Porche 911, entre rêve et réalité
Les Porsche 911 sont des voitures de rêve et personne ne songerait à leur disputer ce pouvoir d'attraction. Ce sont aussi, hélas de plus en plus, des voitures à vocation unique. Pour la conduite sportive extrême, rien ou presque ne saurait égaler une 911 mais dans la vie de tous les jours, vivre avec une Porsche n'est pas toujours une sinécure. Pour avoir partagé plus de 40 ans de ma vie d'automobiliste avec elles, je crois être en mesure de pouvoir évaluer correctement les diverses créations de cette marque allemande. Le grand prêtre de l'ordre des adorateurs de la Porsche serait-il sur le point de défroquer ?
S'il est facile de s'enthousiasmer pour une 911, comme le font tous les journalistes automobiles de la planète à la suite d'un essai d'une semaine, il est plus difficile d'affronter la réalité quotidienne au volant de l'un ou l'autre des divers modèles de la gamme. Sans l'avouer, bien des conducteurs de 911 déplorent le peu de civilité de la voiture et, principalement, son inconfort. Il faut dire que le réseau routier québécois n'arrange pas les choses et que son état lamentable est tout à fait incompatible avec les suspensions en béton d'une Porsche. Chaque trou ou chaque bosse est durement ressenti, d'autant plus que la qualité de construction des 911 n'est plus tout à fait ce qu'elle était. Chaque secousse s'accompagne de divers bruits de caisse difficiles à accepter dans une voiture qui avait autrefois la réputation d'être solide comme le roc.
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La réalité
Dans les deux modèles mis à l'essai cette année, une Targa et une Carrera 4S, la carrosserie n'avait pas cette solidité de voûte de banque qui caractérisait les anciennes 911. Cela s'expliquerait dans la Targa avec son immense toit vitré mais devient carrément inacceptable dans un coupé conventionnel. Or, la 4S mise à l'essai, en dépit d'un faible kilométrage, était affligée d'un bruit désagréable du côté droit arrière tandis que la lettre S du sigle Carrera 4S apposé sur le capot moteur ne tenait pas en place. Dans une voiture facturée à 127 000 $, incluant les options, on a le droit de se montrer exigeant. On a aussi le droit de se plaindre de la piètre apparence du tableau de bord avec ses plastiques bon marché et ses petits tiroirs à cassettes d'une fragilité déconcertante. D'ailleurs, j'aimerais que Porsche me dise ce que vient faire dans une voiture de ce prix ce lecteur de cassettes de la chaîne audio, une antiquité s'il en est une. Pendant ce temps, la cartouche du lecteur CD se cache dans le minuscule coffre à bagages sous le capot avant.
Après avoir réussi à doter les dernières 911 d'un coffre à gants, peut-être que Porsche aura le temps de s'attarder au lecteur CD dans un proche avenir. Il faudrait aussi se pencher sur l'insonorisation qui rendrait son écoute plus simple car, à 100 km/h, la Carrera 4S est de loin la voiture la plus bruyante qu'ait eu à affronter notre compteur de décibels cette année.
Sept modèles
Après avoir vidé notre sac à critiques, voyons le meilleur côté des choses, non sans avoir pris le temps de souligner que la gamme 911 propose désormais trois types de carrosserie : coupé, coupé Targa et cabriolet. En incluant la redoutable Turbo de 415 chevaux et le supersonique GT2 de 456 chevaux, la gamme comprend en tout sept modèles. Depuis l'an dernier, la Carrera 4S remplace la Carrera 4 alors que la Targa reprend du service après une absence de quatre ans. La première revendique une traction intégrale que l'on aura de la difficulté à apprécier, à moins de rouler l'hiver, ce qui ne semble pas très populaire auprès des conducteurs de Porsche.
Quant à la Targa, elle se distingue par une carrosserie de cabriolet à laquelle on a greffé un toit en verre d'un demi-mètre carré. S'il est fort agréable de rouler à ciel ouvert, il faut se souvenir que le panneau de verre qui se glisse sous la lunette arrière rend celle-ci très opaque et que le déflecteur cause un bruit de vent désagréable. Après seulement 3 000 km, le toit de la voiture essayée était aussi la source de quelques bruits de caisse. Cette Targa est aussi la première Porsche à être dotée d'une lunette arrière ouvrante qui a l'avantage de faciliter le chargement du surplus de bagages que l'on peut déposer sur une petite tablette en escamotant les strapontins arrière.
Côté mécanique, les dernières 911 à aspiration normale bénéficient d'un moteur 6 cylindres à plat refroidi par eau de 3,6 litres et 320 chevaux.
Le rêve
La griserie que l'on éprouve à conduire une 911 est indéniable. Gérée par une boîte manuelle à 6 rapports plutôt précise (une boîte automatique Tiptronic est aussi offerte en option), la puissance semble sans limites. Les accélérations et la vitesse de pointe atteignent des valeurs qui tiennent de la très haute performance.
Les 911 ont droit aussi à une note d'excellence en matière de comportement routier. J'irais même jusqu'à dire qu'il est pratiquement impossible d'atteindre les limites d'adhérence d'une Carrera 4S sur la route. La voiture est littéralement rivée au bitume et enfile les virages les uns après les autres sans broncher à des vitesses inimaginables. Et chapeau à Porsche d'avoir su mettre au point un système de stabilité (PSM) qui n'intervient que lorsque la voiture a atteint le seuil de non-retour. Bref, on peut s'amuser et sentir la voiture amorcer un dérapage avant que l'électronique vous ramène à l'ordre. Ce n'est vraiment que sur une piste de course toutefois que l'on peut chatouiller les limites de la 911. C'est l'endroit idéal aussi pour défier la phénoménale puissance du freinage qui permet de prolonger les lignes droites quasi indéfiniment.
Toutes ces belles qualités, hélas ! ne durent qu'un moment. Combien de fois pourra-t-on les apprécier dans la dure réalité du quotidien, dans les embouteillages ou sur nos pavés délabrés ? C'est la question qu'il faut se poser avant d'investir plus de 100 000 $ dans une Porsche 911.