Smart Fortwo, personnalité propre
Choisir une voiture, c'est formuler ouvertement et clairement au monde entier une prise de position. En fait, conduire un modèle précis de voiture, c'est une affirmation complète de soi, que l'on expose au grand public. Les fabricants l'ont bien compris, et c'est aussi dans ce sens qu'ils identifient désormais leur produit. Chaque voiture possède donc sa personnalité propre, sans lien avec sa taille, ou son prix d'achat.
Dans ce monde d'apparence, la nouvelle vedette, c'est la minuscule Smart, une invention Mercedes qui fait une entrée fort remarquée en Amérique du Nord. Ce minuscule véhicule (le mot est faible quand on sait que la longueur hors tout du coupé est de 2,5 mètres), qui a fait son apparition en 1998 en Europe, a connu là-bas un succès foudroyant auprès de la clientèle des jeunes urbains.
Toute la campagne marketing était d'ailleurs conçue en ce sens. Les voitures étaient livrables dans des coloris on ne peut plus branchés (il suffit de penser au jaune-vert à motifs ou au bleu brillant parcouru de veines plus pâles) et on se rendait vite compte que l'on ne visait surtout pas un public conservateur. Même dans les Salons de l'auto, les promoteurs de la voiture arboraient fièrement des chandails vert fluo, et la musique rock tonitruante remplissait les oreilles des visiteurs.
En prime, on a même élaboré des concessions uniques en leur genre, semblables à des machines distributrices géantes, où l'on vendait les Smart sur commande. Chez nous, la vague Smart déferlait déjà sur les mordus d'automobiles avant même que le produit n'arrive chez les concessionnaires.
On ignorait toujours la date exacte de livraison ou le prix de vente, mais déjà les concessionnaires Mercedes (qui en font la distribution) en avaient des dizaines de vendues. Seulement 850 unités seront livrées au Canada annuellement. Quand on sait que 1 000 commandes étaient enregistrées avant même la première fournée nord-américaine, l'attente risque d'être longue.
Mais je suis persuadé que les véritables mordus n'hésiteront pas à attendre le temps qu'il faudra pour se procurer la petite bête. Parce qu'une fois la piqûre de la Smart reçue, il n'y a rien pour nous en défaire.
La preuve ? Depuis septembre 2001, j'étais moi-même un mordu du modèle après l'avoir essayé durant quelques courtes minutes en Europe. Alors, imaginez le plaisir quand j'ai eu l'occasion d'en prendre le volant pour vrai !
Puissance, pourquoi de la puissance ?
Soyons honnête, ce ne sont pas les performances qui font que la Smart est une voiture attirante. Du haut de ses 3 cylindres et de ses 40,5 chevaux, le petit moteur diesel qui propulse les roues arrière réussit une impressionnante accélération pour atteindre le 100 kilomètres en 19,3 secondes tout juste (à titre de comparaison, une minifourgonnette normale chargée presque à capacité le réussit en moins de 12 secondes !).
La transmission séquentielle qui équipe la Smart, du moins sur les modèles canadiens, n'a rien non plus d'exceptionnel. En mode entièrement automatique, les changements de rapports sont brusques et secouent fortement la voiture. En mode semi-automatique, le conducteur s'habitue rapidement et peut apprendre à élever les rapports en souplesse et en douceur. Mais cela prend quelques heures, faut-il préciser.
En revanche, il faut savoir que les versions européennes sont munies d'une transmission plus nerveuse, mieux synchronisée et qui ne précipite pas le passager et le conducteur dans le pare-brise à chaque changement de rapport.
En vitesse de pointe, ce petit bolide peut atteindre 135 kilomètres à l'heure sur les autoroutes, tout en réussissant un remarquable niveau de consommation de quelque 3,9 litres aux 100 kilomètres (et même un peu moins selon les circonstances). Et contrairement à ce que l'on pourrait croire, bien que l'ensemble soit assez facilement victime des vents latéraux, la voiture tient fort bien la route et la suspension absorbe avec une grande efficacité les problèmes les plus courants. En fait, on ne se sent pas secoués à tout vent comme le laisserait supposer la petitesse du véhicule.
Une fois bien installé derrière le volant, la conduite est un véritable plaisir. En raison de sa taille, la diminutive voiture se faufile dans toutes les situations. Un pur bonheur dans la jungle urbaine !
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Car ce qui étonne d'emblée quand on regarde une Smart, ce sont ses dimensions réduites. Que ceux qui trouvaient les Toyota Echo hatchback petites se ravisent : la Smart fait à peine 2,5 mètres de long, soit un peu plus de 8 pieds. Malgré sa petite taille, l'habitacle de la voiture est plus spacieux que l'on pourrait le croire. Deux adultes de bonne taille (tant en terme de grandeur que de largeur d'ailleurs) s'y installeront avec suffisamment de confort pour endurer de longues randonnées. Évidemment, cet espace intérieur empiète bien un peu sur l'espace de chargement, mais on dispose tout de même d'un peu de place pour ranger quelques sacs d'épicerie.
Le tableau de bord est d'une simplicité désarmante, les commandes pourraient être utilisées par un enfant de 5 ans, et, ô surprise, la Smart est relativement bien équipée. La version cabriolet essayée était munie de l'air conditionné et des sièges chauffants, actionnés sur une simple pression d'un bouton localisé plutôt bizarrement au-dessus de la planche de bord.
Au même endroit, deux cadrans, un tachymètre et une horloge, ressortent littéralement du tableau et sont parfaitement orientables afin d'être plus faciles à consulter pour le conducteur.
Quant au toit en tissu (qui réduit assez bien les bruits extérieurs), il se plie lui aussi en pressant un bouton dans le tableau de bord, jusqu'à l'arrière. Pour l'abaisser complètement, il faut cependant terminer la manoeuvre à la main. On peut même démonter les hauts de portières latérales pour donner un véritable look de cabriolet. Un coffret, spécialement aménagé dans la portière du hayon, sert à ranger ces barreaux. Notons que la Smart est aussi vendue en version coupé.
Ce n'est certes pas le style qui empêchera les gens de se procurer une Smart. Mais le prix d'achat relativement élevé et les interrogations reliées à la sécurité pourraient bien ralentir l'ardeur des consommateurs.
En matière de prix, rien à redire. C'est vrai que la voiture n'est pas donnée, mais la qualité générale du véhicule vaut bien quelques dollars de plus. Dans le domaine de la sécurité cependant, méfiez-vous des préjugés. On peut facilement penser que la taille est un handicap, mais lors de tests de collision, on a réussi à prouver que l'ensemble résiste bien aux chocs en raison d'une carrosserie dessinée pour diriger la force de l'impact vers l'arrière. Aussi, les passagers seraient sortis indemnes d'une collision frontale puisque la cage de protection est plus solide que la majorité des autres véhicules de même taille.
Et pour ceux que la hauteur du véhicule inquiète, ne vous en faites pas. Là aussi, des essais en usine, sous les yeux d'une flopée de journalistes internationaux, ont démontré que les freins ABS, l'antipatinage et le système de contrôle de stabilité latérale, de série sur les Smart, sont suffisamment efficaces pour empêcher les tonneaux même dans des situations difficiles. Il n'y a donc rien à craindre ici, même lors des périodes hivernales.
Pour le moment, seules les versions deux places, baptisés Fortwo, seront importées au Canada. On espère cependant d'ici quelques années commercialiser la version Forfour, ainsi qu'éventuellement la petite version roadster lancée en Europe.
Pour le moment, se promener au volant d'une Smart c'est le succès garanti. Jamais je n'avais été autant sollicité et bombardé de questions de toutes sortes, au point où il était parfois plus long de sortir de l'épicerie que de faire les emplettes elles-mêmes! Compte tenu du faible nombre de voitures qui seront vendues ici, et du prix relativement élevé des deux modèles qui les rendent moins accessibles aux plus jeunes, il y a fort à parier que tous les futurs propriétaires de Smart vivront la même situation !