Jaguar XK8 / XKR, le chat sort ses griffes
Alors que la berline XJ a subi un léger lifting et une cure d'amaigrissement à base d'aluminium, les coupés et les cabriolets de la série XK de Jaguar sont reconduits en 2004 sans changement majeur depuis les légères révisions effectuées l'an dernier. On écope toujours d'un châssis provenant de l'ancienne XKS qui, il faut bien l'admettre, ne montre pas trop son ancienneté. On ne peut s'empêcher de penser toutefois à ce que sera la prochaine XK (l'an prochain peut-être), gratifiée des mêmes modifications dont a profité la berline XJ. Car les coupés et les cabriolets Jaguar ont beau être plutôt performants, il leur manque cette agilité indispensable à toute voiture aux prétentions sportives.
Pour me remettre en mémoire les impressions de conduite recueillies lors de notre match comparatif de 2001 (Porsche 911 Turbo - BMW Z8 - Jaguar XKR), j'ai pris le volant d'un coupé XKR british racing green. C'est dans cette version que le chat sort ses griffes, car elle se distingue principalement par son moteur suralimenté, un V8 de 4,2 litres qui, avec son compresseur volumétrique, développe 390 chevaux. Privé de sa ration d'air additionnelle, le même V8 n'en produit que 294 dans la XK8. La transmission automatique est la seule au catalogue, mais il s'agit d'une boîte à six rapports signée ZF utilisée dans d'autres modèles. Mais attardons-nous plutôt aux quelque 1000 km parcourus au volant de la XKR.
Claustrophobes s'abstenir
Sachez d'abord que l'habitacle de la XKR n'est pas particulièrement spacieux et que l'on y risque une crise aiguë de claustrophobie. Le faible volume intérieur est encore plus notable en hiver quand on est habillé en véritable bonhomme de neige. Ne parlons pas des sièges arrière qui sont des parures plutôt qu'un endroit où faire asseoir un être humain normalement constitué. Le coffre à bagages est dans la même ligue, c'est- à-dire assez restreint. Précisons aussi qu'il faut une certaine souplesse physique pour s'extraire de la position de conduite relativement basse. Quant aux sièges, ils seraient plus confortables si l'on ne ressentait pas les nombreuses coutures du coussin d'assise. Que ce soit dans le coupé ou le cabriolet, la visibilité est gâchée par une surface vitrée insuffisante qui complique surtout les opérations de marche arrière.
L'instrumentation est particulièrement complète, mais la console centrale est devenue le refuge d'une pléthore de boutons, 39 en tout, servant aux réglages de la chaîne stéréo, de la climatisation, des sièges chauffants, des antibrouillards et de l'annulation du système de stabilité. Cette panoplie de commutateurs accapare beaucoup trop, à mon avis, l'attention du conducteur. Le levier de vitesses ne possédant pas de petite fenêtre au tableau de bord indiquant le rapport sélectionné, il faut encore une fois détourner son attention de la route pour passer du mode manuel au mode automatique ou vice versa. Et la détestable grille en forme de J du levier de vitesses n'arrange pas les choses.
Par temps froid, le système de chauffage de cette Jag met beaucoup de temps à hausser à un degré confortable la température de l'habitacle. On aura terminé l'inventaire de l'aménagement intérieur en précisant que la finition est plutôt relevée même si le plastique entourant le levier de vitesses n'était pas solidement fixé à la console.
Des pneus exécrables
Dans l'ensemble, cette Jaguar XKR fait honneur à son titre de voiture grand-tourisme grâce à un comportement routier stimulant et à des performances bien appuyées. Il est par contre dommage que les pneus de série, des Pirelli P Zéro, viennent tout ruiner. Ils offrent une adhérence en virage louable, mais ils montrent une fâcheuse tendance à suivre toutes les imperfections du revêtement. Il faut apporter de constantes corrections au volant afin de maintenir la trajectoire en ligne droite, ce qui est carrément insupportable.
La direction est certes un peu débranchée de ce qui se passe sous les roues avant, mais compte tenu de son poids et de son volume, le coupé XKR ne s'avère pas trop intimidé par les virages serrés. Un peu de sous-virage en amorce avec une finale neutre décrit assez bien le comportement de la voiture en conduite sportive. L'antipatinage est programmé pour ne pas intervenir trop tôt afin que l'on puisse s'amuser un peu au volant. Même le châssis un peu vieux jeu se tire bien d'affaire en matière de rigidité et de résistance aux bruits de caisse. Quant aux freins Brembo, on peut leur faire confiance en tout temps.
J'ai évidemment gardé pour le dessert l'atout majeur de la XKR, soit son moteur suralimenté qui se distingue non seulement par ses exaltantes performances, mais par sa grande douceur, ses reprises foudroyantes, son niveau sonore exquis et, croyez-le ou non, son économie. Avec le bruit d'une bête fauve bondissante, le moteur s'acquitte du 80-120 km/h en 4,5 petites secondes grâce à la prompte intervention de la transmission automatique à six rapports. Et cela, tout en vous gratifiant d'une consommation de seulement 9,3 litres aux 100 km à une vitesse de 110 km/h sur autoroute. Même une Audi A4 ne fait pas mieux. Et même un parcours mixte ville et route ne fera pas monter la consommation au-dessus de 12 litres aux 100 km. De quoi rabattre le caquet aux ennemis des grosses cylindrées.
Tout ce qui précède s'applique également au cabriolet XKR qui doit à la firme allemande Karman sa brillante exécution. Quant au XK8, ce qu'on perd en puissance, on le sauve en dollars grâce à une facture inférieure d'environ 11 000 $. Il ne reste plus qu'à souhaiter un régime amincissant à ces grosses GT britanniques, certes confortables et rapides, mais un peu pataudes.