Oldsmobile Alero, moribonde
Trop souvent, on attend le décès d'une personne pour faire son apologie, et il arrive parfois que sa réputation soit meilleure après ce grand départ que de son vivant. Doit-on s'apitoyer sur le sort de l'Alero qui achève bientôt sa carrière ? GM plante-t-elle un clou dans son pneu corporatif en retirant du marché une formidable voiture ?
Il ne faudrait quand même pas exagérer. L'Alero demeure une américaine classique, avec les qualités et les défauts caractéristiques des productions de GM. Par ailleurs, il faut admettre que la division Oldsmobile réussit à faire mieux que Pontiac, avec la Grand Am, élaborée sur une plate-forme commune. Question de personnalité et de détails bien sûr, mais les lignes mieux intégrées et plus discrètes de l'Alero me paraissent plus attrayantes que l'espèce de collage hypertrophié que présente la carrosserie de la Grand Am. Une vraie américaine
Comme cette dernière, l'Alero est offerte en version berline et coupé. Les responsables de sa mise en marché nous apprennent, sans rire, « qu'elle s'adresse aux acheteurs de voitures importées pour qui la fonctionnalité est importante, mais qui recherchent également une voiture intermédiaire élégante offrant raffinement et performance ». Soutenir qu'elle s'adresse aux acheteurs de voitures importées équivaut à nier que techniquement, elle demeure aussi américaine qu'un GI posté en Afghanistan.
Prenez par exemple ses groupes motopropulseurs. Je vous défie de trouver, sous le capot d'une voiture « étrangère », un 4 cylindres offrant les caractéristiques du moteur Ecotec 2,2 litres, à moins que vous me sortiez une vieille Lada de la naphtaline. Il grogne presque constamment son profond dépit lorsque vous appuyez un peu fort sur le champignon, et frise la crise d'asthme à l'approche des 6 000 tr/min. À sa décharge, ajoutons que sa puissance très correcte de 140 vrais chevaux et son couple abondant soutiennent la comparaison avec les meilleurs de la classe. Quant au V6, son architecture obsolète restreint son potentiel à seulement 170 chevaux pour une cylindrée quand même importante de 3,4 litres. Curieusement, le même groupe motopropulseur en offre 15 de plus dans la fourgonnette Venture. Il a cependant le mérite de fonctionner en douceur, et de consommer à peine plus (0,6 litre/100 km) que son confrère. Par ailleurs, il est le seul recommandé par GM pour remorquer un poids maximum de 454 kilos. La boîte manuelle à 5 rapports offerte exclusivement avec l'Ecotec est fabriquée par Getrag et se rapproche des très hauts standards fixés par les japonaises, même si la course du levier est encore longuette et imprécise. L'automatique Hydra-Matic à 4 rapports se comporte aussi comme une GM, c'est-à-dire parfaitement, et sauve littéralement la face du V6.
Un intérieur économique
À l'intérieur, les passagers à l'avant prennent place dans des baquets dont l'assise de bonne dimension est cependant trop basse et mal rembourrée. Constat identique en ce qui concerne la banquette arrière, sauf en ce qui a trait au 3e passager au centre qui devra se montrer stoïque. L'accès demeure assez malaisé à l'arrière du coupé malgré la longueur impressionnante des portières. Le coffre de bonne dimension s'agrandit par l'intérieur en rabattant le dossier de la banquette, mais son seuil de chargement est trop élevé. La planche de bord assez banale nous repose des excentricités de celle de la Grand Am, et les instruments peu nombreux sont bien lisibles. Beaucoup de matériaux qui composent l'habitacle et ornent les contre-portes sonnent creux et possèdent un grain grossier. La texture des tissus déÇoit, et la qualité générale montre un grand désir d'économie. L'assemblage demeure perfectible et on retrouve encore certains plastiques mal ébavurés.
L'Alero affiche une sérénité directement proportionnelle à la linéarité de la route. À 100 km/h sur l'autoroute, les deux moteurs se font oublier, et le silence règne dans l'habitacle. Les longues courbes sont négociées avec aplomb et la tenue de cap demeure sans histoire. Elle se comporte même de faÇon assez compétente sur mauvais revêtement et lorsque la route devient plus sinueuse, grâce entre autres à des amortisseurs qui effectuent très correctement leur travail. Elle vire sans trop s'incliner, mais les pneumatiques très banals dans la GLS, malgré leur taille impressionnante, et de mauvaise qualité dans les deux autres modèles, n'invitent tout simplement pas le conducteur à s'éclater.
Au chapitre de l'équipement, cette Oldsmobile offre dans sa tenue GX de base la climatisation, quelques assistances électriques, le régulateur de vitesse, un lecteur de CD, et quelques autres broutilles. La GL ajoute les glaces, rétroviseurs, et réglage en hauteur du siège conducteur à commandes électriques, ainsi que le verrouillage des portières à distance. Comme on le peut le constater, ce n'est pas encore Byzance. La GLS pallie en partie l'indigence de ses s?urs en offrant le V6, les surfaces des sièges recouvertes d'un cuir de qualité très quelconque, une chaîne stéréo Monsoon, des roues de 16 pouces en alliage et un aileron arrière. Quatre disques assistés de l'ABS se chargent de la ralentir, « luxe » que se permettaient jusqu'à l'année dernière les GX et GL, alors qu'elles doivent maintenant se contenter d'un montage mixte disque/tambour. Les productions de l'année-modèle 2003 se voient aussi amputées de quelques accessoires, comme la direction à assistance variable.
Cette pratique commerciale est pour le moins discutable pour vendre une voiture à l'origine assez compétente, mais qui est appelée à disparaître très bientôt, avec tous les désavantages que cela peut occasionner. Songez par exemple à la valeur de revente qui chutera certainement, ou simplement à l'approvisionnement potentiellement problématique en pièces de rechange, même si GM s'engage à respecter ses clients. En définitive, surveillez les rabais, ou passez simplement outre.