Nissan Sentra, le laideron de la famille
Nissan sait faire preuve d'audace, comme en font foi les jolies lignes avant-gardistes de ses Altima, Murano, et autres 350Z. Mais c'est également à son enseigne que se trouve l'une des voitures les plus ternes à circuler sur nos routes, j'ai nommé la Sentra. Pas laide, mais au mieux « drabe », anodine. Avec une partie arrière semblable au cul d'une poule déplumée.
Le constructeur nippon est sans doute conscient du problème, puisque la Sentra 2004 se présente avec une partie antérieure légèrement retouchée, et des feux arrière redessinés. Trop peu, dites-vous ? Eh bien ! il vous faudra prendre votre mal en patience, puisque aux dernières nouvelles, la prochaine génération ne sera vraisemblablement pas commercialisée avant deux ans. Assez longtemps pour faire sombrer la Sentra dans l'anonymat le plus complet.
Cela dit, si l'on passe outre ses formes impersonnelles, cette voiture demeure cette année encore une valeur sûre qui, à défaut de briller au firmament des meilleures compactes, ne pèche par aucun des éléments dont elle fait la compétente synthèse.
Deux vocations différentes
La Sentra se présente sous la seule configuration de berline à quatre portes, mais elle propose deux moteurs. Le premier, un petit 1,8 litre développant 126 chevaux, équipe les versions appelées désormais 1,8 (de base) et 1,8 S (mieux équipée), désignations, comme on le constate encore, particulièrement originales. Muni d'un système de calage variable des soupapes, il offre des performances adéquates grâce à son couple bien réparti, tout en maintenant une consommation d'essence raisonnable. On peut le jumeler à une transmission manuelle à cinq vitesses précise et bien étagée, ou à une automatique à quatre rapports qui opère avec fluidité.
Le châssis rigide et les pneus de 15 pouces contribuent à la tenue de route neutre et sans surprise. La direction est plus communicative que la moyenne, et la voiture s'accroche honnêtement en virage. Les suspensions indépendantes à l'avant et à poutre multibras à l'arrière privilégient la douceur tout en affichant un zeste de fermeté. Dans l'ensemble, elles tamisent efficacement les petites imperfections routières, mais marquent le pas assez rudement sur chaussée bosselée. Les freins à disque et à tambour s'exécutent avec progressivité, mais les distances d'arrêt sont longuettes. Notons que l'ABS ne figure pas au catalogue de la 1,8, et qu'il n'est offert qu'en option, dans les autres versions.
L'histoire se présente différemment pour les SE-R et SE-R Spec V, en raison de leur moteur 2,5 litres tout aluminium emprunté à l'Altima, qui délivre 165 chevaux chez l'une contre 175 chez la seconde. La Spec V gère cette puissance à l'aide d'une boîte manuelle à six rapports qui se manie comme un charme, et qui permet de franchir le 0-100 km/h en 7 secondes et quelques fractions. De son côté, la SE-R n'alloue plus que la boîte automatique à quatre rapports. Assez aberrant merci pour une voiture à vocation sportive.
Ces versions reÇoivent un « enrobage » cohérent avec leur vocation sportive. La SE-R vient avec des jupes latérales, des suspensions rigidifiées, des pneus de 16 pouces, et des freins à disque aux quatre roues. La Spec V, facilement reconnaissable à son aileron arrière, ajoute les pneumatiques de 17 pouces, des suspensions encore plus raides, et un différentiel à glissement limité, en plus d'un ensemble optionnel de freins à disque surdimensionnés de marque Brembo.
Ces équipements rendent évidemment la conduite plus tonique et plus incisive, mais, poussée dans ses retranchements, elle affiche encore une tendance au sous-virage, marquée par un roulis trop important. Et l'effet de couple exigera une bonne prise en main du volant lors des accélérations.
Une habitabilité mesurée
Les matériaux de l'habitacle sont convenables, sans plus, et leur assemblage réalisé au Mexique semble très correct. La cabine bien insonorisée filtre efficacement les bruits de la route, sauf en ce qui a trait aux grondements du moteur en accélération. Les sièges offrent un confort acceptable, et celui du conducteur s'ajuste en hauteur, y compris dans le modèle de base, ce qui est encore assez rare dans cette catégorie. La position de conduite apparaît sans reproche, et la visibilité, excellente de tous côtés. À l'avant, les occupants profitent de bons dégagements pour la tête et les jambes, alors que l'espace plus restreint à l'arrière ne conviendra qu'à des personnes de taille moyenne. Le coffre gagnerait lui aussi à prendre un peu de volume, considérant les progrès réalisés en ce domaine chez la concurrence.
La Sentra en version de base s'affiche à prix alléchant, mais gare à son dépouillement : ni climatisation, ni assistances électriques, ni même de radio !!! Pour quelque 2500 $ de plus, la 1,8 S se pare de tous ces accessoires, en plus d'un régulateur de vitesse. Mais il reste à fouiller les « fonds de tiroir » pour les freins ABS, les coussins latéraux et les jantes en aluminium. Les versions « sport » embarquent quant à elles un bagage très complet, incluant ordinateur de bord et sono de 180 watts, à moins que vous ne lui préfériez un système audio Rockford Fosgate de 300 watts, à neuf haut-parleurs. Petit conseil au constructeur : enlevez-lui 50 watts et deux haut-parleurs, et mettez-les dans la 1,8.
Bref, la Sentra prétend être capable aussi bien de jouer dans le créneau des voitures bon marché, avec ses versions de base, que de séduire une clientèle sportive. Son pire handicap réside dans son design figé depuis déjà trop longtemps. Et deux années représentent parfois une éternité dans le monde de l'automobile.