Jaguar XJ 2011: Rien à perdre, tout à gagner
Quand un modèle se vend bien, il est toujours très difficile pour un constructeur de le modifier. Mais quand on a vendu seulement 77 exemplaires de son véhicule le plus prestigieux dans tout le Canada durant toute une année, la décision se prend plus facilement… Dans le cas de la XJ, Jaguar devait repartir à zéro, ou presque.
La XJ 2011 a donc entièrement été revue et, surtout, repensée. Finies les lignes au charme suranné, bienvenue dans le XXIe siècle. Esthétiquement, la XJ reprend certains thèmes déjà vus sur l’à peine moins prestigieuse berline XF, mais la partie arrière diffère totalement. Ce sont surtout la ligne de toit, très allongée, et les feux arrière qui reviennent très haut sur les ailes, un peu à la Citroën C6, qui retiennent l’attention. L’ensemble n’est pas vilain du tout, même si la partie arrière est la plus controversée.
Un moteur, trois versions
La XJ se décline en trois versions : de base (!?!), Supercharged et Supersport, et chacune est proposée en modèle régulier ou à empattement allongé (L). Ce dernier voit ses portes arrière allongées de 125 mm (5 pouces), ce qui ajoute à l’impact visuel de la voiture, surtout de côté. Il y a de bonnes chances que le modèle allongé se mérite les faveurs du public nord-américain tant par son prix relativement abordable (à peine 3 000 $ de plus que la version régulière) que par l’habitacle aux dimensions accrues qu’il autorise. C’est plutôt à un autre niveau que la XJ rappelle le passé de Jaguar. Depuis une vingtaine d’années, la marque anglaise s’était éloignée de la tradition en proposant des voitures certes très puissantes, mais surtout confortables et luxueuses. Pourtant, c’est sur les pistes de course que Jaguar avait établi sa réputation. Avec la XJ, c’est un peu ce retour aux sources que Jaguar célèbre. Oui, vous avez bien lu. Confort, luxe et… sportivité dans une berline de prestige ! La XJ 2011 n’a rien à voir avec l’ancienne génération. À tel point que Jaguar aurait facilement pu la rebaptiser. S’il s’était agi d’un constructeur américain, on ne se serait même pas posé la question et l’appellation XJ aurait été reléguée rapido presto aux oubliettes. Tout d’abord, mentionnons que toutes les XJ reçoivent un V8 de 5,0 litres mais de puissance variable. La version « pauvre » se déplace grâce à un moteur atmosphérique d’à peine 385 chevaux, capable tout de même d’abattre le fameux 0-100 km/h en moins de 6,0 secondes. Ce qui n’est pas mal du tout pour une bagnole de près de 1 900 kilos. Vient ensuite le Supercharged, qui comme son nom l’indique, reçoit un surcompresseur qui amène la puissance à 470 chevaux. Les accélérations sont excitantes, c’est le moins qu’on puisse dire, et accompagnées par une belle sonorité du V8.
Vient ensuite le Supersport avec ses 510 chevaux, de quoi donner des boutons aux radars. Comme la voiture ne pèse pas tout à fait 2 000 kilos, le 0-100 est l’affaire de 4,9 petites secondes. Bravo ! La consommation d’essence super s’en ressent un peu, remarquez…
Pour transférer la puissance aux roues arrière (la XJ est une propulsion), on retrouve une seule transmission, soit une automatique à six rapports, fabriquée par ZF. Même la XJ de base a droit à des palettes derrière le volant qui la rendent fort agréable à utiliser. Cette boîte, bien qu’elle ne soit pas du type double embrayage, passe ses rapports rapidement et toujours au bon moment. En mode Sport, on la sent encore plus dynamique. Parlant de « dynamique », il est possible, si le conducteur veut se payer une pinte de bonheur, d’enfoncer un bouton sur la console pour activer le mode Dynamic. Là, mes amis, la XJ est à des milliards d’années-lumière (et je n’exagère pas… ou si peu) du modèle qu’elle remplace. Tout d’abord, les ceintures de sécurité se tendent, présage des émotions fortes à venir. Le moteur « tourne » plus rapidement, la transmission maintient ses rapports plus longtemps, l’accélérateur devient plus sensible, le ratio de la direction se resserre et les amortisseurs s’affermissent. En plus, les versions Supercharged et Supersport reçoivent un différentiel actif (Active Differential Control) qui ajuste automatiquement le couple envoyé à chaque roue arrière selon les conditions de la route et la puissance requise. Les courbes les plus raides sont alors passées à des vitesses qui défient quasiment les lois de la physique (pour une berline de grand luxe, s’entend) et on n’a jamais l’impression que la XJ, surtout en versions Supercharged et Supersport, est dépassée par les événements. Et si jamais elle l’était, une panoplie d’aides électroniques à la conduite veillent au grain. Il est toutefois possible de désactiver le contrôle de la traction et de la stabilité latérale pour une utilisation sur une piste de course ou dans un milieu sécurisé. Curieusement, on retrouve seulement six coussins gonflables dans la XJ, ce qui fait un peu pic-pic quand on sait que dans cette catégorie, les chiffres ont souvent préséance sur la logique. Par exemple, Lexus en offre dix dans sa LS !
Mais il n’y a pas que la vitesse en courbes qui compte. Le châssis en aluminium, comme dans la génération précédente, fait preuve d’une grande rigidité et d’une aussi grande légèreté. Si ça vous intéresse, ses différentes parties sont rivetées et collées en utilisant une technologie originalement développée par l’industrie aéronautique. Les suspensions actives, à bras inégaux à l’avant et à liens multiples à l’arrière, sont montées sur un châssis indépendant. En tout temps, elles préservent le confort tout en autorisant une tenue de route très relevée. La direction, autrefois déficiente, s’avère désormais juste assez ferme et précise tout en « parlant » à la personne qui conduit.
Parlons des vraies affaires
Malgré une tenue de route audacieuse et des performances exquises, la plupart des gens qui se procurent une XJ le font pour le prestige de la marque (ils sont bien servis) et, surtout, pour le confort (ils sont bien servis, bis). Comme on est en droit de s’y attendre dans une berline de prestige, l’habitacle mériterait plutôt l’appellation cocon tant il est douillet. En plus, il est différent de tout ce qui se fait présentement ! Le tableau de bord, ceinturé dans sa partie supérieure par une bande formant un demi-cercle, recèle des matériaux nobles comme des cuirs agréables au toucher et des boiseries exclusives. L’acheteur devra choisir entre pas moins de dix placages de bois différents (signe des temps, Jaguar offre même un placage de carbone au lieu du traditionnel bois) et dix couleurs de cuir.
Le conducteur fait face à une instrumentation empruntée à Land Rover, entièrement digitale, en HD s.v.p. !, mais qui ressemble à s’y méprendre à une instrumentation analogique. Ce type de graphisme permet au conducteur de personnaliser les données affichées tout en assurant un look traditionnel. Petit détail : lorsque le mode Dynamic est choisi, les jauges se parent d’un rouge du plus bel effet. Les sièges avant font preuve d’un grand confort et sont chauffants ET climatisés, même dans la plus basique des XJ. La visibilité vers l’avant et les côtés ne pose aucun problème grâce à des piliers de toit que l’utilisation d’aluminium a permis de rendre plus minces tout en respectant les normes de sécurité en cas de renversement.
Par contre, la visibilité vers l’arrière est un peu plus problématique à cause de la plage élevée. Les gens prenant place à l’arrière ne manquent pas d’espace pour s’étirer. Sur les versions allongées, on retrouve les petites tablettes de bois, si chères à la tradition Jaguar. Elles sont totalement inutiles, surtout dans une voiture qui se veut en rupture avec son passé. Compte tenu des dimensions généreuses de la voiture, on s’attendrait à un coffre immense. Or, il affiche des dimensions très ordinaires. Et il est impossible de l’agrandir en abaissant les dossiers des sièges arrière. Il n’y a même pas de trappe pour le transport d’objets longs, comme des skis. À n’en pas douter, Jaguar vient de frapper un grand coup avec sa nouvelle XJ. La concurrence, déjà bien établie, n’a sans doute pas à craindre à court terme. Il est difficile de prévoir ce que l’avenir réserve à la XJ, mais une version à rouage intégral serait en préparation. Et pourquoi pas une sportive version « R » ? Mais avant de s’exciter le poil des jambes, les gens de Jaguar savent qu’il leur faut regagner la confiance du public, échaudée durant les années 80 et 90 par une fiabilité d’une étonnante nullité. Le fait que le nouveau propriétaire, l’Indien Tata, soit plus à l’écoute de la marque que l’ancien (Ford) devrait sans doute aider beaucoup ! Quoiqu’il en soit, la XJ 2011 est une excellente Jaguar et, surtout, une vraie Jaguar.
Feu vert
Style réussi… pour certains
Moteurs en pleine forme
Tenue de route relevée
Confort de première classe
Fiabilité améliorée
(selon J.D. Power)
Feu rouge
Entretien qui promet
d’être dispendieux
Confiance à rebâtir
Dossiers arrière fixes
Visibilité arrière peu commode
Consommation assez
importante