Cadillac Escalade / Ext, hélas, le ridicule ne tue pas
On dit que c'est le véhicule le plus « in » à l'heure actuelle à Hollywood et dans d'autres cercles branchés. On répète aussi qu'il a contribué à faire diminuer considérablement l'âge moyen des propriétaires de Cadillac. Il reste que même si l'on m'en donnait un, je ne suis pas sûr que j'accepterais de conduire un tel mastodonte. Je veux parler ici du Cadillac Escalade EXT, cette espèce de croisement entre une camionnette et un utilitaire sport.
Comme plusieurs badauds rencontrés au cours de mon essai, vous vous demandez sans doute ce que viennent faire les mots Cadillac et camionnette dans la même phrase. La réponse est que les constructeurs automobiles feraient à peu près n'importe quoi pour répondre aux supposées exigences du marché. Qu'il me suffise de mentionner notamment que Porsche offrira cette année son propre véhicule utilitaire sport, un monstre de puissance appelé « Cayenne » dont il est question ailleurs dans ce guide.
Un hybride à sa faÇon
Mais revenons à notre Cadillac EXT en soulignant que ce modèle est une « EXTrapolation » du 4X4 Escalade déjà commercialisé par la marque américaine depuis deux ans. On lui a simplement greffé une caisse de chargement comme au Chevrolet Avalanche dont il reprend les grandes lignes. À la base, c'est le Suburban qui a prêté sa plate-forme à cette fantaisie sur roues. Ou serait-ce une mauvaise blague ?
Quoi qu'il en soit, l'EXT se distingue de l'Avalanche par son moteur Vortec V8 de 6 litres développant la bagatelle de 345 chevaux, par un système de stabilité latérale (le StabiliTrak) et par un bip sonore qui fait office de radar lors des man?uvres en marche arrière. Et ce n'est pas un luxe, car la visibilité vers l'arrière est tellement aléatoire que ce système permet de mieux situer l'extrémité du véhicule en faisant entendre un trait sonore dont la rapidité s'amplifie au fur et à mesure que l'on s'approche d'un obstacle. Comme le Cadillac Escalade EXT peut aussi être doté du système de navigation OnStar offert dans plusieurs modèles GM, le conducteur a vraiment tout cuit dans le bec après avoir déboursé quelque 68 000 $ pour ce gros hybride. Car ce Cadillac est vraiment un hybride si l'on considère qu'il est à la fois un utilitaire sport, une camionnette? et fort probablement une voiture de luxe.
En effet, mon essai m'a permis de découvrir un véhicule certes très encombrant mais dont le confort est carrément supérieur à celui de 4X4 moins cossus, à l'exception du récent Range Rover de Land Rover. La discrétion de la mécanique contribue elle aussi au bien-être des occupants tout comme le silence de roulement.
Frileux, s'abstenir
Sur le plan des performances, l'EXT ne fera jamais la nique à un BMW X5 ou à un ML500, mais il rallie les 100 km/h en un peu moins de 10 secondes à partir d'un départ arrêté. S'il est aussi l'auteur de reprises rassurantes au moment de doubler, il exige de fréquents arrêts à la pompe avec une consommation qui atteint facilement les 17,5 litres aux 100 km, du moins en hiver. Et puisqu'il est question de la saison froide, j'ajouterai que le système de chauffage de l'EXT est inadéquat. Les grandes dimensions de la cabine y sont sans doute pour quelque chose, mais l'habitacle met une éternité à se réchauffer. Ce ne sont malheureusement pas les seuls irritants de ce Cadillac. Ainsi, l'absence d'un repose-pied à gauche de la pédale de freins rend fatigantes les longues heures passées au volant. Autant on se réjouit de la présence d'une infinité de jauges et de cadrans au tableau de bord (entièrement redessiné pour 2003), autant on se désole de constater que leur trop grande similitude de forme (circulaire) rend leur lecture difficile et confuse. On ne peut rien reprocher aux sièges côté confort, mais pourquoi faut-il qu'il soit nécessaire d'ouvrir la portière pour procéder à leur réglage ? C'est en effet la seule faÇon de faire compte tenu du peu d'espace entre les commandes placées sur le côté gauche du siège et la portière du véhicule. Parlant de portières, tiens, leur ouverture s'accompagne d'une jolie chute de neige dans l'habitacle au lendemain d'une tempête.
Si l'on peut toujours accepter quelques petits travers de ce genre en échange de qualités routières remarquables, cela n'est pas le cas avec le Cadillac Escalade EXT. La présence d'un pont arrière rigide (par rapport à un essieu à roues indépendantes) est un sérieux obstacle à la tenue de route sur les pavés dégradés qui prévalent dans notre réseau routier. Au passage de bosses, de trous ou autres irrégularités du revêtement, le véhicule y laisse toute sa prestance à cause du sautillement des roues arrière qui entraîne de sérieux écarts de trajectoire.
En plus d'un tableau de bord remanié, les modèles EXT 2003 se distinguent par une console centrale redessinée. L'Escalade tout court bénéficie des mêmes retouches et comme s'il n'était pas déjà assez encombrant, on pourra l'obtenir en version allongée ou opter pour des sièges baquets à la place d'une banquette à l'arrière. Cette version, l'ESV, est 56 cm plus longue qu'un Escalade « normal » et le plus gros Cadillac jamais produit.
Un côté pratique indéniable
Les défenseurs de la marque diront que je n'ai pas abordé le volet pratique de ce Cadillac et ils auront sans doute raison de me reprocher de ne pas avoir mentionné que sa boîte de chargement peut transporter 1 526 litres de pépites d'or (ou de n'importe quoi d'autre), que son couvercle en trois pièces est fait de composite rigide, que la lunette arrière est escamotable et que le véhicule peut tracter jusqu'à 3 628 kilos (8 000 livres). Qu'importe, je persiste à croire que Cadillac aurait pu faire mieux que d'emprunter une recette de chez Chevrolet et de l'apprêter à une sauce « utilitaire prestige » qui ne correspond pas très bien à l'image que la marque veut cultiver depuis un certain temps. Les nouveaux acheteurs de Cadillac méritaient mieux.