Bentley Continental GTC, l'argent ne fait pas le bonheur... mon oeil !
W.O. Bentley, fondateur de la marque portant son nom, faisait rarement les choses comme les autres. En 1919, lorsque le Britannique décida de se lancer dans le domaine de l’automobile, il n’allait assurément pas imiter les Henry Ford et André Citroën de ce monde et associer son nom à la production de masse. Non ! Il produirait les meilleures voitures, les plus exclusives, les plus rapides et les plus sportives. C’est sans doute ce qui fut à l’origine des succès de la marque de Crewe en Angleterre au Mans durant les années 20. De plus, nombre de Bentley, strictement de production, ont battu des records de vitesse. En 1931, Bentley est victime de la crise économique résultant du krach d’octobre 1929.
Rolls-Royce, l’autre marque de prestige anglaise, achète la petite firme Bentley. Peu à peu, les Bentley deviennent des Rolls-Royce version sport. En 1998, à la suite d’une incroyable saga, BMW se porte acquéreur de Rolls-Royce et Volkswagen de Bentley. À ce moment, tout le monde croit que Volks a hérité d’un canard boiteux, très boiteux même ! Puis, à la surprise de tous, Bentley, aidé des ressources à peu près sans limites de Volkswagen, se met à aligner les nouveaux modèles. En 2004, la marque de Crewe dévoile la sublime Continental GT, reprenant un nom cher à l’histoire de Bentley. En 2006, on retrouve une berline dérivée du coupé Continental GT, la Flying Spur. Puis, il y a quelques mois, Bentley présentait son cabriolet, lui aussi extrapolé de la Continental GT. Il s’agit de la Continental GTC que nous avons eu le privilège de conduire durant quelques jours.
Tout d’abord, inutile de tenter de vous décrire la GTC objectivement. Nous la trouvons divinement belle. Remarquez que c’est une question de goût, mais toutes les personnes rencontrées, même celles qui n’ont de l’automobile qu’une très vague notion, n’ont pas été indifférentes à sa robe bleu ciel aux dimensions imposantes et à ce je-ne-sais-quoi qui lui octroie une classe rarement égalée. La GTC impose le « respect visuel », surtout lorsque le toit est baissé. Si la GTC commande le « respect visuel », elle impose aussi le « respect mécanique ». Le moteur est le même que celui qui anime la GT et la Flying Spur, soit un fabuleux W12 de 6,0 litres gavé par deux turbocompresseurs Borg-Warner. Le tout est bon pour 552 chevaux et 479 livres-pied de couple, disponibles à 1 600 tours/minute seulement. Malgré un poids non négligeable avoisinant les 2 500 kilos, la GTC accélère de 0 à 100 km/h en 6,1 secondes et dilapide le 80-120 km/h en 4,7 secondes, des données habituellement associées à des voitures sport. La GTC peut accélérer très rapidement mais, en plus, elle le fait avec une aisance et une linéarité rarement vues. Vous écrasez l’accélérateur, vous vous sentez enfoncer dans le siège, vous écoutez la symphonie du moteur et vous balayez la route des yeux pour être bien sûr que les forces de l’ordre ne vous gratifieront pas de plusieurs points de démérite… À 100 km/h sur l’autoroute, vous avez l’impression de faire du sur-place (le moteur ne tourne alors qu’à 1 700 tours/minute). Il faudrait sans doute atteindre les 312 km/h annoncés par le constructeur pour commencer à trouver que ça roule vite ! Et si, contrairement à l’auteur de ces lignes, vous avez les moyens de vous procurer une telle bagnole, la consommation d’essence est probablement le dernier de vos soucis. Espérons-le puisque conduite selon les règles de l’art, la GTC consomme environ 16 litres aux 100 km(de super, bien entendu). Mais faites-vous le moindrement plaisir et cette moyenne augmentera jusqu’à 25 voire 30 litres aux 100 km. Les plus verts d’entre nous auront beau crier au génocide, il faut savoir que bien peu de Bentley Continental ou autres voitures du même acabit roulent sur la planète. Et ces voitures, généralement, ne parcourent pas beaucoup de kilométrage annuellement. Mais, oui, une Bentley Continental consomme autant, pour un kilométrage et une vitesse donnés, que trois ou quatre Honda Civic Hybride. Et on ne devrait pas voir de Bentley à motorisation hybride de sitôt ! Remarquez que les temps changent. Par exemple, Hummer, qui a produit des véhicules incroyablement polluants, veut devenir le constructeur de 4x4 le plus vert d’ici quelques années. Alors…
Mais revenons à nos moteurs ! La puissance c’est une chose. Faire passer cette puissance aux roues en est une autre. La Bentley Continental GTC, comme la GT et la Flying Spur s’en remettent à une transmission automatique à six rapports d’une rare compétence et qu’il nous a été impossible de prendre en défaut malgré le couple extrêmement élevé du moteur. Cette transmission propose un mode sport qui n’est pas de la frime. Elle s’associe à un rouage intégral d’une rare efficacité provenant de chez Audi, un autre membre de la famille Volkswagen. Je vois mal une GTC affronter une tempête de neige (et chaussée de pneus à clous !) mais ce rouage assure une traction maximale, peu importe la vitesse. Et, comme vous l’aurez deviné, la GTC est faite autant pour les larges boulevards de Miami que pour les autobahns allemands où l’on ne retrouve aucune limite de vitesse. Sur nos routes québécoises, on la sent à l’étroit !
En termes de conduite, la GTC impose, encore une fois, le respect. Certes, le châssis s’avère un peu moins rigide que dans le coupé GT. Par contre, il nous est apparu beaucoup plus ferme que dans la Flying Spur, une version quatre portes et allongée de plusieurs centimètres. Étant très lourde, il est indéniable que la GTC n’est pas des plus agiles. Malgré tout, la direction est précise et il est possible d’effectuer un changement de voie brusque sans problèmes. On dénote cependant un certain roulis (pour ne pas dire un roulis certain !) mais le contraire eût été surprenant. Poussée un peu plus que de raison, la GTC réplique en actionnant un ou plusieurs de ses nombreux systèmes de sécurité électronique. Et à ce chapitre, n’ayez crainte, la GTC en a une quantité incroyable. Elle en a « full les bobettes » pour reprendre l’expression d’une ado extasiée devant notre voiture d’essai. Quant aux freins, s’ils ne peuvent endurer une utilisation sur piste, ils peuvent faire décélérer la GTC avec une autorité rarement vue.
Lave-auto proscrit
Ce qui distingue la GTC des GT et Flying Spur c’est, bien entendu, son toit. Malgré un prix de détail de plus d’un quart de million de dollars, le toit est fabriqué en toile. Mais ce toit filtre très bien les sons extérieurs et son fonctionnement est sans reproches. Il s’abaisse en 25 secondes et se replace en 29, chrono à l’appui. Pourtant, son étanchéité à l’eau n’est pas terrible. Lorsque la capote est installée, la visibilité vers l’arrière, et surtout vers les trois quarts arrière, est imparfaite. Mais puisque cette voiture devrait principalement être vendue dans les contrées chaudes pour rouler le toit baissé, nous n’en ferons pas un plat !
Là où il y aurait lieu d’en faire tout un, c’est au chapitre de la finition. Si dans l’habitacle ce n’est pas dramatique, même s’il y a place à l’amélioration, la carrosserie affichait des écarts intolérables. Le couvercle du coffre, par exemple, était plus relevé d’un côté d’au moins un quart de pouce. Les interstices entre les différents panneaux étaient rarement égaux d’un bout à l’autre et, pire, une copine de travail s’est blessée à un doigt en ouvrant la portière du côté passager à cause d’une moulure mal finie. On a beau dire qu’une Bentley c’est fait à la main et que c’est ce que les millionnaires recherchent, n’empêche que bien peu d’entre eux aimeraient entrer dans leur voiture avec un doigt qui saigne !
Notre voiture d’essai présentait un habitacle des plus cossus recouvert de boiseries d’érable moucheté (enfin, je crois, mes connaissances arboricoles se limitant au sapin, et dans le temps de Noël seulement !) et de cuirs fins de couleur crème et bleu pâle. Ces deux derniers points ne sont pas vraiment importants puisque l’acheteur peut choisir les coloris de son choix dans une charte fort impressionnante. Les sièges font preuve d’un confort exceptionnel… à l’avant. Les places arrière, déjà étroites dans la GT, deviennent carrément hypothétiques dans la GTC. Quiconque mesure plus de deux pieds risque de trouver le moindre voyage très long. Même à l’avant, l’espace semble réduit, notamment à cause de la très large console et le proéminent tableau de bord. Ce dernier, fidèle aux origines anglaises de la marque, présente des commandes pas toujours évidentes au premier contact. Heureusement, la montre Breitling qui trône au centre de la planche de bord ajoute encore plus de prestige à l’ensemble… comme s’il en manquait !
Le prix de notre Bentley Continental GTC d’essai affichait pas moins de 265 000 $. L’exclusivité, ça se paie ! Et les coûts d’entretien aussi… Même si plusieurs pièces portent les sigles Audi et Volks (on a toujours besoin d’un plus petit que soi !), l’ingénierie est purement Bentley. L’échappement double de 3” coûtera une véritable fortune à changer. D’ailleurs, deux des quatre sorties des silencieux comportent des petites portes internes qui contrôlent le flot et améliorent la sonorité. Les suspensions tout en alu et les freins sont surdimensionnés, tandis que le dessous de la voiture est protégé par plusieurs panneaux. Tout juste derrière le pare-choc avant, on retrouve six radiateurs… et il y en a peut-être que nous n’avons pas vu ! Le moindre accident provoquera une facture astronomique...
Et si jamais la GTC, la GT ou la Flying Spur, de même que l’Arnage, une immense voiture de prestige qui approche les 400 000 $ et qui a été conçue du temps de Rolls-Royce, ne vous contentent pas, Bentley propose la série Mulliner. Un peu comme AMG prépare des Mercedes-Benz très sportives, Mulliner se spécialise dans les Bentley personnalisées. Des tapis encore plus épais ? Des boiseries encore plus exotiques ? Demandez et vous recevrez…