Buick Park Avenue, une avenue méconnue
Un de mes voisins nouvellement retraité prévoit changer d'automobile. Il recherche une grosse berline d'apparence classique, confortable et luxueuse, le genre de voiture qui lui permettrait de se rendre à son « pèlerinage » annuel en Floride le plus agréablement possible, avec conjointe, armes et bagages. Cette merveille doit se situer par son prix au bas de l'échelle des berlines de luxe, et son coût d'utilisation doit être raisonnable.
Curieusement, la Buick Park Avenue ne se retrouve pas parmi la liste de six ou sept voitures dont il envisage l'achat, même si elle répond plus fidèlement à ses exigences que certaines des autres candidates. Voilà qui en dit long sur le désintéressement dont fait l'objet cette opulente voiture, malgré la notoriété d'une division dont elle constitue en principe le porte-étendard. Son homogénéité et ses qualités d'ensemble devraient pourtant lui permettre d'obtenir une meilleure note.
Une enveloppe terne, un comportement insoupÇonné
L'indifférence que semble susciter la Park Avenue est à l'image de ses formes anonymes. Non pas qu'elle soit laide, bien au contraire, elle a de la classe et de l'élégance, mais ses lignes vieillottes affichent un conservatisme qui gagnerait à être épicé d'une pincée de modernité. Et ce ne sont pas les quelques retouches dont elle fait l'objet pour 2003 qui changeront notre perception ; on imagine encore avoir affaire à une autre de ces vieilleries des années 70 aux manières de pachyderme !
Eh bien non ! une promenade à bord de la Park Avenue permet de constater combien son comportement satisfait dans l'ensemble, même s'il est vrai que plusieurs de ses éléments mécaniques ne font pas dans la nouveauté, à commencer par le V6 3,8 litres de 205 chevaux qui mène la version de base. Nonobstant son grand âge, il fournit encore et toujours des prestations intéressantes, même si sa puissance paraît un peu juste pour la corpulente Park Avenue. Si vos habitudes de conduite vous amènent à faire de fréquents dépassements, vous auriez avantage à retenir la version suralimentée, de série dans la plus luxueuse Ultra. Avec ses 240 chevaux et un couple de 280 lb-pi à 3 600 tr/min, il démontre l'ardeur nécessaire pour faire s'étrangler de surprise les jeunes impudents qui oseraient vous faire le coup du « tasse-toé, mononcle ! » Une seule boîte de vitesses, automatique à 4 rapports, est jumelée à l'un ou l'autre engin, et elle s'acquitte de sa tâche avec compétence et douceur.
Forte de son châssis très rigide, la Park Avenue aurait le potentiel voulu pour autoriser un style de pilotage assez enthousiaste, si Buick n'avait choisi de favoriser le confort en concoctant une suspension qui lénifie la conduite comme si on avait remplacé les pneus par des guimauves géantes. Résultat : on doit freiner ses ardeurs, car la caisse se dandine sur les bosses et s'incline fortement en virage. La suspension Gran Touring qui équipe la version Ultra raffermit un peu son caractère, mais elle manque encore de tonus. En contrepartie, l'on ne saurait trouver environnement plus calme et silencieux, ni conduite plus aisée, tant qu'on s'en tient aux autoroutes. La direction à assistance variable Magnasteer, de série dans l'Ultra (ou incluse avec le groupe d'options Gran Touring) est précise et assez ferme, à défaut de toujours bien renseigner sur l'état de la chaussée. La pédale de frein offre une résistance rassurante, mais il vaut mieux être prudent, car les distances de freinage sont aussi longues que l'on peut s'y attendre avec des pneus à l'adhérence très ordinaire. Outre un antipatinage assez « interventionniste », le système de stabilité électronique StabiliTrak (de série sur le modèle Ultra) aide le conducteur à garder le contrôle, dans l'éventualité (très peu probable) où il voudrait outrepasser les capacités de la voiture.
Le charme soporifique de la bourgeoisie
Avec son gabarit quand même assez imposant, il eût été surprenant que l'habitacle de la Park Avenue ne soit pas spacieux. Par instants, il l'est même un peu trop, car il faut s'étirer les bras et se pencher pour rejoindre certaines commandes posées sur la planche de bord. Le conducteur profite heureusement des contrôles redondants de la sono et de la climatisation sur le volant. Si la qualité de l'assemblage semble bonne, certains plastiques déÇoivent par leur apparence et leur dureté, tout comme le cuir des sièges qui m'a paru assez mince.
Théoriquement, six occupants peuvent prendre place à bord, mais la conception du dossier central de la banquette avant (qui sert aussi d'accoudoir repliable) impose un réel inconfort à la personne assise au milieu. Les coussins mous qui n'offrent pratiquement pas de support latéral s'ajustent à l'aide de 10 réglages électriques, mais seuls ceux de l'Ultra sont pourvus de la fonction mémorisation. Un ensemble baquets et console centrale prodiguant un meilleur soutien est disponible en option. La banquette arrière permet quant à elle d'asseoir trois personnes à leur aise, mais le dossier, fixe, ne comporte pas d'ouverture permettant d'accéder au coffre. Heureusement, ce dernier est tellement vaste qu'on peut presque s'en passer.
La version de base offre la plupart des accessoires auxquels on s'attend dans une voiture de ce prix, y compris la climatisation à deux zones et une sono d'excellente qualité. Parmi les attentions supplémentaires que comporte l'Ultra, mentionnons l'ordinateur de bord et le système OnStar. Outre le toit ouvrant, la liste d'équipement optionnel comprend le système de visualisation « tête haute » qui projette l'affichage de la vitesse dans le pare-brise et un radar de stationnement arrière avec alarme sonore et visuelle détectant les objets derrière le véhicule.
En somme, un grosse américaine telle la Park Avenue demeure encore un des meilleurs moyens d'effectuer de longs trajets sur autoroute, confortablement, sereinement et en toute sécurité, si vous n'avez pas trop de difficulté à combattre le sommeil.