Honda S2000, émouvante et exigeante
Au cours des années 60, dans le but avoué de se tailler une réputation de motoriste, Honda avait soulevé la curiosité des amateurs en commercialisant des petites biplaces comme les S600 et S800, propulsées par de minuscules engins plus ou moins extrapolés des motos déjà très compétitives de ce constructeur. Après une longue éclipse, la filiation est claire entre la S2000 et ses illustres devancières.
Ce petit cabriolet aux lignes attirantes ? particulièrement la proue, ciselée sur toutes ses facettes ? reprend en effet l'architecture classique des petits roadsters de l'époque, soit deux places, les roues arrière motrices, et surtout, un moteur pouvant tourner à des régimes stratosphériques. Les ingénieurs n'ont en effet reculé devant aucun effort pour nous en mettre plein la vue et les oreilles. Jugez par vous-même : 120 chevaux au litre, un record en termes de puissance spécifique pour un moteur atmosphérique, une ligne rouge presque négligemment tracée à 9 000 tr/min et un rapport poids/encombrement/cylindrée digne de la compétition. Des chiffres qui impressionnent même les européennes (voire italiennes) les plus blasées. Comme le groupe motopropulseur est fixé derrière l'axe des roues avant, la répartition du poids est idéale à 50 % à chaque extrémité, avec les avantages que nous verrons en ce qui concerne le comportement routier.
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Cette petite boule d'énergie représente en somme une vitrine technologique roulante pour ce constructeur. La puissance du moteur passe en effet par un embrayage à simple disque, via une boîte manuelle à 6 rapports, jusqu'à un différentiel arrière de type Torsen. Le châssis comprend un large tunnel central pour lui permettre d'afficher une excellente rigidité, mais au détriment de l'habitabilité de la cabine. Avis d'ailleurs aux intéressés : ne se sent pas à l'aise qui veut, dans ce petit cabriolet. Si votre taille ne dépasse pas 1,90 m, vous réussirez tant bien que mal à trouver une position de conduite correcte et à déchiffrer, à travers le minuscule volant fixe, les quelques instruments comme le compteur de type digital pour la vitesse, et à diodes pour le tachymètre. Si votre tour de taille n'est pas trop imposant, vous réussirez à vous sentir à l'aise dans les petits baquets tendus de cuir.
Tous les matériaux sont d'une qualité convaincante, et rigoureusement assemblés, mais l'ergonomie demande une certaine période d'adaptation. On retrouve par exemple un bien superflu bouton starter pour le moteur situé à gauche du volant alors que la clef de contact est à droite, ainsi que des contrôles redondants pour la chaîne stéréo, encore une fois à gauche du volant, la faÇade de la radio se dissimulant derrière un panneau. À trop vouloir faire original, on risque de se disperser inutilement, bien que de toute manière, on n'y pense déjà plus après avoir mis le moteur en marche.
Une boîte à surprises
Première surprise, et de taille, le moteur ronronne comme un petit minet au ralenti, comme s'il s'agissait de celui d'une Civic. Deuxième surprise, la pédale d'embrayage douce et légère, et le lilliputien levier de vitesses qui sélectionne les rapports comme mû par votre seule volonté. Il faut vraiment l'essayer pour le croire. Troisième surprise ; la puissance très mesurée jusqu'à 3 500 tr/min, légèrement supérieure à celle d'une Miata par exemple, mais très loin de celle d'un V6 de même puissance. Ensuite, court plateau jusqu'à près de 6 000 tr/min, où normalement la plupart de ses semblables commencent à s'essouffler. Mais pas celui-ci car, quatrième surprise, on a soudainement l'impression qu'un turbo se mêle à la partie, alors que c'est tout simplement l'entrée en scène du second jeu de cames de la culasse VTEC. Le moteur pousse alors un hurlement, comme s'il n'aspirait plus qu'à vous faire oublier la ligne rouge du compteur. Les accélérations sont honorables, sans être exceptionnelles ; vous pourrez descendre en deÇà de 7 secondes pour le 0-100 km/h après quelques tentatives. L'exercice demeure envoûtant, mais demande de la concentration pour être bien mené, tout en étant particulièrement satisfaisant lorsqu'il est réussi. Heureusement que le châssis est, lui aussi, taillé pour cette gymnastique.
Un bel équilibre
Car il est rare de rencontrer un cabriolet se comportant de la sorte, c'est-à-dire sans torsion, laissant les suspensions jouer pleinement leur rôle. La S2000 démontre un bel équilibre, conséquence bien entendu de sa parfaite répartition des masses, mais aussi de sa monte pneumatique très performante, sans que la taille des pneus sombre dans la caricature. La direction assistée électriquement est à pas variable, vive au milieu, et se calmant lorsque l'on tourne le volant vers les butées. Un vrai régal. Le freinage puissant et endurant complète parfaitement le portrait, sans que l'ABS intervienne trop abruptement. La visibilité est excellente, même la nuit grâce aux excellents phares au xénon, et le capot plonge tellement brutalement qu'il disparaît presque de votre vue. La capote assistée d'un mécanisme électrique demeure imperméable, même dans les lave-autos sous pression, et sa lunette arrière en verre renferme un dégivreur. Les filets d'air sont bien contrôlés par un petit déflecteur derrière les sièges, et dans la plupart des circonstances, le bruit du moteur étouffe celui causé par les turbulences.
Argument non négligeable dans une inévitable comparaison avec certaines montures exotiques capricieuses, la S2000 est avant tout une Honda, c'est-à-dire que le fonctionnement de ses éléments mécaniques devrait être assuré pour une longue période, puisque de toute faÇon elle est garantie au même titre qu'une humble Civic. N'oubliez pas cependant que si elle peut faire de l'ombre à ses rivales sur le plan des performances pures, elle demande un effort constant pour en tirer la « substantifique moelle », et elle s'avère d'un inconfort de plus en plus difficile à supporter avec l'âge.