Mazda RX-8, une tonne d'audace et de plaisir
Sur la piste en lacets aménagée pour la circonstance, la voiture tournoie, virevolte, dérive et s'adonne à toute une série d'arabesques sans jamais échapper à mon contrôle. On dirait un équilibriste en pleine possession de ses moyens. Ce parangon de maniabilité est nulle autre que la nouvelle Mazda RX-8 qui, le temps d'une valse, vient de nous prouver qu'elle est véritablement la voiture sport réinventée. Pensez-y? une carrosserie inédite de coupé quatre portes, un moteur rotatif unique au monde et un châssis prônant l'équilibre et la légèreté. Mazda a fait ses devoirs. Qu'en est-il du résultat ?
Il fallait un certain culot à la marque de Hiroshima pour oser sortir à ce point des sentiers battus. Mazda n'est sans doute pas le plus productif des constructeurs japonais mais c'est, sans conteste, le plus audacieux. Comment expliquer autrement sa ténacité vis-à-vis d'un type de moteur que des constructeurs mieux nantis (Mercedes, GM et Citroën, entre autres) ont abandonné dans des prototypes sans lendemain ? Les ingénieurs de Mazda ont décidé qu'ils débarrasseraient le rotatif de ses péchés de jeunesse et, après 36 ans d'efforts, ils peuvent dire mission accomplie. La dernière version de ce moteur implantée en position « centrale avancée » sous le capot en aluminium de la RX-8 fait partie de la génération Renesis dans le jargon de Mazda et est la plus perfectionnée que l'on ait produite à ce jour. Fini les problèmes d'étanchéité des segments, de forte consommation et d'usure prématurée des rotors. On est loin de la première Mazda à moteur rotatif, du coupé Cosmo de 1967 et de toutes ces petites voitures (R-100, RX-2, RX-3, RX-4, etc.) que Mazda a commercialisées au fil des ans et que nous avons évaluées dans les éditions précédentes du Guide de l'auto. La plus connue, bien sûr, fut la RX-7 née en 1978 et retirée du marché nord-américain en 1995. Mais revenons au présent, non sans vous référer à l'encadré qui vous permettra de découvrir la prouesse technique du moteur du Dr Wankel.
Exploit numéro 2
L'autre exploit de Mazda est d'avoir réussi à créer une voiture sport d'une architecture (appelée « Freestyle ») tout à fait inusitée avec ses deux portes arrière s'ouvrant à contresens à 80 degrés et l'absence d'un pilier central ou de pied milieu. Voilà qui risque de faire sursauter tous les tenants de la sécurité passive compte tenu qu'en cas d'impact latéral, la protection semble minime. Mazda nous a fait voir les poutres, les longerons et tous les renforcements utilisés dans les portes elles-mêmes, dans le toit et dans le plancher afin d'assurer à la carrosserie la rigidité nécessaire pour obtenir la cote 5 étoiles dans les essais de collision. Sans compter les coussins gonflables frontaux, latéraux et de type rideaux sur le pourtour du toit.
La compacité du moteur rotatif, à peine plus haut que la transmission et 25 cm plus court qu'un quatre cylindres conventionnel, a aussi permis d'utiliser à bon escient ses faibles dimensions. C'est ainsi qu'il est logé 4 cm plus bas et en recul de 6 cm par rapport à celui de la dernière RX-7, d'où l'appellation de position « centrale avancée ». Le moteur birotor (l'équivalent d'un 1,3 litre conventionnel) est offert en deux stades de mise au point : 197 chevaux avec la transmission automatique à quatre rapports et 238 chevaux dans les versions à boîte manuelle à six rapports. Des deux modèles au catalogue, GS et GT, ce dernier se distingue par sa sellerie en cuir, ses phares au xénon, son différentiel autobloquant et son système de stabilité. Est-il besoin d'ajouter que l'automatique s'adresse à une clientèle moins orientée vers les performances même si cette version propose elle aussi des freins à disque ventilé, une direction à assistance électronique, des jantes de 18 pouces et un arbre de transmission en fibre de carbone ?
Mais revenons à notre intermède du début.
La puissance dans les hauteurs
Cette RX-8 se conduit du bout des doigts avec une extrême facilité, même poussée à la limite sur la piste Mazda Raceway de Laguna Seca. Aucun tangage, aucun roulis et un léger sous-virage (avec le système de stabilité) qui ne pose pas de problème particulier. La direction est un brin légère mais superbement précise et le freinage bénéficie largement du faible poids qu'il a à stopper. Avec sa douceur proverbiale, le moteur atteint les 8500 tr/min de sa puissance maximale de faÇon très linéaire et avec cette sonorité bien particulière mais agréablement sportive. Malgré un petit bip sonore au passage de ce régime, il grimpera jusqu'à 9500 tr/min avant que le coupe-circuit n'entre en action. S'il a gagné à de nombreux égards, le moteur est toujours avare de couple et il faut jouer du levier de vitesses pour exploiter les 238 chevaux à leur mieux. Sous les 5000 tr/min, on a un peu l'impression de conduire une Honda S2000 qui, elle aussi, va chercher sa puissance dans les hauteurs. Fort heureusement, le levier de vitesses se manie sans le moindre effort, à l'exception de la marche arrière qui se fait quelquefois tirer l'oreille. L'autre hic est que les pédales (accélérateur, embrayage, freins) paraissent trop rapprochées, un détail dont il faudra tenir compte avant de chausser vos gros sabots.
Sur les routes de la Californie, j'ai eu l'impression que la suspension s'amollissait à haute vitesse et que l'on pourrait serrer la vis sans que le confort en souffre beaucoup. Car la RX-8 s'acquitte généralement bien des imperfections du revêtement malgré une petite allergie aux bosses à basse vitesse.
Kaléidoscope
L'intérieur est un vrai délice de couleurs et de contraste. Le rouge de la voiture mise à l'essai marié au noir se retrouve sur le volant bicolore, sur les sièges et sur les contre-portes tandis que de nombreux rappels de la forme triangulaire d'un rotor sont disséminés Çà et là, notamment au milieu des appuie-tête. Coup d'?il mis à part, les sièges pourraient être plus confortables, mais tout est question de goût personnel puisque rien ne permet de pointer un doigt accusateur en leur direction. Certains, comme moi, se plaindront aussi du mauvais emplacement du repose-pied. À vérifier avant d'acheter. Le conducteur fait face à un indicateur de vitesse digital, le seul, secondé par les jauges de température et de pression d'huile. La console centrale recèle les diverses commandes de la radio à l'intérieur d'un cercle chromé du plus bel effet. Les espaces de rangement ne sont toutefois pas légion et puisque vous voulez absolument savoir s'il s'agit d'une vraie quatre places, la réponse est non. On accède facilement à l'arrière, mais je ne m'y verrais pas y séjourner le temps d'un aller-retour Montréal-Québec. Par ailleurs, le coffre, sans être très vaste, peut recevoir deux sacs de golf et des bagages souples bien calés en plus de contenir un sac à skis.
L'objectif des gens de Mazda était de créer une voiture pratique et fonctionnelle pour quatre personnes sans chercher à battre des records sur l'échelle des performances. En somme, une voiture plus près du grand-tourisme que d'une sportive pure et dure. On n'ira donc pas se bagarrer avec l'une d'elles avec un petit air suffisant et la tête du conquérant. On ira plutôt se balader dans une voiture unique en son genre, confortable, bien équipée, joliment décorée, agréable à conduire et, surtout, vendue à un prix très raisonnable.
Contrepartie
Inventé par un ingénieur allemand du nom de Felix Wankel, le moteur rotatif a d'abord fait son apparition sur une moto NSU avant de se retrouver dans un spider de la même marque en 1963. En 1968, la NSU RO-80 à moteur rotatif était nommée la voiture de l'année en Europe et l'avenir semblait prometteur pour ce type de mécanique. Alors qu'un moteur six cylindres classique comporte 230 pièces, dont 166 mobiles, le rotatif n'en a que 70, dont trois seulement sont mobiles. Il n'a ni soupape, ni ressort, ni culbuteur, ni même de bielle et se distingue par son poids réduit et l'absence totale de pièces en mouvement alternatif. Le moteur à piston rotatif réalise sous une forme particulière les quatre opérations fondamentales classiques : aspiration, compression, explosion et détente. Un piston rotatif appelé aussi rotor (le moteur de la RX-8 en compte deux) de forme triangulaire déplace ses sommets dans un stator ou carter suivant une courbe spéciale nommée trochoïde. Chacune des trois faces de ce piston va s'écarter et se rapprocher de cette courbe, créant ainsi avec elle des chambres à volume variable qui permettent d'accomplir le cycle à quatre temps. L'arbre de sortie moteur, comportant un excentrique sur lequel est monté le piston, tourne trois fois plus vite que ce dernier ; il y a donc allumage chaque fois que l'arbre moteur accomplit un tour. Les forces de pression à la détente passent directement du rotor à l'excentrique, les engrenages ne servant qu'au guidage du rotor. La circulation continue des gaz permet aussi de l'apparenter à la turbine.