Cadillac CTS/SRX, encore une marche à monter
Vous souvenez-vous de l'époque où le nom Cadillac était la norme d'excellence en Amérique, une référence incontournable pour identifier n'importe quel produit de haute qualité ? Cette époque est, hélas ! révolue et l'image de la marque américaine s'est sérieusement effritée depuis une vingtaine d'années. D'un symbole de réussite, les Cadillac sont devenues des voitures inintéressantes et d'un autre âge réservées à des retraités qui continuent a se delecter de la musique de Glen Miller. La génération actuelle leur préfère des berlines allemandes plus sophistiquées, du moins dans l'esprit des acheteurs. Pour renverser la vapeur, Cadillac vient de mettre en branle la phase 1 d'un programme de restructuration qui équivaut ni plus ni moins à la renaissance d'une marque autrefois auréolée de prestige.
Le défi est immense et la voiture qui doit le relever est la CTS, une berline que l'on dit sportive, luxueuse et, surtout, de classe internationale, pour reprendre une expression un peu galvaudée. Apparue sur le marché au début de 2002 comme modèle 2003, cette petite Cadillac a le lourd mandat de courtiser une clientèle qui s'intéresse avant tout aux BMW, Audi, Mercedes-Benz ou Jaguar. Elle sera secondée d'ici quelques mois par la SRX, (voir photo) une sorte de familiale à traction intégrale, un peu dans le style de l'Audi Allroad.
Un châssis d'une redoutable efficacité
Bien que construite en Amérique, la CTS a été élaborée en Europe et les ingénieurs chargés de sa mise au point se sont longuement attardés à l'agrément de conduite en optant notamment pour la propulsion plutôt que pour la traction. Les prototypes ont aussi parcouru des centaines de kilomètres d'essai sur le circuit original du Nürburgring en Allemagne, un tracé truffé de pas moins de 176 (sic) virages disséminés sur 21 km. L'expérience a porté fruit. Sur des routes ordinaires plus ou moins rectilignes, la CTS ne laissait rien deviner de son comportement routier, mais il m'a suffi d'emprunter un petit chemin sinueux au revêtement assez dégradé pour constater que la voiture mérite pleinement l'appellation de berline sport. Le châssis, on le constate, a fait l'objet d'une attention particulière et sa rigidité, mesurée par l'absence totale de bruits de caisse, inspire une grande confiance. Bref, la CTS tient merveilleusement la route et n'a rien à envier à ce chapitre à ses rivales allemandes, aussi douées soient-elles.
Curieusement, il est préférable de s'en tenir à la suspension de base et de ne pas commettre l'erreur de cocher l'option « Sport Suspension » dont les réglages et les pneus de 17 pouces s'accommodent fort mal des nids-de-poule ou autres décadences de notre réseau routier.
Lors de mon premier essai (avec un modèle de base), j'avais eu l'occasion de découvrir une voiture fort agréable à conduire, mais la deuxième CTS mise à ma disposition par General Motors pour quelques milliers de kilomètres affichait un comportement beaucoup moins emballant. Le blâme revient à la suspension sport qui hypothèque considérablement le confort sans vraiment améliorer la tenue de route. Les trous et les bosses sont durement ressentis et gâchent énormément le plaisir que l'on peut éprouver à conduire cette Cadillac nouvelle vague. Et le correcteur électronique d'assiette arrière qui accompagne l'option sport n'ajoute vraiment rien au comportement de la voiture.
L'automatique, la meilleure amie du moteur
La rigueur du châssis est telle qu'on l'on se plaît à souhaiter un moteur un peu plus costaud. Pourtant, le V6 3,2 litres de la CTS se défend assez bien et possède entre autres une sonorité sportive exquise. Ses 220 chevaux se comparent à ce que l'on trouve chez la concurrence et les performances sont aussi du même ordre avec un 0-100 km/h autour de 8 secondes (contre 8,1 secondes pour une Audi A4 3 litres). Seul le couple paraît moins coopératif au moment de doubler un autre véhicule. Mesurée sur un parcours d'environ 3000 km (dont 80 % sur autoroute), la consommation s'est limitée à 11,6 litres aux 100 km, une moyenne très raisonnable pour une voiture de cette catégorie. Cadillac prépare déjà une version haute performance de la CTS qui fera son apparition en 2004. Il s'agit du modèle V-Series qui en plus d'un moteur V8 d'environ 340 chevaux recevra toute la panoplie propre aux voitures du genre : suspension raffermie, pneus à taille basse, échappement double et un look (voir croquis) distinctif aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur.
Quant à la CTS actuelle, sa transmission automatique à 5 rapports est l'une des meilleures du genre et certains constructeurs allemands (même Mercedes-Benz) auraient intérêt à s'en inspirer. D'ailleurs, BMW l'a déjà fait et ses modèles de Série 5 (y compris l'utilitaire X5) sont équipés de la même boîte que GM France vend à la marque bavaroise. Elle s'avère le meilleur atout du groupe propulseur grâce à une réponse instantanée à la moindre sollicitation de l'accélérateur. Dans la CTS, on a droit à des passages de rapports vifs comme l'éclair sans jamais avoir à endurer ces délais ou ces hésitations issus d'une électronique mal gérée. Soulignons au passage que Cadillac n'a pas cru nécessaire de la doter d'un mode manuel comme on en trouve sur plusieurs modèles concurrents. En revanche, un bouton permet de modifier le fonctionnement de la boîte afin de l'adapter à une conduite sportive ou hivernale. Son seul handicap est qu'elle semble quelquefois avoir du mal à déterminer le rapport le plus souhaitable entre le 4e et le 5e, ce qui donne lieu à de fréquents changements de vitesse. Dans l'ensemble, le parfait rendement de la transmission automatique permet d'oublier la boîte manuelle Getrag à 5 rapports aussi offerte sur la CTS.
Cette Cadillac à l'européenne est bien servie pas une direction à crémaillère qui gagne en précision et en sensibilité grâce à l'élimination de tous ces isolants en caoutchouc habituellement utilisés pour gommer le volant des secousses de la route. Un autre avantage non négligeable est le diamètre de braquage très court qui facilite les man?uvres de stationnement en ville, ce qui compense pour une visibilité de 3/4 arrière plutôt réduite en raison de la largeur du pilier C.
À partir de 140 km/h, la deuxième CTS mise à l'essai souffrait d'un grondement peu rassurant qui semblait provenir du rouage d'entraînement et qui s'amplifiait au fur et à mesure que la vitesse augmentait. Ce problème ne s'étant pas manifesté sur l'autre modèle conduit précédemment, il faut en déduire qu'il n'affecte pas l'ensemble de la production.
La vie à bord
Outre un tableau de bord massif et d'une élégance discutable, la première chose qui frappe en s'installant au volant est l'étroitesse du pare-brise et, de faÇon moindre, celle de l'habitacle. Élaborée en fonction des marchés étrangers, cette Cadillac 2003 est moins large que beaucoup de voitures américaines afin de pouvoir circuler plus facilement dans les petites rues secondaires des grandes villes d'Europe. L'habitabilité en souffre nécessairement et il est hors de question de faire asseoir un 3e passager sur la banquette arrière. Un long séjour à l'arrière n'est d'ailleurs pas une expérience de tout repos en raison de la dureté des coussins des sièges et d'un espace pour la tête à peine convenable malgré le creux pratiqué dans le revêtement du plafond.
À l'avant, le confort est très supérieur grâce à de bons sièges baquets et à une position de conduite bien étudiée. Toutefois, même en bénéficiant du réglage le plus élevé, les conducteurs de petite taille se trouveront assis trop bas. Pour une berline qui incite à la conduite sportive, on se demande aussi pourquoi la CTS est privée d'une poignée de maintien du côté passager. Le gros volant mi-cuir, mi-bois comprend plusieurs commandes permettant notamment de contrôler les données d'un ordinateur de bord très complet et surtout moins complexe que celui des récentes BMW de Série 7 ou Mercedes de Classe S. J'ai moins aimé par contre le petit bouton rotatif servant à régler le volume de la radio. Il est trop facile de l'accrocher en tournant le volant, provoquant du même coup une tonne de décibels dans l'habitacle. Cela permet à tout le moins de juger de l'excellente qualité de la chaîne audio Bose et de ses huit haut-parleurs. Les plus pointilleux regretteront aussi que le volant ne soit réglable que sur l'axe de la hauteur. La console centrale proéminente reste toutefois l'irritant majeur du tableau de bord de la CTS.
Trahie par son look
Malgré de belles prestations, la Cadillac CTS a encore une marche à monter avant de pouvoir accéder au podium des berlines sport. En revanche, elle s'est fort bien défendue lors de notre match comparatif l'opposant à la BMW 330i et à l'Infiniti G35. Sa ligne controversée, un tableau de bord très discutable et certains petits détails d'aménagement risquent de faire oublier ses qualités intrinsèques, dont son excellent comportement routier. Dans son désir de se démarquer, Cadillac est sans doute allé un peu trop loin en adoptant un style qui est loin de faire l'unanimité. C'est d'autant plus dommage que l'on voudrait aimer cette CTS, ne serait-ce que pour saluer le bel effort de ceux qui ont osé sortir des sentiers battus en créant ce qui est certainement la Cadillac la plus agréable qu'il m'ait été donné de conduire à ce jour.