Dodge Journey R/T 2012, pratique, sympathique et oubliable
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La puissante machine à vendre de Chrysler Canada a certes fait beaucoup pour transformer le Dodge Journey en best-seller chez les multisegments au pays. Mais ses gourous du marketing avaient quand même de bonnes munitions. Le Journey a d’abord assez fière allure, avec sa silhouette anguleuse et costaude, sur un marché toujours aussi friand et affamé d’utilitaires.
Il est ensuite presque aussi spacieux et pratique qu’une fourgonnette sans être frappé par la « malédiction de la maman de hockey » (ou soccer mom, à votre choix) que lui vaudraient des portières coulissantes. La gamme Journey est enfin très complète et fiez-vous à Chrysler pour l’offrir à prix compétitif. Et si ça ne suffit pas, on y va d’un rabais, comme les 2 000 $ qui sont actuellement soustraits du prix suggéré pour cette série.
Les ingénieurs et stylistes du constructeur ont participé en refaisant une santé mécanique et esthétique au Journey pour l’année 2011. Il y avait gagné entre autres le V6 Pentastar et un habitacle habilement redessiné et nettement mieux fini. Le Journey a même été primé meilleur nouveau multisegment de moins de 35 000 $ pour l’édition 2012 des prix de l’AJAC. Il faut dire que ses seuls rivaux étaient deux cousins, les Jeep Compass et Wrangler, qui ne sont pas vraiment redoutables.
Pour y regarder de plus près
Tout ça a largement suffi à piquer ma curiosité de journaliste et me convaincre de mener un essai complet de la version la plus récente du Journey. Je l’ai trouvé correct à conduire en octobre dernier, mais je n’avais parcouru à son volant qu’une poignée de kilomètres sur la route et bouclé deux tours du circuit d’évaluation avant de déposer mon vote. Il s’agissait alors d’un Journey à moteur V6 et roues avant motrices. Il m’en fallait plus.
Pour l’essai complet, j’ai conduit un Journey R/T équipé du rouage à quatre roues motrices automatique. Ce modèle est installé au sommet de la gamme avec le V6 Pentastar de 3,6 litres et 283 chevaux sous le capot. Presque au sommet, en fait, parce qu’il y a la version R/T Rallye qui est plus chère avec sa calandre monochrome et de mystérieux accessoires dont on n’arrive à connaître ni le nombre ni la nature.
Le Journey essayé roulait sur des jantes chromées, une option de 600 $ et on l’avait équipé aussi de la troisième banquette (1 475 $) − qui en fait un sept places −, et du tandem que forment le système de navigation et la chaîne audio (1 125 $). Leurs fonctions sont affichées sur un écran qui semble plutôt minuscule au milieu du tableau de bord. Il faut viser juste dans certains menus pour appuyer sur la bonne touche.
Pourtant, les modèles R/T et Crew sont dotés d’un écran de 8,4 pouces. Il faut probablement s’aiguiser soigneusement l’index droit pour l’écran de série des autres modèles qui ne fait que 4,3 pouces... Un bon point, par ailleurs, pour la touche qui permet d’éteindre l’écran complètement d’un seul geste. Un grand nombre de constructeurs devraient s’en inspirer.
De Toronto aux routes de campagne
J’ai gardé les clés de ce Journey pendant une semaine entière et j’ai filé entre autres vers Toronto à son volant à la mi-février au lieu de me taper le trajet en avion ou en train. Une balade d’environ 1 200 kilomètres. Rien de tel pour apporter tout l’équipement qu’on veut, savoir si le siège est vraiment confortable, s’assurer que la chaîne audio est correcte, qu’il y des espaces de rangement pratiques et que la consommation réelle s’approche le moindrement de la cote officielle. La réponse rapide serait oui, pas mal, absolument et pas vraiment.
Premières impressions : le Journey fait maintenant jeu à peu près égal avec ses rivaux pour le dessin de son tableau de bord et la finition générale de son habitacle. En réglant ensuite le rétroviseur central, on ne peut rater les gros appuie-tête arrière qui bloquent sérieusement le coup d’œil vers les côtés arrière. À moins d’en avoir besoin, on laisse la troisième banquette repliée pour y voir quelque chose.
Au premier contact, le siège du conducteur paraît bien sculpté et est facile à régler. Même chose pour le volant. La position de conduite est très convenable et le repose-pied à gauche bien taillé, mais on s’écorche facilement la cheville sur la pédale du frein de stationnement qui plane juste au-dessus. Ce vestige du passé devrait être remplacé au plus tôt par un frein électronique. L’accès aux places avant est correct mais on grimpe à bord du Journey plus qu’on s’y glisse. Sans repose-pied pour s’aider, gare au bas de votre pantalon quand les seuils sont le moindrement crasseux ou poussiéreux.
Une fois en mouvement on remarque d’abord les réactions sèches des grandes roues chromées de 19 pouces sur les fentes et saillies transversales de l’asphalte urbain. Même si la carcasse de leurs pneus d’hiver de taille 235/45R19 est censée être moins raide. Le Journey demeurera toujours sensible aux chaussées légèrement abîmées, mais sa carrosserie et sa suspension vont encaisser sans peine les trous, les bosses et les rabots des routes secondaires et chemins de terre.
Malgré les chiffres
Le Journey R/T se rachète sur les routes ouvertes et autoroutes. À tout le moins par ses bonnes manières et une direction bien connectée au sol qui est exempte de jeu et précise au centre. Juste ce qu’il faut pour maintenir le cap du bout des doigts. Une qualité qui devient précieuse sur les longs trajets en éliminant l’agacement d’effectuer de constantes corrections.
Aux commandes, on note avant tout le jumelage facile et rapide d’un téléphone cellulaire par connexion Bluetooth grâce à l’interface Uconnect. Au fil des kilomètres, on apprécie grandement l’intégration réussie du lecteur numérique qu’on a branché au port USB dans le coffret de l’accoudoir central. La sélection se fait sans peine sur l’écran central. Les touches sont parfois petites mais la logique des menus est généralement claire et simple.
Si le Journey file allègrement sur une route plate, il en est autrement lorsque l’asphalte se met à grimper. Et le trajet vers Toronto est peut-être monotone mais il est tout sauf plat, avec de bonnes côtes et de longues montées par endroits. Chose certaine, on les remarque dans le Journey R/T qui n’arrive pas à maintenir son allure au régulateur de vitesse sans rétrograder, ce qui affecte évidemment la consommation en plus d’être joyeusement agaçant.
Malgré sa puissance appréciable de 283 chevaux à 6 350 tr/min, le V6 Pentastar livre son couple maximum de 260 lb-pi à un régime assez élevé de 4 400 tr/min. Or il tourne à moins de la moitié de ce régime à 100 km/h, soit un peu plus de 2 100 tr/min, et à 2 400 tr/min si l’on roule à 120 km/h. On est donc loin du maximum de couple pour faire grimper cette masse qui fait manifestement plus de deux tonnes métriques une fois le poids des passagers et de leurs bagages ajoutés à ses 1 926 kilos.
À titre de comparaison, Ford tire 350 lb-pi de couple de 1 500 à 5 250 tr/min de son désormais fameux V6 Ecoboost de 3,5 litres qui se rit certainement des côtes de la 401. Même en désactivant le régulateur et en laissant le Journey grimper à son rythme, sur le 6e rapport de la boîte, j’ai mesuré une consommation de 12,1 L/100 km sur un segment de 479 km de l’autoroute ontarienne.
Le bilan fut un peu meilleur sur le dernier relais au retour mais 10,1 L/100 km, c’est encore loin des 8,4 L/100 km annoncés. Côté performance, le Journey R/T à quatre roues motrices version 2012 exécute le 0-100 km/h en 8,2 secondes, soit une pleine seconde de mieux qu’avec l’ancien V6 de 3,5 litres en 235 chevaux qui était encore plus glouton.
Un Journey en cache peut-être un autre
Pour couronner l’essai, une boucle familière qui sillonne les Cantons de l’Est sur quelques centaines de kilomètres, y compris un bout d’autoroute. Le Journey R/T s’y est révélé plutôt agréable à conduire à rythme mesuré, quelle que soit la surface de la route et ses contours. Il a pourtant quand même ingurgité 11,58 litres d’essence pour chaque centaine de kilomètres, soit un peu plus que le Mazda CX-7, un de ses rivaux, qui a consommé 11,09 L/100 km sur un parcours quasi identique. Et ce n’est pas un exemple de frugalité.
Pour tout dire, il est sans doute plus sage de se tourner vers les versions plus modestes du Journey pour profiter de ses meilleures qualités à moindre coût. Surtout de son habitacle spacieux et de ses ingénieux espaces de rangement, y compris le coffre sous le coussin du siège du passager avant. Sa finition et son ergonomie ont très nettement progressé depuis son lancement en 2009.
Bien sûr, la capacité de remorquage des versions équipées du quatre cylindres de 2,4 litres et 173 chevaux est de 450 kg contre 1 135 kg pour le V6. Les performances sont également plus modestes en retour d’une consommation légèrement moindre.
Espérons que Chrysler accordera bientôt au Journey la même attention qu’à sa berline 300 ou à la grande camionnette Ram. Il s’agit après tout de son deuxième modèle le mieux vendu et du multisegment le plus populaire au pays, rien de moins. Parce que la concurrence a les dents longues dans cette catégorie, une des plus achalandées et compétitives du moment.