Volvo P1800S 1968, l'auto de Simon Templar
Il arrive, à la télévision comme au cinéma, qu’une automobile prenne autant d’importance que le personnage principal. Dans ce cas, l’automobile joue exactement le même rôle que la chanson thème d’un film. Dès qu’on voit l’automobile (ou qu’on entend la chanson), notre cerveau l’associe au film ou à la série télévisée. Et souvent avec émotion. La Volvo P1800S de Simon Templar fait partie de cette catégorie.
Le Saint, alias Simon Templar, est né de l’imagination fertile de Leslie Charteris, un romancier britannique né à Singapour en 1907. En fait, le premier livre (d’une centaine!) faisant état des aventures de ce Robin des Bois moderne est apparu en 1928. Dans ces romans, Templar conduit des voitures fictives mais toujours belles et rapides. Avec un tel succès, il n’est pas surprenant que des producteurs de la télévision britannique s’intéressent au personnage. Curieusement, le Saint est plus facile à trouver que sa voiture! Roger Moore, aussi britannique qu’Elizabeth II, beau bonhomme et charismatique à souhait est l’incarnation même du héros moderne. Pour ce qui est de la bagnole, les producteurs approchent tout d’abord Jaguar dans le but d’obtenir une superbe XKE. Et c’est avec une froideur toute britannique que les gens de Jaguar déclinent l’offre. Mercedes-Benz en fait autant. Puis, un ami d’un producteur, parle à ce dernier d’une nouvelle voiture sport, une certaine Volvo P1800. C’est Roger Moore lui-même qui fait les démarches nécessaires auprès d’un concessionnaire Volvo ou il est très bien reçu. Le reste n’est que de l’histoire…
Un peu d'histoire...
L’histoire de la P1800 débute au salon de Bruxelles en janvier 1955 avec la P1900 qui, malgré sa dénomination, arrive avant la P1800! Pour survivre, il faut à Volvo percer le marché américain qui découvre à ce moment les joies de la voiture sport. Mais la P1900 est plutôt mal reçue. Les dirigeants de la firme suédoise refont leurs devoirs. Le premier prototype de la P1800, alors appelé X-1, est complété en décembre 1957. En fait, la P1800 emprunte beaucoup de ses composantes mécaniques à la Volvo Amazon (connue ici sous la dénomination 120) déjà en production (1957 à 1970). Mais le moteur, lui, est tout à fait nouveau. Nous y reviendrons.
Au début de 1960, la Volvo P1800 fait donc ses débuts aux salons de l’auto de Bruxelles et de New York mais la production ne débute qu’au milieu de l’année suivante. La réaction de la presse spécialisée est fort positive. Road & Track mentionne, entre autres, qu’il s’agit « d’une voiture pour gens aimant voyager vite et avec style » De 1961 à 1963, c’est Jensen, un petit manufacturier britannique, qui assemble la P1800. Puis, Volvo rapatrie la production de la P1800 qui devient, au même moment, la P1800S. Mais il s’agit d’une copie conforme de la P1800. La version 1964 diffère un peu du modèle original. La carrosserie est remise au goût du jour et le moteur développe quelques chevaux supplémentaires. Il faudra attendre 1970 pour retrouver une nouvelle génération de la P1800S, la P1800E, plus moderne. Mais la ligne générale, bien que toujours aussi belle a fait son temps.
Plusieurs versions
En 1972, apparaît une P1800E familiale! Prenant l’appellation P1800ES, elle partage le plancher des salles de montre des concessionnaires Volvo avec la P1800E. Mais dès l’année suivante, la livrée coupé (P1800E), après avoir mis Volvo « sur la mappe », est retirée du catalogue. La production de la P1800ES cesse le 27 juin 1973, laissant Volvo sans voiture sport. En tout, pas moins de 47 485 P1800, P1800S, P1800E et P1800ES ont été construites.
L'envers du décor
En tout, cinq P1800 et P1800S seront fournies par Volvo pour la première série du Saint. Il faut tout d’abord préciser que toutes sont livrées en blanc avec conduite à droite. La première voiture est une P1800 1962 construite par Jensen. Elle sera utilisée pendant 26 épisodes. Une plaque minéralogique portant le subtil numéro ST 1 est apposée par-dessus la plaque originale. En 1963, c’est une P1800S que Simon Templar conduit. Le blanc de la carrosserie n’est pas le même que celui de la génération précédente mais puisqu’on filme en noir et blanc, la différence est à peine perceptible. Les enjoliveurs de roues sont différents de la version précédente et il faudra quelques émissions avant qu’on repose les anciens sur la voiture. Deux années plus tard, la voiture de série change. La grille et les pare-chocs, pour ne nommer que ces deux éléments, ont été grandement modifiés et la voiture de Simon Templar n’est plus tout à fait au goût du jour. Pour résoudre le problème… on la fait exploser, rien de moins! En fait, dans l’épisode Crime of the Century, la P1800 n’est pas démolie. Dès l’émission suivante, les spectateurs retrouvent une P1800S 1965… qui n’est autre que la 1963 modifiée! Même si nous n’avons pu vérifier la véracité de cette rumeur, il paraît qu’une véritable 1965 aurait bel et bien été livrée aux studios mais qu’un membre de l’équipe technique l’aurait tout simplement démolie. On imagine que les félicitations pleuvaient sur le pauvre type…
Quatre-vingt-cinq épisodes plus tard, en 1967, deux autres P1800S débarquent aux studios. L’une sert lors des tournages tandis que la seconde devient la voiture personnelle de Roger Moore lui-même. C’est une voiture identique à celle de Moore que nous avons eu la chance de découvrir à Ste-Thérèse, dans la banlieue nord de Montréal, il y a déjà quelques années. Michel Gohier, amateur de belles mécaniques et de belles carrosseries et ancien concessionnaire Pontiac/Buick, alors propriétaire de la jolie suédoise, a immédiatement craqué pour cette Volvo P1800S vue à Hershey en octobre 2004. Il l’a tout d’abord achetée en co-propriété avec Richard « Kébecson » Petit mais, peu de temps après, il rachetait la part de ce dernier. Cette Volvo appartenait depuis 31 ans à un chef cuisinier et elle n’avait à peu près jamais pris la route. Malgré tout, elle avait eu droit à une restauration complète en 1993. Et aujourd’hui, nous pouvons affirmer que cette voiture est impeccable. Selon son ancien propriétaire, le confort est « ultra », les performances sont plus qu’adéquates et la tenue de cap, même à 105 milles à l’heure (170 km/h) est sublime. Les pneus radiaux, encore inconnus des américains à ce moment, y sont sûrement pour quelque chose! Il s’agit donc d’une véritable GT. Le moteur de 1,8 litre de 103 chevaux se révèle souple tandis que la transmission à quatre rapports possède une cinquième vitesse électrique (overdrive), actionnée par un bouton au tableau de bord qui démultiplie les rapports de la boîte. La consommation est ainsi réduite. Quant aux freins à tambours à l’arrière et à disques à l’avant, ils font preuve de beaucoup de mordant… pour l’époque.
Commencée en 1962, la série originale du Saint quitte les ondes en 1969 après 118 épisodes. Puis, en 1978, le Saint revient à la télévision sous les traits de Ian Ogilvy qui ne réussira jamais à nous faire oublier le « vrai » Simon Templar, Roger Moore. Cette fois-ci, Jaguar ne rate pas l’occasion et le héros se ballade en XJS blanche. Dès l’année suivante, on met fin à l’aventure… temporairement puisque l’acteur Simon Dutton ressort Templar des boules à mites en 1989 pour une saison. Oublions un épisode pilote en 1987. Plusieurs films ont été tournés avec le Saint mais c’est surtout celui interprété par Val Kilmer en 1996 qui nous revient en mémoire. À ce moment, Volvo s’apprêtait à dévoiler sa nouvelle C70… Quelle belle campagne de promotion!