Volvo S80, trop, mais pas assez
Par ses lacunes, la grande Volvo fait la preuve qu'il ne suffit pas d'un moteur superpuissant, d'un aménagement soigné et de nombreux équipements de sécurité pour produire une bonne berline de luxe. Encore faut-il que le tout soit judicieusement équilibré et vraiment fiable.
Précisons tout de suite que notre Volvo S80 d'essai était la version T6 qui se distingue de la S80 « ordinaire » par la présence d'un moteur tonitruant. En effet, le superbe 6 cylindres en ligne de 2,9 litres disposé transversalement à l'avant ? un tour de force ? dopé par non pas un seul, mais deux turbocompresseurs accompagnés d'un échangeur air-air, produit la bagatelle de 268 chevaux et un couple de 280 lb-pi dès 2 100 tr/min. Pauvres roues avant qui doivent non seulement diriger une masse de près de 1 600 kg, mais aussi transmettre au bitume un couple et une puissance remarquables.
Pauvres roues avant
Le résultat était prévisible : c'est excessif ! Ça ne passe pas ! Même si l'antipatinage atténue l'envie folle des roues avant de s'envoler quand vous brusquez l'accélérateur, le couple, lui, est très présent dans le volant, qui s'anime alors d'un mouvement brusque de rappel, surtout si vous avez la mauvaise idée d'accélérer lorsque les roues avant sont braquées. Adieu sécurité active !
Vous allez penser que j'exagère en insistant tellement sur cet aspect ? négatif ? de la grande Volvo. Après tout, il suffirait de modérer ses élans sur l'accélérateur. Eh bien non ! D'une voiture qui dépasse allègrement les 60 000 $, je m'attends ? et le public automobiliste aussi, j'ose le croire ? à un comportement plus civilisé. Il ne suffit pas de barder la voiture de dispositifs électroniques (antipatinage, ABS, antidérapage) pour la rendre acceptable. Il faut que le tout soit bien équilibré. Nous l'avons dit et répété souvent dans ces pages, la traction n'est pas compatible avec les moteurs puissants. À mesure que les moteurs montent en puissance pour contrer les augmentations de poids ? une autre tare ? Cadillac, Lincoln, bientôt Chrysler et tant d'autres marques de luxe abandonnent la traction dans leurs grandes berlines de luxe et adoptent la propulsion ou la transmission intégrale. À plus de 200 chevaux, la traction devient problématique. Souvenez-vous-en.
Donc, dans la T6, il y a un vice de fond que rien ne peut corriger, même pas les Michelin qui chaussent les belles roues en alliage de 17 pouces, sauf l'adoption d'un moteur moins puissant. Heureusement que Volvo a prévu la S80 à moteur 2,9 litres sans turbo, développant une puissance et un couple plus modérés ? 194 chevaux, 207 lb-pi.
Précisons enfin que si le moteur T6 est inadapté à ce châssis, il s'agit quand même d'un excellent 6 cylindres modernes (2 ACT, 24 soupapes, distribution variable), souple, puissant à souhait et, grâce aux deux turbos, démuni du turbo lag (retard) qui affuble bon nombre de moteurs ainsi suralimentés. En somme, un moteur qui ferait merveille dans une propulsion bien conÇue.
Quant à la boîte automatique Geartronic, si les passages des vitesses se font avec souplesse, notons qu'elle ne comporte que 4 rapports, alors que les rivales sont souvent rendues à 5. En outre, le sélecteur se manie mal lorsqu'on veut effectuer le passage manuel des vitesses. Là aussi, c'est à revoir. Même critique pour la direction trop assistée qui conviendrait plus à une Buick qu'à une berline sport. Heureusement que les freins sont irréprochables.
Autre constat d'échec au volant de notre S80 : la fiabilité. Après quelques centaines de kilomètres, le témoin rouge des coussins de sécurité s'est allumé pour ne plus jamais s'éteindre (dans une Volvo !). Un mauvais hasard, me direz-vous. Eh bien non, là non plus ! Quelques mois auparavant, une amie avait loué une Volvo dans laquelle le volet à commande électrique du réservoir d'essence refusait de s'ouvrir. Gênant quand vous devez faire le plein et inacceptable quand on paie ce prix-là.
Du positif, quand même
Pour le reste, notre S80 était fidèle à la réputation de la marque : intérieur cossu et bien agencé, qualité des matériaux et de la finition, excellente chaîne audio avec lecteur à quatre CD, climatisation automatique avec filtre à pollen, volant réglable en hauteur et en profondeur et sécurité passive remarquable : six coussins de sécurité et sièges avant anti-coup du lapin.
En matière de confort, les occupants de la S80 bénéficient d'un espace très convenable tant à l'avant qu'à l'arrière, l'accès est facile et le coffre, offrant déjà une belle contenance, augmente de volume quand on rabat les dossiers 60/40 de la banquette arrière. Si les sièges arrière brillent par leur confort, les baquets avant qui équipaient notre S80 T6 étaient affublés sur l'assise d'un double bourrelet inconfortable. Vérification faite dans d'autres modèles, ces sièges « sport » sont exclusifs au modèle T6.
Sur la route, si on fait abstraction des problèmes décrits précédemment et de la faible visibilité arrière causée par les appuie-tête proéminents, la Volvo se comporte comme une Volvo. Silencieuse (excellent Cx de 0,28), rassurante, bien équipée et dotée d'une autonomie de près de 650 km (réservoir de 80 litres), la S80 constitue une bonne machine à rouler sur de longues distances. Certes, elle n'est pas friande de petites routes sinueuses (suspension trop souple), mais l'autoroute lui convient très bien, d'autant plus que la puissance du moteur suralimenté permet des dépassements presque immédiats. Dommage que nos autoroutes soient limitées à 100 km/h.
Conclusion ? Optez pour la S80 2,9. Presque aussi bien équipée que la T6, elle représente un ensemble certes moins performant mais plus équilibré, moins coûteux (54 895 $ contre 62 895 $) et moins gourmand (11,5 l/100 km contre 12,5). Assurez-vous enfin que la fiabilité de votre concessionnaire Volvo soit plus élevée que celle des modèles qu'il vous propose.