Acura CL/TL, entre deux chaises
Les constructeurs japonais ont toujours eu une approche assez particulière lorsque vient le temps de concocter des voitures de luxe à vocation sportive. Il en résulte presque toujours un compromis qui me laisse perplexe. Les ingénieurs ont beau développer des éléments mécaniques d'une sophistication poussée, il est difficile d'y retrouver cette homogénéité qui fait pratiquement partie de toute allemande de même catégorie.
Les Acura TL et CL sont des exemples parfaits de cette ambiguïté qui nous donne l'impression d'être assis entre deux chaises. Et puisque le coupé comme la berline partagent la même plate-forme et les mêmes moteurs, peu de choses les différencient, si ce n'est le style de leur carrosserie.
Personnalité estivale
L'an dernier, Jacques Duval nous faisait part des impressions de conduite d'un essai hivernal réalisé au volant d'une Acura CL Type S. Il semble que la suspension supporte mal le froid puisque force a été de constater que Ça cognait pas mal dur et que les pneus contribuaient également à cet inconfort. Curieusement, c'est en pleine canicule que mon essai s'est déroulé cette année. Non seulement les bruits de caisse ne se sont pas manifestés tout au long de la semaine, mais la suspension est apparue beaucoup plus civilisée bien que les réglages soient les mêmes.
Par contre, une chose n'a pas changé et c'est le caractère mi-figue, mi-raisin de ce coupé Type S. Avec un moteur V6 de 260 chevaux, une boîte de vitesses manuelle à 6 rapports et des pneus Michelin Pilot de 17 pouces, les attentes sont élevées. D'autant plus que la division Acura a pour vocation de nous proposer des modèles plus sportifs que chez Honda. Pourtant, non seulement la silhouette est plus bourgeoise qu'autre chose, mais l'agrément de conduite est loin d'être comparable à celui du coupé G35 d'Infiniti.
En ligne droite, les performances sont sans bavures. C'est un plaisir d'entendre le système VTEC s'enclencher aux alentours de 4 000 tr/min et nous bercer d'un grognement sportif confirmant qu'il y a de l'action sous les cache-soupapes. La boîte manuelle à 6 rapports de notre véhicule d'essai était gérée par un levier de vitesses dont la course était courte et le guidage précis. Par contre, en accélération à pleins gaz, il fallait pousser un peu plus fort pour engager le 2e rapport. Ce V6 en alliage léger ne se fait pas prier pour monter en régime et le 0-100 km/h se boucle en un peu moins de 7 secondes. Cet exercice exige de bien doser la pédale de l'accélérateur, faute de quoi les roues avant patinent avec enthousiasme. L'effet de couple dans le volant est bien contrôlé en dépit de cette puissance aux roues avant. Il faut quand même faire attention lors du passage du 1er au 2e rapport puisque Ça tire quand même pas mal vers la gauche.
Il est malheureusement difficile de profiter au maximum des capacités du groupe propulseur en raison d'une direction capricieuse. L'assistance variable est plus linéaire que jadis, mais certaines transitions sont toujours sous le signe de « trop léger ou trop lourd ». De plus, dans les virages serrés pris rapidement, un sous-virage persistant accompagné d'un roulis prononcé nous incitent à lever le pied.
Somme toute, Type S ou pas, le coupé CL est davantage une voiture de grand-tourisme qui vous dorlotera sur l'autoroute avec ses sièges confortables, son tableau de bord bien dessiné et une finition impeccable. Les places arrière sont difficiles d'accès comme dans tous les coupés, mais une fois assis dans l'un des deux sièges baquets séparés par un vide-poches et un accoudoir, le confort est adéquat même si l'assise des sièges est un peu basse. Claustrophobes s'abstenir !
À part une allure plutôt pépère, qui n'est pas sans rappeler le nouveau coupé CLK de Mercedes, le coupé CL Type S a tous les éléments pour intéresser les conducteurs de coupés sport, mais son manque d'homogénéité risque de les décevoir.
Une valeur sûre
Il ne faut pas oublier la berline TL dont la silhouette et la mécanique sont très proches de celles du coupé. Ce modèle peut être considéré comme un coupé quatre portes et le coupé comme une berline deux portes, à votre choix. Au chapitre de la conduite, la TL Type S est handicapée par le même comportement incertain. Et les deux modèles ont un diamètre de braquage assez important qui risque d'en irriter plusieurs.
Si vos visées sont plus modestes, la version régulière de la TL avec ses 225 chevaux et sa boîte automatique à 5 rapports est un modèle à ne pas ignorer. Il lui faut une seconde et demie de plus pour boucler le 0-100 km/h qu'un modèle de Type S, mais le rapport prix/qualité-performances est parmi ce qu'il y a de mieux dans la catégorie. Cette TL du gros bon sens a tous les éléments pour faire la vie dure à la Lexus ES 300. Son habitacle plus raffiné, sa finition plus luxueuse et un comportement supérieur à celui de la Lexus sont autant d'éléments en sa faveur. Si la suspension et les pneus s'harmonisent mal dans la version Type S, le modèle régulier est plus équilibré à ce chapitre. Celui-ci possède un équipement de série comparable à celui de toutes les autres berlines de cette catégorie en plus d'offrir une excellente boîte automatique à 5 rapports malgré une grille crantée trop accentuée. Le système Sportshift permettant de passer les vitesses manuellement est nettement plus rapide et efficace que le légendaire Tiptronic. La direction est toujours trop assistée, mais c'est plus tolérable sur un modèle dont les ambitions ne sont pas nécessairement sportives. Les sièges confortables, le tableau de bord complet et une finition tout aussi impeccable que dans les versions plus luxueuses font de la 3,2TL une berline capable de faire plaisir à ceux qui recherchent une voiture qui leur en donne pour leur argent sur le plan de la fiabilité et de l'équipement. Parfois, la raison l'emporte sur la recherche des performances à tout crin et la 3,2TL représente cette tendance.