Volvo S60 / S60 R, conflit de famille ?
En 2002, Volvo a été le seul constructeur de voitures de luxe à connaître un recul de ses ventes en Amérique du Nord. Cela a d'ailleurs incité la direction à nommer Vic Doolan à la tête de cette compagnie pour l'Amérique afin de remédier à la situation. Doolan est un fin renard qui a connu beaucoup de succès lorsqu'il était président de BMW au Canada et aux États-Unis. L'une de ses priorités, dit-on, sera de revenir aux sources de cette marque suédoise en ramenant la sécurité des Volvo à l'avant-plan.
Voilà une approche qui paraît en contradiction avec la S60 dont la silhouette évoque celle d'un coupé et qui a été présentée comme une berline sport lors de son lancement en 2000. Pire encore, la compagnie a dévoilé au dernier Salon de l'auto de Paris une version haute performance de ce modèle, la S60R, dont le moteur 2,5 litres turbo produit 300 chevaux. Cette Volvo roule sur des pneus de 18 pouces, sa suspension est réglable tandis que des freins Brembo à quatre pistons par étrier sont chargés de ralentir les ardeurs du pilote. Et je vous fais grâce de l'habillement sport de cette présumée rivale des Audi S4 ou BMW M3. Pour rattacher cette voiture à sa politique de sécurité d'abord, M. Doolan pourra au moins souligner qu'il s'agit d'une berline offrant un haut niveau de sécurité active en raison de sa tenue de route et de son freinage.
Et si le pire devait survenir, sachez que ces Volvo S60 bénéficient d'une structure très solide en plus de pouvoir compter sur des rideaux de sécurité latéraux et des appuie-tête prévenant le coup de lapin. Comme le modèle S60 AWD (4 roues motrices), la S60R est équipée d'un rouage de répartition électronique du couple développé par la compagnie suédoise Haldex. En usage normal, ce sont les roues avant qui sont motrices. Mais dès qu'il y a une différence de vitesse de rotation entre l'avant et l'arrière, un module électronique de commande active une pompe hydraulique qui permet de transférer le couple aux roues ayant le plus de traction. Cette intervention se fait rapidement et sans à-coup.
Mais il n'y a pas lieu de s'emballer outre mesure pour la S60R, compte tenu que Volvo n'a jamais très bien maîtrisé la dynamique des berlines sport. Par le passé, plusieurs modèles presque aussi musclés produits par Volvo étaient performants, mais assez peu agréables à piloter, aussi bien en raison d'une suspension mal réglée que d'un effet de couple prononcé dans le volant.
Et pas besoin de chercher bien loin pour trouver un tel exemple dans la gamme S60 puisque la T5 avec son moteur 2,3 litres de 247 chevaux ne réussit pas à nous convaincre qu'elle est une sportive pure et dure en raison d'un important roulis de caisse en virage et d'une direction trop légère. Enfin, un diamètre de braquage important nous fait regretter la présence de pneus de 17 pouces. Ils améliorent l'adhérence, mais rendent les man?uvres de stationnement plus délicates.
Le compromis l'emporte
Sauf en ce qui concerne le modèle R, trois groupes propulseurs sont au catalogue. Tel que mentionné plus haut, le moteur 5 cylindres de 2,3 litres n'offre pas des sensations de conduite tellement agréables. Son turbo à haute pression ne s'est jamais débarrassé de son important temps de réponse, tandis que sa courbe de puissance n'est pas idéale. Une solution intéressante est sans doute de choisir la version turbo du 5 cylindres 2,5 litres dont les 208 chevaux s'avèrent beaucoup moins capricieux et surtout très satisfaisants pour ce type de voiture. Le temps de réponse est pratiquement inexistant et il fait surtout très bon ménage avec la boîte automatique à 5 rapports, un modèle du genre. Enfin, le moteur le plus économique est la version atmosphérique de ce même moteur cinq cylindres. D'une puissance de 168 chevaux, il permet d'économiser à la pompe et ses performances sont très convenables si on prend soin de l'associer à la boîte manuelle à 5 rapports. Toutefois, l'embrayage manque un peu de progressivité et l'étagement de la boîte gagnerait à être mieux adapté à la courbe de puissance du moteur.
Malgré les 208 chevaux du moteur 2.5 litres, il s'agit d'un compromis? Mais c'est celui qui est le mieux adapté à cette berline qui aurait intérêt à abandonner ses prétentions sportives. Il semble donc y avoir eu un problème de communication entre les stylistes et les ingénieurs chargés du développement de la mécanique. Alors que les premiers dessinaient une carrosserie dont la silhouette est inspirée d'un coupé, les préposés à la mécanique concevaient une berline à vocation familiale dérivée de la plate-forme de la S80.
Bien que le coup d'?il soit assez flatteur, la S60 est mal servie par la ligne du toit qui rend l'accès aux places arrière difficile.
Par ailleurs, l'habitacle respecte la plus pure tradition de Volvo. Les sièges avant, très confortables, offrent un maintien latéral adéquat. La banquette arrière permet aussi d'héberger deux adultes de faÇon confortable. Quant au tableau de bord, il est bien dégagé avec des commandes faciles d'accès et aisément identifiables.
Agile et nerveuse, la S60 est une berline agréable à conduire malgré une suspension qui donne lieu à pas mal de roulis en virage. Depuis l'an dernier, Volvo a aussi joint les rangs de la traction intégrale en proposant une version AWD de la S60. Elle se comporte comme une traction la plupart du temps tandis que la répartition automatique du couple aux roues arrière permet de négocier avec aplomb les routes glacées ou enneigées. Elle n'a sans doute pas le même aplomb qu'une Audi A4 Quattro, mais elle se compare avantageusement par exemple à une Jaguar X-Type, aussi à quatre roues motrices. Son confort et son habitacle spacieux en font une voiture bien adaptée aux longs trajets. Le fait de pouvoir compter sur la réputation de Volvo en matière de sécurité est aussi un argument qui pèse lourd dans la balance et que M. Doolan a sans doute raison de vouloir exploiter au maximum afin de ramener la marque suédoise sur le chemin du succès.