservé le camion qu’il avait trouvé dans une ‘’cour à scrap’’ de l’État de New York. Après une restauration quasiment complète, le véhicule impressionne aujourd’hui petits et grands lors d’expositions.
Comme tous les produits, les remorqueuses se sont grandement raffinées au cours des années. L’arrivée de l’hydraulique au début des années ’50 relègue les mécanismes purement mécaniques au musée. Depuis quelques années, les mécanismes pivotant sur 180 degrés aident les remorqueurs à aller chercher des voitures dans des endroits auparavant très difficiles d’accès. Aussi, les formes ont changé. Aujourd’hui, on retrouve de plus en plus de remorqueuses à plate-forme (flatbed), permettant de transporter des voitures sur de longues distances.
Un peu comme pour les ambulances, personne n’aime avoir recours à une remorqueuse. Mais quand on n’a pas le choix… Si jamais vous passez par Chattanooga au Tennessee, il existe un musée dédié uniquement aux remorqueuses. Plus près de nous, au Québec, il est relativement facile de trouver de beaux exemplaires de remorqueuses anciennes. Juste à passer par Havelock, une petite municipalité située près de Hemmingford, près de la frontière américaine, le deuxième samedi de septembre alors que se tient, chaque année depuis 142 ans, une fête où la plupart des Havelockois se retrouvent. Les possibilités d’y rencontrer Wally Daniel et son fils Chris et leur Ford 1946 sont très grandes!
Ce texte a déjà été publié dans le Guide de l'auto édition magazine de novembre-décembre 2008.