Saturn VUE, plein la vue
Oui, je sais, le jeu de mots est facile et on pourrait en faire bien d'autres au sujet du nouveau modèle que la marque Saturn vient d'ajouter à sa gamme et qu'on a affublé du nom plutôt curieux de Vue. Si encore cela signifiait « véhicule utilitaire exceptionnel », mais une fois passées les frontières du Québec francophone, ces trois lettres perdent toute leur signification dans la langue de nos voisins du Sud. Cela dit, bien longtemps après tout le monde, Saturn prend la clef des champs avec un modèle de format moyen qui a pour objectif de mettre en échec les CR-V, RAV4 et Forester de ce monde.
La tâche ne sera pas facile et Saturn devra miser sur sa bonne réputation pour faire accepter certains des irritants de ce Vue. Avant d'en faire le procès, voyons comment se présente le dernier rejeton de Saturn.
L'embarras du choix
L'acheteur a le choix entre deux rouages d'entraînement (traction ou intégral), deux moteurs (4 cylindres et V6) et pas moins de trois types de transmissions (manuelle, automatique et CVT). Pour cet essai, GM nous avait réservé un modèle haut de gamme 4 roues motrices à moteur V6 3 litres de 181 chevaux et transmission automatique à 5 rapports. Entre vous et moi, je ne vois pas l'utilité d'un? utilitaire à traction seulement. Quant au moteur 4 cylindres Ecotec de 2,2 litres, ses arbres d'équilibrage, son couple étendu et ses 143 chevaux le rendent tout à fait convenable si vous ne projetez pas de tirer une petite remorque ou de vous livrer à l'escalade de montagnes. Pour mieux exploiter sa puissance, on peut même le jumeler à la transmission automatique à variation continue VTi (dixit GM), une exclusivité sur ce genre de véhicule. Parmi les avantages de ce type de transmission que l'on retrouve aussi chez Audi, notamment, on peut mentionner une réduction des composantes de l'ordre de 45 % et un abaissement de la consommation d'essence d'environ 10 %, un atout non négligeable dans un véhicule de ce genre.
Une chose que l'on ne peut certes pas reprocher au Saturn VUE, c'est son manque d'originalité. Outre ses panneaux de caisse en polymère (anti-éraflures), il partage avec les autres modèles de la gamme un châssis-cadre de type space frame, une technique de construction garante d'une plus grande résistance aux impacts et d'une économie de poids. Si cet utilitaire sport affiche un comportement beaucoup plus près de celui d'une voiture que d'un camion, c'est en partie grâce à son essieu arrière à roues indépendantes. C'est d'ailleurs dans le même esprit que la transmission intégrale ne s'embarrasse pas d'une gamme de vitesses à rapports courts (low range) ou d'un engagement manuel des 4 roues motrices. C'est l'électronique qui fait le travail pour vous.
Matière de goût
Pour revenir à nos irritants du début, ceux-ci sont plutôt une affaire de goût. Ainsi, le volant de grande série ne paye pas de mine tandis que les sièges en tissu et la pauvreté des matériaux plastiques paraissent indignes d'un modèle de 30 000 $. Le tableau de bord et la console centrale tombent aussi dans la banalité avec une ergonomie qui aurait pu être mieux étudiée. Ainsi, les boutons pour les glaces électriques à droite du levier de vitesses ne sont pas très à portée de la main. On peut ajouter que le coussin horizontal du siège du conducteur est trop court, ce qui constitue une entrave à une bonne position de conduite. L'immense pare-brise est près du sans faute au chapitre de la visibilité vers l'avant mais pourquoi a-t-on eu la mauvaise idée d'encombrer le montant droit d'un haut-parleur massif qui crée un angle mort ?
Heureusement, l'espace dans l'habitacle est généreux depuis les nombreux rangements jusqu'à la banquette arrière où, à la rigueur, trois personnes pourront prendre place. On peut même se croiser les jambes tellement le dégagement est appréciable. Le compartiment à bagages n'a pas été oublié non plus ; il est vaste et il suffira de rabattre les dossiers (70-30) de la banquette arrière pour étirer l'espace. La roue de secours réside sous le plancher, à l'abri des saletés de la route.
Un c?ur allemand
Saturn prévoit que 60 % des VUE seront achetés par des femmes et c'est sans doute ce qui explique que les seuils de porte ne soient pas plus élevés que ceux d'une berline conventionnelle.
D'origine allemande, le V6 de 3 litres, qui a déjà séjourné sous le capot de l'ancienne Cadillac Catera, se distingue par sa douceur, sinon par ses accélérations. La puissance est cependant très adéquate et la transmission automatique assure de bonnes reprises. Bien que la direction ait à subir un léger effet de couple, on a déjà vu pire et c'est surtout sa lenteur qui la rend désagréable. Avec trois tours et demi d'une butée à l'autre, j'ai dû me battre avec le volant dans l'épreuve de slalom. Bref, l'assistance électrique est facile à prendre en défaut dans les changements de cap rapides ou les man?uvres d'évitement. Le freinage aussi souffre d'un problème d'assistance avec une pédale qui exige une bonne pression. Quant à l'absence d'ABS (une option) et de freins à disque à l'arrière dans une version haut de gamme comme celle essayée, c'est une aberration, rien de moins. À l'exception d'une insonorisation insuffisante aux bruits de la route, le VUE propose un bon confort accentué par une suspension à grand débattement. Sur la route, le roulis et le tangage préviennent tout excès de vitesse, mais on sera surpris des aptitudes de ce 4X4 hors des sentiers battus. Malgré des pneus Bridgestone Dueller peu adaptés à ce genre d'exercice, le véhicule a manifesté de belles aptitudes sur un sol boueux ou enneigé à faible coefficient d'adhérence.
Le Saturn VUE rassemble de nombreuses solutions inédites en matière de construction automobile, mais leur exécution ne donne curieusement pas les résultats attendus. Le véhicule offre de belles qualités (confort, espace, motricité, performances) mais comporte aussi des faiblesses qui sont impardonnables face à une concurrence aussi étoffée.