Acura 3,5RL, «Passé date»
Il faut se rappeler que la division Acura de Honda a été la première à s'attaquer à la chasse gardée des européennes en s'intéressant au marché des voitures de luxe. Comme les constructeurs japonais se livrent une guerre de tous les instants, Toyota et Nissan ont rapidement emboîté le pas avec leurs divisions Lexus et Infiniti respectivement. Les premières Acura étaient des modèles compacts offrant une mécanique sophistiquée et un comportement routier supérieur à la moyenne. Les succès de la Lexus LS 400 sont venus modifier ces plans.
Pour répliquer à l'arrivée de ce modèle plus gros et beaucoup plus luxueux que la Legend de l'époque, les responsables de chez Acura ont concocté la RL. Cette berline se voulait une voiture tout aussi luxueuse que la LS, mais vendue plusieurs milliers de dollars moins cher. Logiquement, cette stratégie ne devait pas rater la cible. Pourtant, il semble que la logique et le gros bon sens n'ont pas toujours le dessus dans le monde de l'automobile. Plus ostentatoire, plus luxueuse et carrément plus bourgeoise, la grosse Lexus a pris le dessus sur toutes les autres japonaises de luxe, laissant les Acura RL et Infiniti Q45 jouer les seconds violons.
C'est d'ailleurs pourquoi les apparitions de la RL sur nos routes sont si rares. Cette voiture connaît une diffusion confidentielle, les fidèles de la marque lui préférant la TL Type S dont les 260 chevaux font mal paraître son aînée qui doit en concéder 35 à sa cadette. De plus, celle-ci possède une silhouette et un habitacle plus modernes.
Une autre époque
Les raisons de se procurer une RL sont donc assez peu nombreuses. Par contre, si vous aimez le style rétro, la RL vous ravira. Sans être carrément d'une autre époque, sa présentation extérieure la fait ressembler à une vieille Mercedes qui aurait tenté un face lift qui se serait mal terminé. Il semble que les stylistes se sont inspirés de la berline allemande, mais ont manqué de cran en cours de route pour nous offrir en fin de compte quelque chose de totalement anonyme. S'il y avait un produit générique dans la catégorie des berlines de luxe, la 3,5RL en serait un. Ses défenseurs auront beau avancer que cette présentation est quasiment intemporelle, il est urgent de procéder à un rajeunissement de la carrosserie.
C'est un peu mieux dans l'habitacle. Mais là encore, ses concurrentes adoptent des présentations de plus en plus audacieuses. La planche de bord et les commandes sont inspirées d'une Mercedes du début des années 1990. Malheureusement pour Acura, cette marque assez conservatrice y est allée de deux révisions complètes depuis. Il suffit d'ailleurs de prendre en main le volant pour constater que son boudin très petit est d'une autre période. En revanche, les commandes du régulateur de vitesse et du volume de la radio placées en périphérie du moyeu du volant ajoutent une touche de modernisme en plus d'être pratiques.
Avant de passer à la fiche mécanique, il faut souligner l'impeccable finition de l'habitacle, la finesse de la sellerie de cuir, le fini des appliques de bois de même que le confort des sièges avant. Par contre, leur support latéral est de beaucoup perfectible. Ajoutons que notre voiture d'essai avait franchi plusieurs milliers de kilomètres et que son intégrité était intacte. Pas de bruits de caisse ou de cliquetis, annonciateurs d'une détérioration de la rigidité de la caisse.
Douceur assurée
À défaut d'en découdre au chapitre de la puissance avec les moteurs V8 des Lexus LS 430 et Infiniti Q45, l'Acura RL est propulsée par un superbe moteur V6 3,5 litres d'une irréprochable douceur. Il y a bien ce « bang » qu'on entend lorsque le système VTEC entre en action aux alentours de 3 500 tr/min, mais c'est à peu près le seul bruit mécanique qui filtre dans l'habitacle. Tout sophistiqué soit-il, la puissance de ce moteur semble bien maigre avec ses 225 chevaux en comparaison même de la modeste Nissan Altima qui lui fait la nique de 25 chevaux. Et si l'Acura MDX destiné à conduire son propriétaire à la chasse et à la pêche est équipé d'une boîte automatique à 5 rapports, la RL lui concède un rapport, malgré son standing dans la famille Acura.
Somme toute, les ingénieurs semblent avoir privilégié le silence de roulement et la précision de la conduite par rapport à des performances plus élevées et à une tenue de route plus pointue. Malheureusement, cette équation n'est pas tout à fait correcte. Il est vrai que la 3,5RL affiche une insonorisation poussée et que sa suspension est très sophistiquée. Par contre, l'expérience de la conduite nous démontre que cette voiture souffre d'un comportement routier lui aussi « passé date ». Dès qu'on pousse les limites, il est facile de découvrir que le châssis est plus souple que certains de ses concurrents de conception plus récente. Il en résulte une imprécision en virage alors que la suspension, malheureusement trop molle, n'arrive pas toujours à contrôler les transferts de masse de la voiture, d'où la présence d'un sous-virage assez prononcé. Et comme la direction est trop assistée, il est très facile de trop corriger et de déstabiliser la voiture davantage. À tel point que l'antidérapage entre en action. Bref, les ingénieurs d'Acura peuvent faire mieux.
La RL est une voiture anachronique. Son luxe et la qualité de sa finition sont impeccables et même supérieurs à ceux de plusieurs voitures de cette catégorie. De plus, à moins de 60 000 $, c'est une aubaine, toutes proportions gardées. Malheureusement, sa présentation visuelle, ses performances et son comportement routier n'arrivent plus à faire le poids face à ses concurrentes. Et comme si cela n'était pas assez, son agrément de conduite est quasiment nul. Bref, il lui manque tout ce que la TL de Type S nous offre pour moins cher. Il est donc très facile de comprendre pourquoi vous n'en croisez pratiquement jamais sur la route.