Infiniti Q45, chauffeur en option
Rares sont les voitures pour lesquelles nous vous recommanderons de vous laisser conduire. Et rares sont les voitures de luxe qui passent tellement inaperÇues que nous les recommanderons aux dirigeants d'entreprises ? et aux politiciens ? qui veulent avoir l'impression de « rouler en Rolls » sans que les journalistes et les jaloux les accusent de « rouler en Jaguar ».
Que ce soit par dessein ou par un malheureux hasard, l'Infiniti Q45 compte parmi ces voitures au luxe abondant visible seulement de l'intérieur, car affublée d'une ligne tellement banale qu'un ami qui la voyait garée dans mon entrée me fit le commentaire : « On dirait une grande Hyundai ! » Aie ! Ça fait mal quand vous avez casqué 85 000 tomates pour le fleuron de la gamme Infiniti, une voiture qui cherche à se classer parmi « les grands » et qui fait étalage d'un équipement exceptionnel.
Recherchons pedigree
Le cas de l'Infiniti Q45 illustre d'ailleurs le dilemme des constructeurs japonais. Capables de produire de voitures de très haut niveau, que ce soit dans la classe des voitures sport ou des berlines de grand luxe, les constructeurs nippons font face au problème ? disons-le ? du snobisme. En effet, l'acheteur d'une voiture de ce prix cherche, outre le luxe et les performances, à acquérir de la notoriété, cette notion abstraite qui nous fait préférer par exemple une Rolex à une Timex, même si les deux fournissent exactement le même service de base : indiquer l'heure. Sans être philosophe, je dirais que c'est généralement dans la nature humaine de vouloir se distinguer de la masse en se parant de bijoux, d'habits griffés ou d'une voiture qui dit clairement : « Regardez-moi, comme j'ai bien réussi. »
Et c'est précisément ce qui manque aux constructeurs japonais : le pedigree. Mais comment faire pour l'acquérir, ce damné pedigree ? Pas facile puisqu'il est impossible de remonter dans le temps pour se donner une histoire, un passé distingué ou glorieux. Restent donc le présent et l'avenir. Et c'est là où intervient le génie du designer dont le mandat consiste à créer le sacro-saint pedigree par un design tellement frappant qu'il fera oublier ce passé inexistant. Pour cela, il faut de la créativité et un design du tonnerre, ce qui n'est pas le fort des constructeurs japonais.
Sauf que, ces derniers temps, un certain Nissan nous a servi quelques créations qui ont fait recette, que ce soit la fourgonnette Quest et son habitacle flyé, la Maxima et son dessin original, le Murano qui fait un malheur parmi les utilitaires sport, la 350Z qui n'est pas moche, même si elle ne rappelle en rien la première Z, et ? surprise, surprise ? le superbe coupé Infiniti G35, sans oublier les nouveaux FX35 et FX45.
Il ne nous reste plus qu'à espérer pour l'avenir de la triste Q45 que le vent de fraîcheur insufflé par le design Renault à la gamme Nissan/Infiniti finira par la rejoindre. En attendant, nous allons nous contenter de cette « grande Hyundai », mais voici quand même quelques commentaires de la part de votre humble essayeur.
Mais quel moteur !
Propulsée par un superbe V8 de 4,5 litres, la Q45 bondit (littéralement) à la moindre sollicitation de l'accélérateur. Malgré les 1744 kilos, la Q45 peut tenir tête aux meilleures voitures sport du moment. La boîte automatique, si elle brille par des montées de vitesses imperceptibles, souffre d'un délai trop long lors des rétrogradations, défaut qui promet d'être corrigé sur la version 2004. Quant au freinage doublé de l'ABS, il est à la hauteur des attentes.
Si le brio du moteur laisse entrevoir des performances intéressantes, le reste de la voiture ne suit pas. Ne vous laissez donc pas berner par l'appellation Version Sport qu'utilise Infiniti pour sa Q45 de base. La direction imprécise, les sièges n'offrant aucun soutien latéral et les dandinements de la caisse vous empêchent d'exploiter les 340 chevaux qui piaffent sous le capot. Avouons cependant que la Q45 n'est pas faite pour une clientèle sportive mais pour des automobilistes bien nantis, friands d'un confort relevé et du maximum d'accessoires de luxe. Et c'est sur ce dernier point que la Q45 excelle, notamment la version Prestige qui a fait l'objet de notre essai.
Sonorisation à réglage acoustique Bose, sièges climatisés (par les petits trou-trous du revêtement en cuir), système de navigation par satellite (avec instructions vocales en franÇais), reconnaissance vocale pour une multitude de réglages ? et Ça marche ! ? et deux cerises sur le sundae : la caméra de recul qui vous permet de voir juste derrière la voiture et de superbes fauteuils inclinables à l'arrière pour dorloter « au max » les heureux occupants qui disposent en outre de leurs propres commandes de climatisation et d'audio. Le tout offert dans un habitacle ultra insonorisé et doté d'une finition impeccable.
Évidemment, il faut ajouter à cette impressionnante liste d'accessoires la présence du régulateur de vitesse « intelligent » qui permet non seulement de garder la vitesse de croisière choisie, mais qui conserve aussi une distance sécuritaire par rapport à la voiture qui vous précède en ralentissant et même en freinant automatiquement lorsqu'il le faut.
En somme, une voiture qu'apprécieront bien plus les occupants des places arrière, surtout ceux qui souhaitent, pour une raison ou une autre, ne pas attirer l'attention. Notre recommandation à Infiniti : ajouter sur la liste des accessoires facultatifs : « chauffeur offert en option ».