Dossier Québec : Pléthore LC-750, le premier supercar québécois roule
C'est la fête nationale et quoi de mieux, pour souligner cet événement, que la présentation d'une super voiture toute québécoise : la Pléthore LC-750, un véhicule qu'on a pu admirer au dernier Salon de l'auto de Montréal. Place à la Pléthore! - la rédaction
Luc Chartrand est fasciné depuis toujours par les exotiques, ces grandes sportives incroyablement longues, basses, rapides et racées. Celles qu’on appelle les supercars. Jusque là, rien d’exceptionnel. L’histoire le devient lorsque ce constructeur autodidacte décide un jour de dessiner, développer et produire sa propre exotique. Au Québec.
Électronicien de métier, Luc a travaillé aussi dans le domaine de l’aéronautique et de l’avionique. Mais c’est un mordu d’automobile, qui se fait une spécialité de fabriquer des répliques rigoureusement exactes de sportives italiennes. Des Ferrari et Lamborghini surtout.
Premières maquettes
Il est à la mi-trentaine lorsqu’il se met à imaginer sa super-sportive au milieu des années 90. Les croquis et les esquisses se succèdent et en 1998 il fabrique une première maquette à l’échelle « seulement pour s’amuser ». Le résultat est assez réussi pour qu’il trouve un premier client potentiel assez emballé pour lui verser un dépôt pour une première voiture.
Ce client, c’est Carl Descoteaux, un chirurgien-dentiste passionné de mécanique. Il est venu de Grand-Mère pour voir les répliques que fabrique Luc Chartrand après avoir lu un article qui vantait leur qualité exceptionnelle. Ce premier client lui versera même un dépôt pour une deuxième de ses futures sportives et deviendra, peu après, un associé.
En 2000, le projet se concrétise. Luc met fin à ses autres activités pour se consacrer pleinement à la création de son supercar. Il fonde une entreprise qui se nomme alors Locus Technologies. Une première maquette grandeur nature est produite en 2002. Son idée était alors de construire la voiture sur des bases mécaniques connues et plus modestes, mais il décide bientôt d’y aller à fond et de concevoir une véritable super-voiture, sans compromis.
Premier bain de foule et financement
La première Pléthore est dévoilée au Salon de l’auto de Montréal, le 19 janvier 2007. Elle est noire et le V8 qui lui est destiné est exposé derrière elle. Les deux comparses qui font glisser le voile noir qui recouvrait la voiture sont Carl Descoteaux et Sébastien Forest. Ils se sont connus à l’école des HÉC avant que Carl ne se réoriente en médecine dentaire et que Sébastien ne complète des études de droit, spécialisé en gestion internationale. Il se joindra à HTT Technologies (pour High Tech Toys), à titre de président, à l’automne 2008.
Carl Descoteaux continue d’investir dans la firme et d’y augmenter sa participation. Il y consacre 40 heures par semaine, en plus de son travail de dentiste : « Ça ne me fait pas de longues nuits de sommeil, mais les heures ne paraissent pas quand c’est une passion. »
HTT multiplie ses démarches auprès d’agences gouvernementales qui peuvent apporter une aide financière aux entreprises de recherche et développement. Elle reçoit notamment l’appui du Ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation du Québec et de l’Agence de développement économique du Canada. À ce jour, c’est environ 1,5 $ million qui a été consacré au développement de la Pléthore et la plus grande portion de cette somme a été dépensée ces deux dernières années.
Coups d’éclat américains
Après le Salon de Montréal, Luc Chartrand et John Dorrington, un carrossier chevronné devenu son adjoint chez HTT, se lancent dans la fabrication d’une version plus raffinée de la super-voiture à moteur central. Luc lui apporte constamment des modifications. Après une année de travail acharné, HTT dévoile une nouvelle Pléthore de couleur orange, au gigantesque salon SEMA de Las Vegas, la Mecque des voitures d’exception et modifiées. La voiture fait sensation et suscite une série d’articles et de reportages dans des médias d’un peu partout.
Étape suivante : le célèbre encan Barrett-Jackson à Scottsdale en Arizona au cours du mois de janvier 2010 qui fait cependant rater à la Pléthore sa rentrée montréalaise. Elle se reprend au Salon de Toronto en février et traverse enfin l’Atlantique pour participer au salon Top Marques de Monaco à la mi-avril.
Prochaine étape : la production
Luc Chartrand a mis quinze ans pour arriver à la voiture qui est devant nous, immobile, imposante, dans les ateliers sans aucune prétention de HTT, aux abords de l’Autodrome St-Eustache. Son concepteur la regarde et dit d’abord « elle vaut quelques millions ». Il se ravise et ajoute « en fait elle n’a pas de prix ». Ce n’est d’ailleurs pas la voiture que HTT compte bientôt produire. Trop large pour être transportée dans un conteneur sans risque de dommage. Puisque HTT compte vendre la Pléthore surtout à l’étranger, c’est un argument majeur.
La Pléthore de série sera plus étroite d’environ 8 cm mais également plus longue d’une dizaine de centimètres. C’est l’empattement qui y gagne, mais Luc Chartrand assure que l’habitacle sera plus long de près de 30 cm pour accueillir les grandes tailles. HTT a entièrement numérisé la voiture avec l’aide de Creaform3d et amorcé le travail d’analyse d’éléments finis et de soufflerie virtuelle avec les gens de Lx, deux firmes québécoises à la fine pointe. Luc Chartrand est particulièrement fier du coefficient de traînée aérodynamique (Cx) de 0,37 de sa création. Pas mal pour un aérodynamicien empirique.
Si la carrosserie est l’âme d’une exotique, le moteur est certainement son coeur. HTT affirme que celui de la Pléthore sera une version du fabuleux V8 LS9 compressé de la Corvette ZR1, dont la puissance doit atteindre 750 chevaux (d’où l’appellation LC-750 avec les initiales du concepteur). Le moteur serait en préparation chez le spécialiste américain Pratt & Miller, qui a mené l’équipe Corvette à des victoires aux grandes classiques des 24 Heures du Mans et de Daytona.
La course est un autre rêve de Luc Chartrand, qui aimerait faire courir ses voitures en série American le Mans et aux 24 Heures du Mans, rien de moins. La Pléthore est d’ailleurs déjà équipée d’une cage de sécurité intégrée à la structure de fibre de carbone et conforme aux normes de la FIA. Les acheteurs pourront se lancer sur les circuits ou en course sans devoir ajouter une cage par la suite, comme ce fut le cas avec la McLaren F1, par exemple.
La suspension modulaire actuelle peut être remplacée en quelques heures par une pure suspension de course. Pour l’instant, la Pléthore roule sur des éléments de suspension de Corvette modifiés. Chartrand compte aussi l’équiper de ressorts pneumatiques, qui permettront de modifier la garde au sol au besoin et d'assurer un bon confort de roulement.
L’objectif de HTT est de produire quatre ou cinq voitures par année et Luc Chartrand nous assure qu’il fera tout ce travail dans les ateliers actuels, avec John Dorrington. Et si le carnet des commandes grossit au delà de ce nombre, il a déjà imaginé un système de production où chaque voiture aurait son espace, comme dans les équipes de F1.
Premiers tours prudents et prometteurs
Nous sommes les premiers à conduire la Pléthore à l’extérieur de HTT. Il faut d’abord se glisser dans le poste de conduite central, une acrobatie qui rappelle l’accès à une voiture de course. La position de conduite est tout juste correcte pour mon gabarit moyen. L’habitable allongé est une nécessité pour les plus grands. Une poussée sur le bouton de démarrage, au plafond comme dans un avion, et le V8 rugit. La sonorité d’échappement est fantastique. Luc garde le secret de sa recette.
Embrayage enfoncé, je tire sur le très court levier du sélecteur électronique et c’est parti. Les vitesses passent très facilement. Ce n’est qu’un court galop d’essai, très prudent, mais la Pléthore impressionne surtout par sa solidité. C’est un prototype, mais il est tout d’une pièce, sans le moindre craquement. Le confort de roulement sur la ligne droite bosselée du circuit de St-Eustache me rappelle la Audi R8, la meilleure référence.
La Pléthore LC-750 inspire confiance mais le premier essai véritable viendra plus tard. Le premier acheteur, un Américain, arrive alors que nous partons. Il donnera des sueurs à Luc Chartrand, assis à ses côtés, en conduisant son précieux prototype beaucoup plus énergiquement, mais il est emballé. Il affirme l’aimer déjà mieux que les Lamborghini et Ferrari qu’il a possédées.
Il reste beaucoup de travail pour voir les premières Pléthore sortir des ateliers de HTT Technologies. Mais la LC-750 est déjà étonnante, spectaculaire, bien conçue et elle roule vraiment. Prochaine version : la LC-1300 « Devil ». Vous avez deviné : 1 300 chevaux. Un conseil : ne pariez pas contre Luc Chartrand et ses associés.