Jeep Grand Cherokee, un dur de dur, plus mou que mou
Même s'il fut le précurseur des véhicules utilitaires sport de luxe, le Jeep Grand Cherokee commence à s'essouffler devant la concurrence, toujours grandissante, dans ce créneau. Les BMW, Lexus, Mercedes et autres modèles bien établis dans le segment haut de gamme semblent mieux tirer leur épingle du jeu lorsque vient le temps de satisfaire ces faux aventuriers plus en quête de confort que de performance hors route.
À première vue, le Jeep Grand Cherokee semble avoir grand besoin de la cure de rajeunissement prévue pour 2004. En effet, depuis sa dernière révision en 1999, sa silhouette attirait toujours les regards dans les divers lieux fréquentés par un véhicule aux fonctions multiples, endroits cossus et sentiers. Cette silhouette demeure réussie, mais désormais un brin anodine lorsqu'on la compare à de nombreux concurrents. Il lui faudra donc plus que des jantes chromées, comme celles offertes sur l'édition Overland mise à l'essai, pour le relancer pour quatre ans encore. Souhaitons que son prochain remaniement s'avérera plus radical. Finalement, il est facile de croire que ce véhicule s'adresse désormais à cette majorité de propriétaires de véhicules tout-terrains qui ne feront jamais lever de poussière, de peur d'abîmer le chrome de leurs jantes. Sa gueule robuste perd donc un peu de sa pertinence.
À bord, l'agencement du tableau de bord est sobre mais réussi. La liste des accessoires est complète et les seules options sont un réglage du niveau du pédalier ainsi qu'un module qui permet de modifier la pression d'air dans les pneus.
Trop de bourrelets
Des boiseries recouvrent certaines parties du tableau de bord et l'ergonomie est bien réussie car, sans révolutionner la faÇon de faire, elle respecte les règles de base. La sellerie fait, quant à elle, dans le facile. En effet, on semble confondre confort et « bourrure », puisque l'on a plus l'impression de prendre place dans un fauteuil de salon pour une activité passive plutôt que dans une voiture pour une activité aussi proactive que la conduite.
De plus, cet excès de « bourrelets » dans le siège surélève nos pieds à tel point que l'impression de confort se perd rapidement au fil des kilomètres. Le pédalier ajustable devient alors indispensable pour quiconque a des jambes un peu plus courtes que la norme. L'habitacle est généreux sans tomber dans l'exagération et le coffre arrière offre amplement d'espace pour les bagages de toutes vos aventures urbaines.
Attention devant
Une fois au volant de ce monstre sacré, on prend un malin plaisir à exploiter les quelque 260 chevaux provenant du V8 de 4,7 litres. Cette motorisation est la seule disponible dans la version Overland, mais, pour les modèles d'entrée de gamme, il existe un 6 cylindres de 4 litres qui développe 195 chevaux et dont les performances, surprenantes, en font un choix tout de même logique pour un véhicule au gabarit aussi imposant. Si l'accélération peut être quasi brutale, on ne peut en dire autant du freinage. En effet, bien qu'il y ait eu au fil des ans des améliorations de ce côté, il est fortement recommandé de tout faire pour éviter les situations de freinage d'urgence. Le véhicule pique du nez et devient assez instable.
C'est en virage qu'on ressent le plus la lourdeur de ce petit paquebot. La suspension molle et le poids du navire en font un véhicule imprévisible qui donne l'impression de flotter sur la route. Rajoutez à cela une direction surassistée, qui vous oblige à rectifier votre trajectoire constamment, et vous obtenez un cocktail explosif qui justifie les critiques sur ce type de véhicule.
Comme un poisson dans l'eau
Si le Jeep Grand Cherokee a du mal à se faire justice sur la voie publique, il se retrouve comme un poisson dans l'eau hors route. Son système Quadra-Drive, qui a depuis longtemps fait ses preuves, devient alors sa force de frappe. Il apparaît mieux adapté que la majorité de ses concurrents aux excursions en dehors des sentiers battus. On reconnaît la nature première du Jeep Grand Cherokee, soit celle d'un véritable véhicule tout-terrain. Il faut cependant lui faire affronter des situations difficiles pour bien exploiter tout son potentiel. Ce qui revient à dire que si vous prévoyez vous servir de ce véhicule seulement sur la route, vous ne serez jamais en mesure d'apprécier ses points forts tout en ayant à subir sa lourdeur et son inconfort à la ville.
On ne peut tout avoir
C'est probablement à bord d'un Grand Cherokee que ce dicton prend tout son sens. Le client au discours dichotomique qui ne veut pas choisir entre une voiture de luxe et un camion se retrouve dans un véhicule qui, plus souvent qu'autrement, lui fera payer cher son indécision. Cette personne recherche la performance et le luxe, deux éléments difficilement compatibles, même si certains modèles arrivent mieux que d'autres à un certain compromis. En voulant combiner ces deux rôles, le Jeep Grand Cherokee qui est pourtant l'instigateur de cette mode, est pris à son propre jeu. Sa nature première le destine à de grosses corvées et on le sent mal à l'aise dans sa tenue endimanchée. Bref, le dur de dur s'est désagréablement ramolli. On aurait envie de dire qu'il est aux années 2000 ce qu'était le Caddy aux années 80.