Land Rover Freelander, l'aristocrate
Dans le monde des tout-terrains ? les utilitaires sport, si vous préférez ?, deux marques se disputent la paternité de ce segment : Jeep en Amérique du Nord et Land Rover partout ailleurs. Tous les autres sont des prétendants, des nouveaux venus. Pour les adeptes de la très britannique Land Rover, aujourd'hui propriété de la très américaine Ford, l'antigel qui circule dans les moteurs de la marque noble est encore de couleur bleue, le bleu royal.
Malgré d'interminables déboires, tant financiers que techniques, la marque de Sa Majesté conserve encore son aura, du moins aux yeux de ses irréductibles partisans. Lancé en Europe au Salon de Francfort de 1997, le dernier « Land » (comme on l'appelle dans les cercles huppés) a trouvé preneur sur l'ancien Continent et s'est hissé à la première place dans le segment ? moins populaire que chez nous ? des utilitaires sport. Premier modèle compact de la marque, le Freelander est aussi le premier Land à adopter la construction monocoque. L'absence d'un châssis traditionnel de camion procure au Freelander une rigidité enviable et une belle habitabilité.
La carrosserie reprend les lignes distinctives des Land Rover, marquées par un habitacle amplement vitré et un toit à deux niveaux qui assure aux occupants des places arrière un généreux dégagement en hauteur. Doté d'un « nez retroussé » à la manière du Honda CR-V, le Freelander présente une certaine ressemblance avec son cousin japonais.
Quant à l'habitacle, quelques constatations : tableau de bord très bas autorisant une belle visibilité vers l'avant, sièges confortables mais très haut perchés sans possibilité de réglage et dotés de molettes peu pratiques pour l'inclinaison des dossiers, habitacle spacieux et bien éclairé et places arrière accueillantes, quoiqu'un peu droites.
Intégrale, à votre service
Précisons tout de suite à l'intention des puristes que le Freelander abandonne la boîte de transfert à rapport inférieur au profit d'une transmission intégrale à prise constante. Mais rassurez-vous, le visco-coupleur central, chargé de répartir le mouvement entre les roues avant et arrière, procure au Freelander de belles aptitudes hors route qui sauront satisfaire la grande majorité des « tout-terrainistes » du dimanche. Alliés à cette transmission intégrale, la fonction « descente » agissant sur la 1re et la marche arrière, l'ABS et l'antipatinage aux quatre roues permettent au petit Land d'attaquer en toute confiance les pentes dignes des chèvres de montagne. En outre, grâce à une garde au sol de 18,6 cm et à une suspension entièrement indépendante à grand débattement, le Freelander peut affronter les sentiers rocailleux sans trop frémir.
V6 timidement musclé
Comme le savent tous les « grimpeurs », l'escalade exige du muscle. C'est là qu'intervient le V6 de 2,5 litres développant 177 lb-pi de couple et 174 chevaux. Musclé à bas régime, le V6 du Freelander procure des reprises convenables, mais manque de souffle à haut régime, d'où un chrono de 11,2 secondes pour le 0-100 km/h.
Compte tenu du poids (1 619 kg), des lignes carrées et de la transmission constante aux quatre roues, la consommation s'avère moins élevée que celle de certains rivaux, avec une moyenne de 13,5 litres aux 100 km. Sur route, le V6 soutient sans difficulté la vitesse de croisière et se distingue par sa discrétion sonore. Tout aussi discrets, les bruits de vent qui témoignent du soin apporté aux joints des portières et autres éléments aérodynamiques. La tenue de cap, parfois défaillante dans les utilitaires, ne présente pas de problème sur le Freelander qui résiste bien aux vents latéraux.
Par contre, le Freelander adopte sur routes ondulées le comportement typique de certains de ses rivaux, c'est-à-dire un ballottement, accentué par la position haute qu'occupent le conducteur et les passagers, tandis qu'en virage, la caisse s'incline fortement, ces deux phénomènes étant sans doute attribuables aux suspensions à grand débattement.
Les bémols
Jusqu'ici, c'est donc généralement positif. Mais hélas ! notre noble monture présente aussi quelques lacunes, notamment en matière d'ergonomie. Commande d'ouverture du capot à droite (devant le passager), boutons de radio trop petits, accoudoirs trop bas compte tenu de la hauteur non réglable des sièges, faible visibilité arrière, bouchon du réservoir d'essence qu'il faut ouvrir avec la clé et qui vous reste ensuite dans les mains, graduations trop petites des instruments, repose-pied mal placé, cric soigneusement caché dans une belle boîte d'outils sous le plancher du coffre (pensez à une crevaison en février, avec le coffre plein?), porte arrière qui s'ouvre à l'anglaise (charnières à droite) et, cerise sur le sundae, le boîtier de la chaufferette qui dépasse généreusement le bas du tableau de bord, juste là où le passager se placerait les pieds.
Mentionnons aussi que la climatisation éprouve de la difficulté à refroidir l'habitacle par temps chaud. Pour compenser, il faut augmenter la vitesse du ventilateur qui produit alors un vacarme indigne d'une voiture moderne. Indignes aussi les antiques freins à tambour arrière qui influent sans doute sur la sensation spongieuse de la pédale et le manque de puissance des freins, du moins en début de freinage. Quant à la boîte de vitesses automatique à 5 rapports, avec commande manuelle, elle s'acquitte honorablement de la tâche et convient bien au moteur, sauf en ville en circulation très lente où on sent des à-coups dans la transmission.
Moins raffiné sur le plan des aménagements intérieurs que certains de ses concurrents mais offrant de belles aptitudes en tout-terrain, le Freelander devra travailler fort pour mériter la faveur du public nord-américain, face à des rivaux qui savent allier raffinement et performances à des prix concurrentiels.