Mercedes-Benz Classe S, la guerre mondiale
Les Allemands sont fiers, très fiers même. Et quand le directoire de Mercedes se fait souffleter par des constructeurs aussi agressifs que BMW et Volkswagen, pour ne nommer que ceux-là, la poudre parle.
Imaginez un instant que vous êtes le plus vieux constructeur au monde, que vous contrôlez un peu plus de 50 % du marché très lucratif des berlines de grand luxe, et que BMW tire une salve en votre direction avec la 745i. Imaginez ensuite que l'autre Teuton prétendant au titre, le groupe Volkswagen, vient de vous balancer dans les jambes la nouvelle Audi A8, et que la Phaeton attend en embuscade. Sans oublier les Japonais et les Anglais qui fourbissent leurs armes. Vous comprendrez alors pourquoi Mercedes se devait de réagir rapidement, et sa contre-attaque s'appuie sur une stratégie en deux volets presque antinomiques : la sécurité, et la puissance.
Une voiture avec des réflexes
Il faut le dire, ce n'est pas en jetant un coup d'?il rapide à une Classe S 2003 que vous constaterez les discrètes modifications dont sa carrosserie a fait l'objet. Seuls les phares, pare-chocs, grille de calandre, boîtiers de rétroviseurs et feux arrière ont été très légèrement retouchés. Même constat pour l'intérieur, au sujet duquel il vaut seulement la peine de mentionner l'écran agrandi du système de commande et d'affichage COMAND (toujours aussi ésotérique) et un ensemble « designo-couture » disponible en allongeant un supplément, qui tapisse l'habitacle de matériaux encore plus riches (cuir Nappa, nubuck, alcantara, bois anthracite). Mais revenons-en à la sacro-sainte sécurité. La Classe S renferme déjà tant de coussins de sécurité qu'il faudrait revêtir un costume de Bibendum pour être aussi bien « rembourré » en cas d'accident. Les équipements de sécurité passive sont tellement nombreux et efficaces que vous serez tenté de vous réfugier dans votre voiture lors d'un tremblement de terre ou d'une alerte nucléaire. Malgré cela, les ingénieurs de Stuttgart étaient particulièrement satisfaits de nous présenter la première voiture possédant des réflexes.
Les recherches en accidentologie révèlent que dans près des deux tiers des accidents de la route, un temps relativement long s'écoule entre l'identification du risque de collision imminent et l'impact lui-même. À partir de ces constatations, les ingénieurs ont développé un système de protection préventive des accidents appelé PRE-SAFE. Lorsqu'une situation critique est détectée par les capteurs, les ceintures de sécurité se resserrent sur les occupants, les sièges des passagers se repositionnent et le toit ouvrant se referme en vue de placer les occupants dans la meilleure position possible pour le déploiement ordonné des coussins gonflables. Ce système fait partie de l'équipement d'origine dans toute la gamme disponible pour 2003 au Canada, c'est-à-dire dans la S430 à empattement ordinaire ou long, et les S500 et S600 en version longue seulement, la S55 AMG disparaissant momentanément du catalogue.
Les deux premières reÇoivent un beau V8 (4,3 litres de 279 chevaux pour la S430, 5 litres de 306 chevaux pour la S500) couplé à une boîte automatique à 5 rapports, et elles sont disponibles en version 4MATIC à quatre roues motrices avec un différentiel central ouvert qui égalise la vitesse de rotation entre les ponts avant et arrière. Ce qui m'amène à vous parler de la S600 et de son moteur qui constitue l'arme létale par excellence de Mercedes pour écraser ses adversaires.
Un moteur exceptionnel
La production 2002 se « contentait » d'un V12 de 5,8 litres qui développait la « modeste » puissance de 362 chevaux. La Phaeton en annonce déjà 414, et on voit venir BMW avec sa 760i 12 cylindres. La riposte a jailli, en adjoignant deux turbos et un échangeur eau/air pour refroidir l'oxygène admis dans le bloc en alliage désormais ramené à 5,5 litres. Résultat ? Des valeurs remarquables pour la puissance et le couple, 500 chevaux (progression de 36 %) et 590 lb-pi dès 1 800 tr/min (progression de 51 % !). Malgré une masse qui dépasse allègrement les 2 tonnes, la majestueuse berline accélère au même rythme qu'une sportive hyperrapide, sans drame, car elle s'ébroue proprement. Le 100 km/h arrive en 4,8 secondes. Les reprises ? Que diriez-vous d'environ 3,5 secondes pour passer de 80 à 120 km/h, la mesure étant approximative car j'étais seul pour la prendre, et j'avoue que j'en avais plein les bras et les yeux. On en ressort mentalement secoué, comme si la « main de Dieu » vous avait donné un grand coup dans le dos. Seule ombre au tableau : la transmission qui donne parfois un bon coup dans les séquences où le kick down intervient.
Sur la route, on a l'impression d'assister au triomphe de la technologie sur les forces gravitationnelles. Car c'est en roulant avec sérénité entre 200 et 220 km/h sur une autobahn, ou à un rythme inavouable sur les magnifiques routes sinueuses de la Forêt Noire, que l'on s'aperÇoit que tous ces efforts ne sont pas restés vains. Votre conduite est facilitée pas le système AIRMATIC qui ajuste avec de l'air comprimé l'assiette de la carrosserie en fonction de la vitesse, la suspension semi-active (ABC) qui utilise des vérins hydrauliques pour réduire le roulis et le tangage, et le système d'amortissement adaptable (ADS) qui change les lois d'amortissement. Surtout que le très capable système de régulation de comportement dynamique (ESP) vous remet rapidement dans le droit chemin si un dérapage intervient, et que les freins, quatre gros disques assistés de l'ABS bien sûr, ainsi que de l'assistance au freinage d'urgence (BAS), vous arrêtent presque sur une pièce (en euros bien sûr) de 10 cents.
Les S430 et S500 ne déméritent pas pour autant, même si elles doivent concéder plusieurs chevaux et certains équipements comme la suspension ABC (offerte en option quand même), d'autant plus qu'elles seules peuvent recevoir le mécanisme 4MATIC. Malgré cela, la guerre n'est pas gagnée, et tant mieux pour les consommateurs car pour une fois, les « dommages collatéraux » se compteront seulement parmi les belligérants.