Chrysler Crossfire, faire du neuf avec du vieux... et bien le faire !
Premier produit issu du partenariat réunissant Chrysler et Mercedes-Benz (devenu DaimlerChrysler), le coupé Crossfire a d'abord fait son petit numéro de séduction dans de nombreux salons automobiles avant de recevoir le feu vert de la production en série. Ce modèle qui se distingue par ses lignes râblées caractérisées par un long capot avant et un arrière tronqué est sans aucun doute la meilleure voiture à ce jour à arborer l'emblème Chrysler. Pourtant, on a fait appel à une recette vieille comme le monde, soit celle fort simple de faire du neuf du vieux. Or, le résultat est étonnant.
Bien que la voiture affiche Çà et là le nom de Chrysler, de nombreux indices trahissent son origine véritable. La participation de Mercedes-Benz se manifeste de plusieurs faÇons à partir de menus détails jusqu'à des caractéristiques fortement ancrées dans les habitudes de la firme allemande. Comme ce faible diamètre de braquage qui permet de garer la voiture en un tour de main, comme toutes les Mercedes. Par ailleurs, quelle ne fut pas ma surprise de retrouver sur la console du coupé Chrysler un petit bouton servant à orienter les rétroviseurs extérieurs parfaitement semblable à celui de ma Mercedes-Benz E320 cabriolet de 1995. Un détail, certes, mais combien révélateur. D'ailleurs, aussi bien Mercedes que Chrysler ne se cachent pas pour claironner bien haut que la Crossfire est le résultat d'un travail d'étroite collaboration. À preuve, 39 % des composantes sont d'origine Mercedes tandis que 61 % proviennent de chez Chrysler. Plus explicitement, toute la mécanique porte l'empreinte allemande tandis que l'emballage revêt l'étiquette « made in the USA ».
Mi-américaine, mi-allemande
En somme, ce sont les stylistes de Chrysler, jamais en panne d'imagination, qui sont responsables de cette jolie carrosserie rappelant celle de l'Audi TT qui attire autant les regards que Britney Spears si elle se promenait flambant nue rue Sainte-Catherine. Les photos, incidemment, sont trompeuses et ne reflètent pas les vraies dimensions de la Crossfire qui sont exactement les mêmes que celles de la TT. La branche américaine de DaimlerChrysler a aussi contribué à l'aménagement intérieur.
Sous le capot et ailleurs, c'est la signature Mercedes qui domine. Elle figure par exemple sur le moteur V6 de 3,2 litres de 215 chevaux emprunté aux classes C, E, CLK et SLK. Ce dernier, un roadster à toit rigide escamotable dont la carrière s'achève, a même prêté sa plate-forme à la Crossfire. Il ne faut donc pas s'étonner que l'on ressente les mêmes sensations de conduite au volant du coupé Chrysler. Et comme si tout cela n'était pas suffisant, celui-ci est construit par le spécialiste allemand Karmann (souvenez-vous de la Karmann Ghia) qui produit déjà la CLK et le châssis de la SLK.
Une bonne perdante
Même si elle n'a pas remporté notre match des coupés sport, il faut admettre que la Crossfire est une voiture fort agréable à conduire qui, sur le plan du comportement routier, ne prête le flanc à aucune critique? tout comme la plupart des produits Mercedes. On aimera observer le mouvement du petit aileron arrière qui se déploie selon la vitesse à laquelle on route.
Là où Ça se gâte toutefois, c'est du côté de l'aménagement intérieur. Sans blâmer Chrysler, on peut dire que ce coupé a été lancé prématurément et qu'il aurait pu faire l'objet d'un meilleur peaufinage. Les irritants vont du cadran numérique de la radio totalement invisible par temps ensoleillé au pommeau du levier de vitesses en aluminium poli qui s'avère extrêmement glissant. À propos d'alu, il faut dire que la console centrale est assez éblouissante par temps clair. Il y a aussi ce petit tiroir à monnaie qui, une fois ouvert, vient gêner les mouvements du levier de vitesses et ces sièges dont le rembourrage pas plus épais qu'une galette vous donne l'impression d'être assis sur le plancher. En plus, un conducteur de petite taille, aura les genoux appuyés sur un boudin situé en dessous du tableau de bord. Mais cessons de blâmer Chrysler et reprochons à Mercedes ce levier de vitesses dont la marche arrière oblige à le tirer, à le déplacer vers la gauche et ensuite vers l'arrière. Une horreur? Et que dire de la boîte de vitesses manuelle dont les six rapports sont mal étagés ? Le deuxième qui plafonne à 83 km/h est beaucoup trop court alors que les quatrième, cinquième et sixième rapports sont longs à n'en plus finir. En quatrième, par exemple, on frôle les 175 km/h. Cet étagement est toutefois très bon pour la consommation qui s'affiche à 11 litres aux 100 km. En revanche, le fait de devoir passer la troisième avant 100 km/h repousse le 0-100 km/h à 8,2 secondes et allonge le 80-120 à 7 longues secondes.
En voulant protéger le plus possible le design original, on a lourdement sacrifié la visibilité qui, à cause d'angles morts de trois quarts arrière et de la petitesse de la lunette arrière, est carrément dangereuse.
Mais j'accepterais tous ces inconvénients pour bénéficier du confort, de la tenue de route plutôt neutre, d'une direction à billes plus précise qu'on pourrait l'imaginer et surtout d'un moteur émettant une aussi belle sonorité. Les performances ne s'avèrent pas renversantes si l'on s'attend à rouler dans une voiture sport. Or, la Crossfire est plutôt une GT (grand-tourisme) qui veut chouchouter ses deux occupants qui bénéficieront d'un espace à bagages peu commun sous le hayon arrière. C'est une voiture qui avalera les grands trajets avec aisance pour le plus grand plaisir de son conducteur. Voilà pourquoi je reprends mes propos du début en vous disant que c'est de loin la meilleure Chrysler qu'il m'ait été donné de conduire depuis longtemps.