Gilles Villeneuve, entre mythe et souvenirs
Plus de trente-sept ans que le plus célèbre pilote québécois disparaissait, laissant orphelins des milliers de passionnés de sport automobile. Mais fallait-il qu'il disparaisse en pleine gloire pour devenir un mythe ?
Né le 18 janvier 1950 à St-Jean-sur-Richelieu avant de s'en aller vivre avec sa famille à Berthierville, Gilles Villeneuve s'est d'abord fait connaître par des compétitions de motoneige, où il décrocha le titre mondial en 1974. Il fit ensuite le saut en sport automobile, d'abord en Formule Ford puis en Formule Atlantique. Gilles rencontre ensuite l'homme d'affaires Gaston Parent, qui deviendra son gérant. Parent lui trouve alors les budgets nécessaires pour compléter la saison 1977 en Formule Atlantique. Déjà à cette époque, l'argent des commanditaires était nécessaire pour espérer graduer. Mais là où Gilles Villeneuve devint vraiment un individu au destin singulier c'est durant cette même saison 1977 où il est d'abord appelé par McLaren pour piloter une troisième Formule 1 de l'équipe.
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Devant des pilotes établis
Un Grand Prix, un seul, offert par l'écurie britannique sur les conseils de son champion du monde James Hunt qui a vu le Québécois à l'oeuvre lors de trois épreuves et pense qu'il est important de tester ce jeune prodige. À Silverstone, un circuit qu'il découvre et aux commandes d'un châssis de la saison précédente, Gilles doit franchir l'étape des pré-qualifications. Il réalise la performance sans difficulté, décrochant même la neuvième position sur la grille de départ devant les deux pilotes titulaires de l'équipe, James Hunt et Jochen Mass.
Contrairement à ce que l'on a souvent entendu dire, la performance de Villeneuve durant ce week-end là passa pratiquement inaperçue. Certes, les initiés avaient remarqué son coup de volant, Gilles bataillant pour un "Top 6" avant de lâcher prise en fin de course, victime d'ennuis mécaniques (il se classa onzième), mais la plupart des observateurs échangeait plutôt sur les débuts le même jour d'une curieuse voiture qui allait révolutionner la F1 deux ans plus tard, la Renault Turbo !
Gilles revint donc au Québec sans contrat. Il poursuivit en Atlantique et dans la série Can-Am. C'est seulement au début de l'automne qu'un téléphone de Maranello allait changer son destin. Enzo Ferrari lui proposait de disputer la course de Mosport, sur une troisième voiture. Un engagement qui allait en fait aboutir à deux courses, le Canada et le Japon, en remplacement de Niki Lauda qui, titre mondial assuré, avait claqué la porte de l'écurie !
Au terme de ces deux courses, Gilles n'avait pas convaincu. Transmission brisée à Mosport, accident à Fuji, bien peu misaient alors sur la poursuite de son contrat. Trop jeune, inexpérimenté, ou encore « si Ferrari tient tellement à ce pilote, il devrait lui payer quelques saisons dans les séries de soutien avant de voir s'il est vraiment capable de piloter en F1 » étaient les phrases les plus souvent entendues dans le paddock. Pourtant, le Commendatore s'entêta et proposa à Gilles une entente de deux saisons. Ce contrat, efficacement négocié par Gaston Parent, nullement impressionné d'affronter Enzo Ferrari, était la reconnaissance que Gilles attendait.
Victoire surprise
La saison 1978 fut marquée par les déceptions jusqu'à sa victoire surprise à Montréal, pour le tout premier GP du Canada présenté sur l'Île Notre-Dame. L'année suivante fut nettement plus valorisante. Villeneuve était plus expérimenté et aux commandes d'une Ferrari 312T4 très compétitive, il fut en position de favori pour le titre mondial jusqu'à l'été. Son pilotage en avait fait l'idole de la foule. Le duel entre Gilles et René Arnoux au Grand Prix de France à Dijon fit taire les derniers détracteurs. Du pilotage de haute voltige pour une bataille restée dans la mémoire de tous les passionnés.
Si Gilles Villeneuve n'a pas remporté le titre mondial en 1979, c'est essentiellement du à deux facteurs : à Zolder (déjà !), alors que le Québécois tomba en panne d'essence (sous les yeux de l'auteur de ces lignes) au dernier tour de piste tandis que son coéquipier Jody Scheckter remportait un premier gain sur Ferrari. Deux semaines plus tard, même résultat à Monaco : Villeneuve domine mais un bris mécanique le force à abandonner et Scheckter triomphe encore. Dès lors, affichant trop peu de points, Gilles respecta la consigne de ne pas dépasser Scheckter jusqu'à ce que celui-ci soit assuré du titre. Gilles termina néanmoins vice-champion.
La saison 1980 était celle de tous les espoirs... Elle fut désastreuse, le Québécois se battant avec une Ferrari inconduisible ! Il accomplit toutefois des miracles pour marquer des points et cela lui apporta une grande crédibilité dans le milieu. D'un coup, Gilles démontrait une exceptionnelle capacité de maîtriser une F1 mal conçue, parvenant à l'améliorer avec les ingénieurs. C'était devenu un pilote respecté de tous.
Villeneuve Superstar
Sa légende se construisit vraiment aux commandes d'une voiture tout aussi difficile à piloter mais beaucoup plus puissante, la Ferrari 126C à moteur turbocompressé. Fragile, capricieuse, cette monoplace trouva son maître sur deux circuits pourtant peu favorables à la puissance brute des turbo de l'époque, Jarama (Espagne) et Monaco. La presse internationale titra alors "Villeneuve Superstar" devant ces deux victoires. Deux gains qui sont assurément les plus grands exploits de Gilles Villeneuve en F1.
La saison 1982 devait être celle de son couronnement. Elle ne fut qu'une succession de frustrations avant l'épilogue tragique de Zolder. Disqualification pour aileron non conforme, duel avec son nouveau coéquipier Didier Pironi qui tourne au vinaigre à Imola et finalement un bris mécanique qui envoie le pilote de 32 ans dans les airs, à huit minutes de la fin des qualifications du GP de Belgique, ce 8 mai 1982. Là encore, on parla de Villeneuve le téméraire... Pourtant, c'est un problème de freins et non une erreur de jugement comme on l'a trop souvent entendu qui provoqua la perte de contrôle du pilote, avant son décollage sur la March de l'infortuné Jochen Mass.
Gilles Villeneuve était une légende avant sa mort. Il l'est encore des dizaines d'années plus tard. Des objets à son image trônent encore en Italie et un très beau musée lui est dédié à Berthierville. Trente-six ans plus tard, celui qui n'a jamais été champion du monde de F1 fait toujours partie de tous les palmarès consacrés aux plus grands pilotes de l'Histoire du sport automobile.