Dodge Polara 500 1964, un muscle car avant les muscle cars !
S’il est une catégorie de voitures qui fait rêver, c’est bien celle des muscle cars, ces voitures ultrapuissantes qui ont marqué la fin des années 60 et le début des années 70. Les amateurs de performance, les gens qui apprécient les belles lignes, les nostalgiques, les spéculateurs, tout le monde a une bonne raison d’aimer les voitures de cette époque.
L’histoire nous apprend que le premier muscle car est la Pontiac GTO. Alors qu’au printemps 1963 General Motors décide de ne plus jouer la carte de la performance, une bande de zigotos travaillant pour Pontiac décide de descendre un V8 de 389 pouces cubes dans une « très mononcle » Tempest. Pour l’occasion, les suspensions sont renforcées, l’échappement doublé et les pneus élargis. Dès le printemps 1964, juste avant l’arrivée d’une certaine Mustang, les acheteurs d’une Tempest peuvent cocher l’option W62 (GTO) pour avoir droit aux bonbons ci-haut mentionnés. La course à la puissance débute. La Mustang embarque rapidement dans le jeu, suivie d’une pléthore de modèles provenant de la Chrysler Corporation, de General Motors et même de la marginale AMC.
La genèse
Mais il y a une petite erreur dans le paragraphe précédent. La course à la puissance NE DÉBUTE PAS. Elle a commencé il y a déjà plusieurs années ! L’histoire des muscle cars débute, en fait, avec la Deuxième Guerre mondiale alors que les différentes machines de guerre demandent des moteurs fonctionnant avec des indices d’octane beaucoup plus élevés. Indice d’octane plus élevé égale taux de compression plus élevé et ainsi, consommation moindre et performances accrues. En 1946, GM effectue des tests avec un moteur six cylindres de 95 chevaux avec de l’essence à indice d’octane de 100 et un taux de compression de 12.5 :1. Le « millage au gallon », comme on disait dans le temps, impressionne. En même temps, la puissance augmente de 25 %. Dès la reprise de la production en 1946, plusieurs manufacturiers proposent des moteurs au taux de compression de 7,25 :1. La course à la puissance débute. En moins de dix ans (1950-1960), la puissance des moteurs double, même pour de banales voitures à quatre portes. En même temps, les pneus, les freins, les suspensions s’améliorent considérablement.
Il faut aussi ajouter un facteur socio-économique à cette hausse de la performance. Après le second conflit mondial, gagné par les Américains (et leurs alliés, bien entendu) les « p’tits gars » rentrent à la maison, pleins d’argent et avec une incroyable volonté de vivre. Cette bonne humeur est contagieuse. Personne ne veut se rappeler les atrocités de la guerre. Pour oublier ceci et célébrer cela, rien de mieux que de reléguer au rancart, la vieille guimbarde amorphe aux couleurs sombres. En même temps, le crédit à la consommation se répand, les cuisines s’automatisent, les vêtements s’allègent, la musique devient rock’n roll…
Chrysler, la toute puissante
La Chrysler Corporation devient rapidement l’ennemie à abattre pour les autres constructeurs américains. Elle fait de la puissance son cheval de bataille. Son cheval-vapeur de bataille devrions-nous dire ! Si, en 1950, le seul moteur offert chez Dodge est un six cylindres en ligne de 230 pouces cubes de 103 chevaux, en 1960, on parle d’un moteur optionnel 381 pouces cubes de 320 chevaux… Cette année-là, Dodge introduit la Polara, sa nouvelle voiture haut de gamme. Quatre ans plus tard, en 1964, la Polara 500 compte sur pas moins de cinq moteurs, allant du 318 pouces cubes au 426 en passant par deux 383 (230, 305, 330 et 415 chevaux respectivement). Mais les amateurs sérieux n’hésitaient pas à opter pour le V8 Ramcharger Competition 426 p.c. de 425 chevaux. Bien des années plus tard, Michel Mondoux de Lavaltrie allait les imiter !
« Dans le temps, j’ai eu une Polara 64 et je voulais en ravoir une », nous dit le principal intéressé. « J’ai trouvé celle-ci en 1998 en Alabama. Il s’agissait d’une carcasse sans moteur. Il m’a fallu trois années et demie pour tout refaire. J’ai trouvé le moteur, un Ramcharger 426 de 425 chevaux au marché aux puces de Barrie en Ontario. Il s’agit d’un moteur très rare. Les gens associent tous le 426 avec les culasses Hemi mais ça n’a pas toujours été le cas. » En fait, il faudra attendre 1966 avant de voir apparaître les fameux 426 Hemi. Aujourd’hui, une Polara 500 munie du moteur Ramcharger est extrêmement rare. « Je n’en ai jamais vu une autre, ni au Québec, ni en Ontario. Il y en a peut-être aux États-Unis », de commenter Michel Mondoux, un ancien débosseleur.
La fin des muscle cars
La course à la puissance devait, un jour où l’autre, s’épuiser. Vers la fin des années 60, il devient évident que les voitures sont devenues trop rapides pour les capacités de leurs châssis. On peut accélérer comme une bombe mais, dans bien des cas, on freine avec quatre tambours seulement ! Les suspensions à lame et les pneus à plis ne peuvent faire des miracles dans les courbes. Combien de muscle cars se retrouvent ainsi sur le toit dans un fossé ? Pour compenser, le coût des assurances fait un bond magistral. De plus, les groupes écologiques décrient de plus en plus ces moteurs qui, tout le monde s’en trouve fort surpris, polluent. En arrière-plan, une crise du pétrole se dessine (1973), faisant ainsi grimper en flèche les prix du précieux liquide. Aussi, au début des années 70, la société américaine n’est plus ce qu’elle est et découvre, après les pires excès (communes isolées, drogues dures, musique psychédélique), l’ère du politiquement correct. L’abandon des excès de puissance dans les automobiles en est une preuve irréfutable.