Nissan 350Z, plus admirable que passionnante
La dernière lettre de l'alphabet a joué un tel rôle dans l'histoire de Nissan que l'on ne peut aborder la nouvelle 350Z sans d'abord faire un retour en arrière. En 1970, l'apparition de la première voiture Z (la Datsun 240Z) avait littéralement bouleversé la donne dans la catégorie des coupés et roadsters à caractère sportif. Qu'un constructeur japonais ait été en mesure de créer une voiture sport aussi performante et bien fringuée à un prix très inférieur à celui des « vedettes » de l'époque tenait de l'exploit.
Affichée à 4 200 $, la 240Z coûtait alors moins de la moitié du prix d'une Porsche 911 E (9 500 $) et 2 000 $ de moins que le superbe coupé Jaguar XK-E selon Le Guide de l'auto 1971. Ses performances étaient sans doute légèrement inférieures, mais elle était alors, et de loin, la voiture de sa catégorie offrant le meilleur rapport prix/performance. Au fil des ans, la Z devint de moins en moins intéressante et la dernière version, la 300ZX, tira sa révérence en 1996. En faisant revivre ce modèle porte-bonheur, Nissan souhaite rééditer son succès d'il y a un tiers de siècle et offrir nouveau la voiture sport proposant le meilleur rapport prix/performance. Qu'en est-il ?
Tout comme en 1970, la 350Z s'inscrit dans un créneau où elle fait pratiquement cavalier seul. Plus chère qu'une Hyundai Tiburon mais beaucoup plus abordable qu'une Porsche Boxster, elle est pour ainsi dire sans rivale. Certes, son prix de base de 44 900 $ la place dans le même registre qu'une Audi TT ou une Honda S2000, mais Nissan ne considère ni l'une ni l'autre comme des concurrentes de la 350Z. Cette dernière est, dit-on, plus sportive que le roadster allemand et moins « pointue » que sa cousine japonaise.
Un moteur « central avant »
Pour être en mesure de respecter son objectif en matière de prix, Nissan a puisé largement dans son vaste inventaire de composantes et y a choisi sa plate-forme appelée FM (pour « Front Mid-ship ») déjà utilisée pour la Skyline (non vendue chez nous) et l'Infiniti G35. Ce châssis se distingue par l'emplacement du moteur qui se retrouve en position « centrale avant » (juste derrière l'essieu avant) afin de contribuer à un meilleur équilibre des masses. Dans le cas de la 350Z, 53 % du poids se retrouve à l'avant et 47 % à l'arrière. En plus de tabler sur la propulsion, ce coupé qui sera bientôt rejoint par une version roadster au printemps 2003 se distingue par un empattement relativement long (24 cm de plus qu'une Porsche Boxster) avec des porte-à-faux très courts. Dans sa version de base, la voiture présente un coefficient de pénétration dans l'air de 0,30 mais l'option Track Pack fait descendre ce chiffre à 0,29 grâce à la présence de becquets avant et arrière combinés à un carénage permettant un meilleur écoulement de l'air sous la carrosserie.
Ce groupe d'accessoires (facturé 1 600 $) comprend aussi des freins haute performance Brembo avec étriers à quatre pistons à l'avant et deux à l'arrière ainsi que des jantes en alliage ultraléger.
Pour la suspension, on a eu recours au principe éprouvé des essieux multibras (en aluminium) à l'avant comme à l'arrière et on s'est assuré de bien en exploiter les ressources en optant pour des pneus à taille basse de 18 pouces. Un système de stabilité (VDC) se charge de prévenir les dérapages dans les versions équipées de la boîte de vitesses manuelle à 6 rapports tandis que les modèles à transmission automatique héritent d'un antipatinage (TCS) moins sophistiqué.
Le groupe propulseur en est un que Nissan utilise à toutes les sauces puisqu'il s'agit du populaire VQ 35 que l'on retrouve à des niveaux de mise au point différents dans l'Altima, la Maxima, le Pathfinder ainsi que dans les Infiniti I35, G35 et QX4. Avec 287 chevaux obtenus à 6 200 tr/min, la 350Z hérite de la version la plus puissante de ce V6 de 3,5 litres. Détail intéressant, l'arbre de transmission est en fibre de carbone, ce qui le rend 40 % plus léger tout en contribuant à réduire les vibrations. La voiture n'en demeure pas moins assez lourde avec un poids de 1473 kg.
Si cette Nissan renoue avec le passé par sa carrosserie de coupé deux places à hayon, sa silhouette ne rappelle que très vaguement la Z originale. À défaut de coups de crayon évocateurs, les stylistes se sont rabattus sur la lettre Z qu'ils ont éparpillée abusivement un peu partout à l'intérieur et à l'extérieur pour jouer tout de même la carte de la nostalgie. En réalité, le design nous fait davantage penser à une Porsche 911 et à une Audi TT qu'au modèle que la 350Z est censée faire renaître.
Un intérieur moche
De toute évidence, l'apparence extérieure de la voiture a néanmoins fait l'objet d'une plus grande recherche que la présentation intérieure. Il s'agit évidemment d'une affaire de goût, mais j'ai rarement vu un tableau de bord aussi moche que celui de la 350Z. Comme il est dépourvu de toute homogénéité, on a l'impression qu'il a été dessiné par trois ou quatre personnes ayant chacune une vision différente des choses. Les couleurs, les matériaux et les textures s'entrecroisent dans un fouillis monumental et sans la moindre uniformité de design. Et même si l'on devait s'accommoder d'un tel désordre, il faut admettre que la qualité des plastiques n'est pas très encourageante.
Ainsi, les garnitures argentées des poignées de porte intérieures étaient déjà égratignées dans une voiture presque neuve mise à l'essai. Et que dire du couvercle de l'écran du système de navigation qui sent la camelote à plein nez. Le tableau de bord ne manque pas d'originalité pour autant avec son bloc d'instruments principaux qui fait corps avec la colonne de direction ajustable. La partie supérieure de la console centrale regroupe, comme dans l'ancienne Z, trois petites jauges (pression d'huile, voltmètre et ordinateur de bord) orientées vers le conducteur.
Les sièges méritent pour leur part une mention honorable. Ils sont confortables tout en offrant un bon maintien latéral et Nissan a poussé le souci du détail jusqu'à pratiquer une entaille sur la partie avant droite du siège du conducteur afin de faciliter le maniement du levier de vitesses. Hélas ! les espaces de rangement font grandement défaut dans l'habitacle. Cachés sous les accoudoirs, les bacs de porte sont quasi inutilisables tandis que le coffre à gants brille par son absence. On l'a remplacé par un grand coffret situé derrière le siège du passager dont l'utilisation n'est pas très commode. Les faibles dimensions de la lunette arrière ne favorisent pas la visibilité qui est également diminuée par la présence d'un arceau abritant le support des jambes de force de la suspension arrière dans le compartiment à bagages. Ce dernier doit se contenter d'un volume de 193 litres, ce qui est malgré tout suffisant si l'on tient compte que la Z est strictement une deux places.
Des chevaux cachés
Plébiscité comme l'un des meilleurs moteurs au monde, le V6 de la 350Z est bourré de qualités. Sa douceur, sa souplesse et sa discrétion ne font aucun doute, mais malgré les efforts des ingénieurs de Nissan pour lui donner du tonus, il n'a pas cette sonorité sportive qui fait tant plaisir à l'oreille des conducteurs de voitures haute performance. La puissance annoncée ne semble pas non plus au rendez-vous. Comment expliquer par exemple que la voiture ait à peu près les mêmes temps d'accélération qu'une Infiniti G35 plus lourde et moins puissante ? Les deux voitures partagent le même moteur de 3,5 litres, mais celui de la 350 Z peut compter sur 27 chevaux de plus qui se cachent on ne sait où. En conduisant d'abord la version à transmission automatique, j'ai pensé que la boîte manuelle remettrait les pendules à l'heure mais, dans les deux voitures, les reprises n'avaient pas la vigueur correspondant aux 287 chevaux promis. Il faut dire que la boîte manuelle n'aide pas les choses en raison d'un levier un peu raide à la course très longue entre le 1er et le 2e rapport. En plus, le rupteur qui coupe l'alimentation au régime maximal de 6 750 tr/min est plutôt brutal et vous oblige à passer le 3e juste avant d'atteindre les 100 km/h. Si le 0-60 mph est beaucoup plus éloquent (moins de 6 secondes) que le 0-100 km/h, c'est justement qu'il peut être bouclé sans avoir recours au 3e rapport. Il faut autour de 7 secondes pour accomplir le sprint 0-100 km/h et cela aussi bien avec la boîte manuelle qu'avec la transmission automatique. Dans une autre 350Z essayée plus tard, la boîte manuelle avait un fonctionnement beaucoup plus en douceur et il est permis de conclure que l'on aurait pu retrancher 2 ou 3 dixièmes de seconde aux temps chronométrés au préalable.
Quoi qu'il en soit, la voiture demeure quand même assez rapide et son comportement routier est suffisamment stimulant pour que l'agrément de conduite y trouve son compte. La Z s'inscrit en virage avec une grande précision grâce à une direction rapide dont l'assistance est parfaitement dosée. Les porte-à-faux très courts permettent aussi de bien situer les extrémités de la voiture, ce qui contribue à sa très grande agilité. La suspension ne manque pas de fermeté et risque de ne pas être très confortable là où le revêtement accuse le poids des années. La rigidité de la caisse est louable et cette 350Z semble aussi solide que n'importe quelle voiture allemande, y compris une Porsche 911. Il en résulte une tenue de route de très haut niveau avec une petite trace de sous-virage et une adhérence qui inspire une grande confiance. Et si jamais le virage se révèle plus serré qu'on le croyait, on pourra compter sur un freinage impeccable, particulièrement avec l'option Track Pack.
Malgré certaines réserves sur sa présentation intérieure et un moteur qui m'a semblé un peu bridé dans les divers modèles essayés, je n'hésiterais pas à dire que Nissan a réussi à répéter sa performance de 1970 en faisant de la Z 2003 la voiture sport offrant le meilleur rapport prix/performance sur le marché. Aussi admirable soit-elle cependant, il lui manque à mon avis cette petite étincelle qui suscite la passion dont chaque voiture exceptionnelle a besoin pour marquer son époque. Il serait donc surprenant que la 350Z passe à l'histoire comme l'a fait le modèle dont elle s'inspire.