Mercedes-Benz Classe E, à l'heure de l'euro
Qu'est-ce que l'euro et la nouvelle Mercedes-Benz de Classe E peuvent bien avoir en commun, à part le fait qu'ils partagent la 5e lettre de l'alphabet et qu'il faudra beaucoup des premiers pour se procurer la seconde ? C'est la question que je me suis posée lors de l'avant-première de la voiture dans le cadre de la spectaculaire Cité des Arts et des Sciences à Valence, en Espagne. Car la volumineuse documentation remise aux représentants de la presse automobile s'accompagnait d'un coffret souvenir réunissant une miniature de la Classe E et des pièces d'un euro de chacun des 12 pays de l'Union européenne utilisant cette nouvelle devise.
Est-ce à dire que cette nouvelle Mercedes s'apprête à bouleverser le monde de l'automobile comme l'a fait l'apparition de l'euro dans les habitudes monétaires des consommateurs ? J'en doute car, comme toujours chez Mercedes, on a renoncé aux coups d'éclat dans le remaniement de ce qui était déjà l'une des meilleures automobiles au monde. Contrairement à l'euro, la Classe E ne risque pas de susciter la controverse.
D'abord, la ligne s'est affinée comme le démontre un Cx de 0,26 et le nouveau modèle n'a plus à avoir honte de son postérieur comme ce fut le cas de la précédente version. Celui-ci reprend les formes plus sveltes de la Classe S et de la Classe C, ce qui donne la fausse impression que la voiture est moins large que sa devancière. Or, elle est bel et bien plus large de 2 cm tout en conservant la même longueur et plus ou moins la même hauteur. L'empattement a fait un petit bond de 2 cm, mais le volume du coffre a peu changé, quoique l'on se réjouisse de voir arriver, sur la liste des options hélas ! un dossier de banquette arrière rabattable. Cela a été rendu possible en déplaÇant le réservoir à essence qui est désormais situé sous la banquette arrière plutôt que derrière. La version familiale, incidemment, n'arrivera que l'an prochain tout comme les modèles 4-Matic à traction intégrale.
Les phares de forme ovale qui avaient soulevé des commentaires peu flatteurs lors de l'apparition de la précédente Classe E en 1995 ont été reconduits en position plus inclinée et donnent de fort beaux yeux à cette Mercedes-Benz.
La voiture de 3 milliards
La nouvelle Classe E est l'aboutissement de 48 mois de travaux de développement et d'un investissement de 3 milliards de dollars, dont 800 millions dans la modernisation de l'usine de Sindelfingen où sont assemblés les quelque 300 000 véhicules produits annuellement.
Tout comme pour la Classe C présentée avant elle, la Classe E fait de nombreux emprunts à la dernière évolution de la Classe S. C'est le cas notamment de la suspension pneumatique adaptative (qui modifie l'amortissement et la raideur des ressorts selon les conditions de la route) et du Distronic, le régulateur de vitesse qui permet de maintenir l'écart de sécurité idéal entre la voiture et le véhicule qui la précède. Autre emprunt digne de mention, le système de freinage SBC (Sensotronic Brake Control) mis au point pour le roadster SL 2003 qui élimine la liaison physique entre la pédale et les freins. L'électronique se charge d'exécuter les commandes du conducteur, ce qui, dans la pratique, se traduit par une diminution des soubresauts de l'ABS et par une intervention plus rapide et plus puissante de la force de freinage en cas d'urgence.
La nouvelle Classe E est aussi le premier véhicule au monde équipé d'un siège « multicontours » dans lequel le maintien latéral est adapté en fonction du style de conduite grâce à des coussins qui se gonflent automatiquement afin d'assurer un meilleur appui au conducteur en virage.
Comme toujours chez Mercedes, il faudrait consacrer un Guide de l'auto entier pour décrire toutes les particularités de la voiture. D'ailleurs, le manuel du propriétaire compte environ 500 pages.
En dépit de toute cette armada de systèmes et de dispositifs d'aide à la conduite, la Classe E n'a pas pris de poids de faÇon substantielle et la balance oscille entre 1645 kg (E320) et 1725 kg (E500). Ce statu quo découle de l'utilisation intensive de l'aluminium, employé notamment pour le capot, les ailes avant, le couvercle du coffre arrière ainsi que les modules des pare-chocs avant et arrière.
Deux moteurs mais pas de diesel
Tous ceux qui réclament à grands cris les moteurs diesels si prisés en Europe où ils représentent 43 % des ventes devront encore une fois en faire leur deuil, car seuls les modèles équipés de moteurs à essence sont offerts chez nous. Cela comprend le fidèle V6 de 3,2 litres auquel vient s'ajouter un V8 de 5 litres en lieu et place de l'ancien 4,3 litres, ce qui explique la nouvelle dénomination d'E500 pour le modèle haut de gamme. Celui-ci, déjà en service dans la Classe S, claironne 302 chevaux (contre 275 dans l'ancienne E430), un chiffre que la future version AMG de 469 chevaux s'empressera d'éclipser. Contrairement aux conducteurs européens, l'utilisateur nord-américain d'une Classe E laisse l'automatique faire les changements de rapports pour lui, ce qui n'est finalement pas une mauvaise chose compte tenu du piètre rendement des boîtes manuelles Mercedes.
Pour ce qui est du châssis, la nouvelle Classe E s'enrichit d'un essieu avant à 4 bras tandis que la suspension arrière de type multibras fait appel, en grande partie, à l'aluminium.
Sécurité et confort
Comme toujours chez Mercedes, la voiture atteint un niveau de sécurité inégalé avec des coussins gonflables adaptatifs à deux seuils de déclenchement munis d'un capteur qui tient compte du poids du passager avant. La sécurité active, quant à elle, est assurée par une multitude de systèmes électroniques dont, bien sûr, l'ESP, un système de stabilité qui prévient les pertes de contrôle du véhicule. Des phares bixénon (route et croisement) procurent aussi une sécurité optimale en conduite nocturne.
Rien n'a été ménagé non plus pour donner au conducteur d'une Classe E tout le confort auquel il s'attend. Cela comprend le volant chauffant, la ventilation des sièges et, nec plus ultra, un climatiseur à quatre zones offrant des températures différentes pour le conducteur, le passager avant et les deux passagers arrière. Et figurez-vous que l'on a finalement trouvé le moyen d'adapter un lecteur CD à six disques à la radio du tableau de bord. Si c'est le roi soleil qui vous intéresse, la nouvelle Classe E lui donnera tout le loisir d'envahir l'habitacle de votre voiture grâce à un toit panoramique en verre semblable à celui du coupé C230 qui augmente l'ouverture du toit ouvrant traditionnel de 50 %. Avec une perméabilité à la lumière de 18 %, le verre de sécurité teinté vert protège efficacement contre les rayons ultraviolets.
Adieu tristesse
Si la vie à bord d'une Mercedes a toujours été rassurante, l'ambiance n'était pas très gaie pour autant. Sévère et sans fantaisie, la présentation intérieure, principalement dans les berlines, avait toujours été un peu triste. La Classe E 2003 change de décor intérieur et nous présente des formes, des couleurs et des matériaux d'une modernité réjouissante. Par rapport aux anciens modèles, la différence est telle qu'elle en est même déroutante à certains égards. Il m'est arrivé par exemple de confondre le levier du régulateur de vitesse avec celui des clignotants. Les rétroviseurs extérieurs pourraient aussi être plus grands, particulièrement celui de droite qui est masqué par le petit haut-parleur logé à la base du pilier A. De plus, les accoudoirs situés au milieu de chacune des portières paraissent un peu bas pour être confortables. Mais finissons de pinailler pour vanter la bonne position de conduite, le confort des sièges, la qualité de la finition, l'habitabilité et tout ce qui fait qu'une Mercedes est une Mercedes.
Cette qualité indéfinissable se retrouve aussi au volant même si, là encore, la perfection n'est toujours pas de ce monde. Le moteur V6 m'a paru moins en verve que dans les précédentes versions et, bien que les temps d'accélération soient très éloquents, les reprises le sont moins. Pour enfiler une colonne de retardataires autour de 120 km/h, la puissance semble un peu juste, d'autant plus que la transmission automatique accuse un temps de réponse déconcertant. Celui-ci a d'ailleurs été relevé par plusieurs collègues journalistes et les ingénieurs de Mercedes ne semblaient pas avoir de réponse à nos critiques. Le délai n'est pas très prononcé en conduite normale, mais certaines situations sont plus délicates. Ainsi, pour les besoins du photographe, j'ai dû faire demi-tour à maintes reprises et le temps mort en passant de D à la marche arrière et vice-versa m'est apparu exagérément long. Et le phénomène s'est répété dans l'E500 essayée plus tard. Cette dernière, en passant, bénéficie d'un moteur aux performances étincelantes dont bien des voitures sport pourraient s'enorgueillir.
Tant au point de vue du confort que de la tenue de route, la suspension est tout à fait irréprochable, à tel point qu'il faut que l'aiguille de l'indicateur de vitesse se retrouve le plus à droite possible pour qu'on puisse vraiment apprécier la qualité du châssis. À 180 km/h et bien plus, l'impression de sécurité est totale. Seul le bruit du vent vient perturber la quiétude d'un habitacle parfaitement isolé des murmures de la mécanique. Sur le trajet sinueux de la campagne catalane entre València et Benicàssim, la berline de Classe E s'est montrée très à l'aise, négociant les épingles sans roulis exagéré ou autres formes de contorsions inquiétantes. C'est tout juste si l'on détecte un léger survirage à la limite grâce à un système de stabilité qui n'intervient qu'en dernier ressort de faÇon à préserver un certain agrément de conduite. Une direction plutôt communicative et un freinage énergique viennent compléter un bilan qui tend à démontrer que les ingénieurs de Mercedes-Benz ont raison lorsqu'ils affirment que les nouvelles berlines de Classe E représentent ce qu'ils savent le mieux faire, c'est-à-dire des voitures qu'il nous est difficile de ne pas classer parmi les meilleures au monde.