Infiniti M45, astuce de marketing
La relance de Nissan exige que sa division Infiniti connaisse un nouvel essor et s'élargisse. Impossible de lutter contre Lexus, le rival de toujours, avec une poignée de modèles. C'est ce qui explique l'arrivée de la M45 dans la gamme Infiniti. Elle vient s'intercaler entre la G35 et la Q45 afin d'offrir une solution de rechange aux clients qui veulent davantage de luxe que la G35 en possède et ne désirent pas débourser plus de 75 000 $ pour une Q45. Ce « vide » faisait en sorte que plusieurs acheteurs se tournaient vers d'autres marques, faute d'un choix plus varié.
Il faut également souligner que la grande majorité des voitures de cette marque seront des propulsions à l'avenir. Cette nouvelle venue vient donc consolider cette tendance avec son moteur avant et ses roues arrière motrices. Selon les communiqués de la compagnie, la M45 est « un muscle car de luxe avec de l'intelligence ». C'est sans doute boiteux comme traduction, mais c'est le message qu'on veut nous transmettre : une berline de luxe dotée d'un moteur très puissant, mais possédant un comportement routier relevé et un habitacle luxueux.
Il ne faut pas s'imaginer pour autant que ce modèle a été créé de toutes pièces dans le seul but de venir remplir un créneau sur notre marché et de grignoter ainsi des ventes à la Lexus GS 300/430. Pour des raisons d'économie et de profitabilité, c'est un modèle existant déjà au Japon qui a été transformé en M45. Celle-ci est en fait une variante de la Gloria japonaise qui a également servi de plate-forme à la Q45. Tandis que le modèle japonais doit se contenter d'un V6 de 280 chevaux, son équivalent nord-américain en possède 60 de plus et 2 cylindres additionnels. D'ailleurs, avec ses 340 chevaux, il devient le plus puissant de sa catégorie. Il surpasse la Lexus GS 430 de 40 chevaux, la BMW 540i de 50 chevaux et l'Audi A6 4,2 de 40 chevaux. Et à 62 000 $, il se vend beaucoup moins cher que tous les modèles concurrents à moteur V8.
Mais il y a plus que la puissance et un prix de vente compétitif pour influencer les gens au moment d'acheter. Dans cette équation, il faut également ajouter le style, le confort et le comportement routier.
La Cadillac des Infiniti ?
La première prise de contact avec cette voiture vous donne une impression de déjà-vu. C'est peut-être en raison de son affiliation avec la Q45 ! Pour ma part, je trouve que c'est avec la Cadillac DeVille que la M45 semble avoir des affinités sur le plan visuel. Sa calandre, ses blocs optiques imposants contournant l'aile et un pilier C fuyant sont des éléments qui lui confèrent une certaine ressemblance avec cette dernière. Il est vrai que la grille de calandre de la Caddy est de type panier à ?ufs tandis que celle de l'Infiniti est constituée de lamelles horizontales. De plus, les phares de cette dernière sont plus rectangulaires. Mais il est évident que les stylistes ont voulu projeter l'image pantouflarde des grosses berlines de luxe nord-américaines. Tout comme le fait la Lexus LS 430 d'ailleurs. En toute franchise, seuls les gens aux goûts assez conservateurs apprécieront, mais c'est en partie la clientèle visée.
Comme il se doit, l'habitacle est très cossu avec ses appliques en bois d'érable piqué sur la console, ses sièges climatisés avec sellerie en cuir, son système optionnel de navigation par satellite, les commandes de la radio par reconnaissance de la voix, un régulateur de vitesse à rayons lasers et tous les autres éléments jugés essentiels. De plus, le tableau de bord est pratiquement identique à celui de la Q45, à l'exception d'un volant plus sportif et de l'absence d'appliques en bois au bas de la planche de bord.
Malgré cette débauche d'équipement, la présentation intérieure n'est pas plus excitante qu'il le faut. Les sièges sont confortables tandis que le tableau de bord tente de faire différent grâce à sa console centrale en surplomb avec l'incontournable cadran analogique trônant au centre. Mais on n'y trouve pas la petite touche de raffinement d'une Audi ou d'une Mercedes ! Et il faut souligner que les places arrière sont adéquates, mais plus petites que dans la Q45. Le seuil de chargement du coffre est malheureusement assez élevé et il est impossible de rabattre le dossier de la banquette arrière. Bref, un habitacle traditionnel malgré la présence d'un écran d'information ou de navigation et de cadrans indicateurs électroluminescents.
Moteur doué, personnalité drabe
Sous ces lignes de carrosserie conservatrices se cache un véritable félin. Le moteur V8 de 340 chevaux est couplé à une boîte automatique à 5 rapports possédant l'option de la commande manuelle. Le tout est relié à une suspension très sophistiquée comprenant plusieurs pièces en aluminium afin de réduire le poids non suspendu. Et la voiture roule sur des pneus de 18 pouces à cote de vitesse V. Bref, la table est mise pour une conduite supérieure à la moyenne.
Le magnifique moteur V8 d'une incroyable douceur est capable de boucler le 0-100 km/h en moins de 7 secondes tandis que la tenue de route est très rassurante. Il suffit de tourner le volant dans une direction pour que la M45 s'exécute sans coup férir. Il faut également souligner que plusieurs ont trouvé cette direction un peu lourde à basse vitesse. C'est une denrée rare chez les berlines de luxe et il ne s'agit pas à mon avis d'un défaut, bien au contraire ! Le roulis de caisse est minimal et la voiture demeure stable sur sa trajectoire. Par contre, les réglages de la suspension sont étranges et on a l'impression que les amortisseurs manquent de débattement.
Malgré cette compétence, la M45 manque de panache et de personnalité. Elle est douée sur le plan dynamique, mais le conducteur ne ressent pas les émotions de conduite qui permettent à certaines marques de se bâtir une clientèle aussi fidèle qu'enthousiaste. Son succès reposera plus sur l'excellent rapport performances/équipement /prix que sur sa silhouette et sa conduite. Pourtant, tous les éléments sont là. Ils sont toutefois beaucoup moins bien exploités que dans l'excellente G35. C'est souvent le lot de ces voitures maquillées à la hâte pour servir les besoins de la mise en marché.