Mercedes-Benz CLS 63 AMG 2012 - Un beau monstre en trois temps
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J’ai un boulot de rêve, on me l’a assez dit, et je le fais depuis bientôt trente ans. Inutile de protester en essayant d’expliquer qu’un journaliste automobile passe infiniment plus de temps devant un écran qu’à conduire. Je me suis fait une raison. Je souris et j’essaie de répondre le mieux possible à toutes les questions imaginables sur cet objet de rêve et d’utilité qu’est l’automobile.
Dans ce métier, on découvre un nouveau modèle lors d’une présentation soigneusement orchestrée par le constructeur. Ces lancements se déroulent un peu partout sur la planète, dans des endroits plus ou moins exotiques, de Montebello à Monaco. On y conduit habituellement la merveille sur des tracés choisis pour la mettre en valeur.
Il y a ensuite l’essai traditionnel sur des rues et routes familières. Le scénario est variable, mais on parle habituellement de conduite parfaitement normale : épicerie, école, bureau, trafic et un magasin de meubles ou de rénovation à l’occasion. Certains font des mesures de performance, d’autres pas. On boucle parfois quelques tours de circuit avec les plus sportives, mais pas toujours.
La totale en trois actes
Combiner une présentation et un essai standard, c’est déjà bien. J’ai pu faire beaucoup mieux cette année avec les nouvelles CLS de Mercedes-Benz. Surtout pour la CLS 63 AMG, le modèle de choc avec son nouveau V8 à double turbo de 518 chevaux.
Le premier acte s’est joué à la présentation nord-américaine de cette deuxième génération de la CLS en Californie. Point de départ : San Francisco. Destination : Yountville dans la vallée de Napa, vers le nord. Au deuxième acte, il y eut le tournage d’un essai au circuit Sanair avec une CLS 63 AMG au cœur de l’été. Un essai qui sera évidemment diffusé à l’émission du Guide de l’auto sur Canal Vox en cours de saison.
Pour le troisième acte, le traditionnel essai d’une semaine s’est amorcé par des mesures de performance suivies d’une randonnée de 1 500 kilomètres vers Charlevoix et La Malbaie. En prime, le tour de l’Île d’Orléans en pensant à Félix et celui de l’Isle-aux-Coudres en se désolant un peu de ce qu’est devenu ce trésor révélé par les films de Pierre Perrault.
Premier acte: Golden Gate et Highway 1
En sortant de l’aéroport de San Francisco, une navette me conduit à un hôtel tout près. Je choisis une CLS 63 AMG couleur "Argent palladium métalisée" en espérant la photographier en route vers la vallée des vins. Pas de chance, il se met à pleuvoir comme je m’approche de la svelte berline aux allures de coupé dont la devancière a été maintes fois imitée après ses débuts éclatants en 2006. L’averse est courte, heureusement, et la bête ne se salira pas.
Première constatation : la nouvelle CLS est plus belle "en personne" qu’en photo. Elle est longue, basse, trapue et ses flancs plus sculptés soutiennent la ligne de toit arquée qui a fait sensation sur la première. Sa nouvelle calandre plus droite, inspirée par la SLS, lui taille un faciès puissant, plus moderne. À l’intérieur, le traitement AMG se reconnaît aux boiseries noires laquées et à une série de moulures et de bagues d’aluminium pour les buses d’aération, les cadrans et les contrôles. La classe.
Ma voiture d’essai est dotée du groupe performance AMG qui lui vaut aussi un volant sport dont la jante est habillée d’Alcantara gris comme en course. Cette option de 9 800 $ fait grimper la puissance à 550 chevaux et ajoute aussi des étriers rouges pour les freins, une suspension sport réglable, des jantes d’alliage forgé et un couvre-moteur en fibre de carbone.
En traversant la ville pour aller vers le nord, je remarque que le démarrage est saccadé aux feux verts. Normal, puisque la boite automatique à 7 rapports est jumelé à un embrayage multidisque dont on sent le point d’engagement. Les changements de rapports sont d’une douceur très correcte lorsqu’on laisse la boite en mode "C" pour confort.
Si vous avez appuyé sur le bouton "Eco", le moteur coupe à l’arrêt et redémarre aussitôt qu’on libère le frein. Le système contribue à une réduction de consommation de l’ordre de 27,8 % avec le nouveau V8 turbo par rapport au fabuleux V8 atmosphérique de 6,2 litres. Pourquoi s’en priver? La CLS 63 est donc aussi zen aux feux rouges que les Prius qui pullulent à San Francisco. Et lorsqu’elle accélère à nouveau, le grognement irrésistible de son échappement fait que je ne m’ennuie plus de son ancien moteur. C’est tout dire.
Sur le légendaire Highway 1, elle attaque et dompte les virages serrés, les devers et les ondulations avec l’efficacité irrésistible d’un lutteur olympique. Précision, mordant et absence totale de flottement malgré ses 1 940 kilos. Je retrouverai cet amortissement maîtrisé sur la même route, au retour de Napa, dans une CLS 550. En moins intense et concentré.
Sur la moindre ligne droite déserte, l’accélération est féroce et semble irrépressible et illimitée. Je me réjouis aussitôt de constater que le freinage est puissant et endurant dans la même mesure. Sur la route, la CLS 63 est presque trop brusque lorsque la boîte de vitesses est en mode "Sport +". Je me dis que ce réglage est pour les séances sur circuit. La division AMG conçoit d’ailleurs les modèles qui portent sa griffe exactement dans cet esprit.
Deuxième acte: circuit de Sanair à fond la caisse
Avec la complicité de notre rédacteur en chef Denis Duquet, je me retrouve au circuit Sanair en août au volant d’une autre CLS 63 AMG pour l’émission télé du Guide de l’auto. Sa couleur "blanc calcite" lui donne un air chic et elle profite des multiples accessoires et systèmes des groupes de luxe optionnels. Il lui manque les étriers rouges et les autres éléments du groupe performance.
En piste, je retrouve instantanément le même aplomb impressionnant en virage que sur le ruban d’asphalte entortillé de Highway 1. La CLS 63 AMG est une des sportives les plus solides et les mieux équilibrées que j’aie pilotées sur ce circuit pour l’émission, malgré ses deux tonnes métriques. Sa suspension réglée au plus ferme, elle prend quand même un peu de roulis en virage, mais sous-vire très peu en amorce.
Même en désactivant complètement l’antidérapage, elle se contrôle du bout des doigts et du pied droit. Avec 516 lb-pi de couple à seulement 1 700 tr/min, on trace facilement de grandes dérives emboucanées pour la caméra. En piste, j’ai par contre remarqué que la boîte de vitesses rétrograde plus lentement en mode M (pour manuel) qu’en Sport +, ce qui n’est pas vraiment logique. J’ai dû renoncer aussi aux mesures d’accélération à Sanair parce que la boîte de vitesses refusait d’enclencher le mode RS (pour race start), même en enchainant méticuleusement les étapes pour l’activer.
Je veux maintenant savoir comment se comporte la CLS 63 sur un circuit plus sinueux et varié. Sa cousine, la berline E 63 AMG partage le même groupe propulseur et m’a semblée plus vive en accélération et en virage sur le circuit du Castellet lors de son lancement. Sans doute parce qu’elle est plus légère de 100 kilos. C’est une rançon que plusieurs accepteront volontiers contre la silhouette plus sexy de la CLS.
Troisième acte: La Malbaie et les grandes îles
Le premier plaisir avec cette nouvelle CLS 63 consiste à prendre place à bord et appuyer sur le gros bouton de démarrage. Le V8 se réveille aussitôt avec un rugissement sec dont on ne se lasse jamais. J’ai même coupé le moteur à quelques reprises pour l’entendre grogner une deuxième fois. Sans compter qu’en mode Eco, il se tait à chaque feu rouge pour se relancer quelques secondes plus tard en poussant un autre chapelet de notes graves.
Avant de mettre le cap sur La Malbaie, j’ai enfin pu mesurer les accélérations de la CLS 63 en utilisant le mode RS. En laissant grimper le régime du V8 une fraction de seconde, j’ai enregistré un 0-100 km/h de 4,51 secondes et un chrono de 12,57 secondes pour le sprint d’un quart de mille, avec une pointe de 190,1 km/h. Quelques dixièmes de mieux que le modèle précédent. Le freinage de 38,21 mètres à 100 km/h est meilleur aussi, de quelques centimètres.
Malgré son tempérament bouillant et le dragon sous son long capot, la CLS 63 est une routière fort agréable et une grand-tourisme accomplie. Ses sièges sont bien taillés et restent confortables pendant des heures. Le silence à bord est louable, le coffre est grand et le diamètre de braquage étonnamment court. On l’apprécie constamment en explorant recoins et petites routes comme nous l’avons fait dans Charlevoix et sur les grandes îles du fleuve.
La suspension est toujours ferme, même sur son réglage le plus souple, mais la carrosserie ultra-rigide lui permet de tout encaisser. Ou presque. Les saillies transversales de quelques centimètres cognent plutôt sec, en effet. Si c’était ma voiture, je ferais éliminer au plus vite le craquement sec qu’émettaient les cadrans de notre voiture d’essai.
Après plus de 1 500 km de conduite, la consommation moyenne s’est chiffrée à 10,5 litres de super à tous les 100 km. Pas mal pour une berline de luxe racée de 518 chevaux qui se débrouille aussi bien sur une route en forme de bretzel que sur un circuit ou en plein centre-ville.
Chose certaine, la CLS 63 AMG est prête à se mesurer à celle qui deviendra sans doute sa plus sérieuse rivale, la nouvelle BMW M5, qui passe elle aussi au V8 à double turbo de plus de 500 chevaux. Elle pourra alors déchirer sa chemise comme Clark Kent qui se transforme en Superman et elles s’affronteront dans un duel de super-héros. Mais jusque là, c’est le smoking et le dry martini à la James Bond. Elle sait se tenir après tout, malgré ses gros muscles.