Monteverdi 375L 1972, rare vous dites?
Les années 60 ont été plutôt fastes pour les amateurs de belles mécaniques américaines. À cette époque pas si lointaine, encore beaucoup de personnes pouvaient se permettre de construire leur propre voiture. Il n’était certes plus question de bâtir un véhicule à partir de rien comme l’avaient fait les pionniers (Ford, Buick, Benz et j’en passe des centaines) mais quiconque avait les moyens financiers, la débrouillardise et, surtout, la volonté pouvait se créer une voiture en partant d’éléments existants.
Les Européens, entre autres, avaient compris le principe (DeTomaso, Iso, Bizzarini, Jensen par exemple). C’est ainsi qu’un certain Peter Monteverdi allait se faire un nom dans l’automobile en montant, sur un châssis de sa conception, une suspension arrière De Dion (plus conventionnelle à l’avant mais quand même indépendante), un groupe motopropulseur Chrysler et une carrosserie en aluminium dessinée par l’Italien Pietro Frua. Le résultat, encore aujourd’hui, impressionne. Mais avant d’en arriver à fabriquer une voiture qui fera école, il y a l’expérience d’une vie…
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Peter Monteverdi nait en Suisse en 1934. Son père, un immigrant italien, possède un garage. Le jeune Monteverdi devient rapidement un amateur de voitures. Amateur? Maniaque serait plus approprié! À 19 ans, il travaille auprès du paternel mais réparer des vieilles guimbardes et des machines agricoles n’est pas ce qui l’excite le plus. Les voitures sport ça, ça l’allume! Sa première « vraie » voiture, en 1954, est une Porsche 356 qu’il s’empresse de modifier pour lui faire cracher quelques chevaux supplémentaires. Deuxième voiture, une Ferrari Mille Miglia V12 qui ne fonctionne pas. Pour la réparer, il faut des pièces…introuvables en Suisse puisqu’il n’y a pas de concessionnaire (c’était bien avant eBay et UPS!). Le jeune Monteverdi a du culot. Il va voir Enzo Ferrari en personne et… décroche la première concession Ferrari de Suisse… à 22 ans.
Divorce à l'italienne
Il n’est pas très long que Monteverdi représente aussi Jensen, Rolls-Royce, Bentley et Lancia. En 1964, cependant, les choses tournent au vinaigre avec Enzo Ferrari et il cesse de représenter la marque, ce qui lui cause un certain malaise financier. Il se met à penser que posséder sa propre marque lui assurerait un contrôle total. Dès 1965, le Suisse commence à s’activer à sa propre création. Durant plusieurs années, nous ne l’avions pas encore mentionné, Monteverdi s’adonnait, avec succès d’ailleurs, à la course automobile, avec ses propres réalisations. Un accident de Formule 1 en 1961 met fin à sa carrière.
Il n’est donc pas surprenant que notre homme désire une voiture très puissante et possédant une tenue de route supérieure... une GT, quoi! Sa première création est la 375S High Speed, une superbe biplace terriblement rapide et dont la popularité surprend Monteverdi lui-même. La demande pour une 375S à quatre places est tellement forte que le Suisse ne met pas de temps à la dévoiler. Ce sera la 375L et ce sera aussi la voiture la plus populaire de l’histoire de Monteverdi… à 66 exemplaires!
En choisissant un V8 de 440 pouces cubes de la Chrysler Corporation et la transmission automatique TorqueFlite à trois rapports, Monteverdi s’assure d’un groupe motopropulseur moderne, puissant et fiable. Et qui ravit les oreilles les plus blasées! Le 0-100 km/h, selon Automobil Revue Road Test 28/1969, ne prend que 7,2 secondes en route pour un maximum de 250 km/h. Pour avoir fait un rapide essai de cette voiture très rare, l’auteur de ces lignes peut vous assurer que même âgée de près de 40 ans, la 375 L jouit encore d’accélérations très viriles! Toujours selon Automobil Revue, la tenue de cap, même à très haute vitesse est exceptionnelle. La tenue de route démontre un léger sous-virage mais un bon pilote pouvait facilement s’amuser en faisant décrocher l’arrière à l’accélérateur.
Monteverdi et Loiselle, même combat
Jacques Loiselle, de Valleyfield, est un amateur de voitures. Amateur? Maniaque serait plus approprié! Vous devriez voir sa collection de modèles réduits qu’il a montés lui-même. Maniaque de précision donc. Lorsqu’il déniche sa Monteverdi sur Internet, il en sait déjà beaucoup sur la marque pourtant inconnue au Québec. Les modèles réduits, ça peaufine les connaissances!
Une 375L 1972 valait, neuve, la bagatelle de 22 000$ US, soit le prix de deux Ferrari. On peut facilement deviner que sur le marché de la voiture ancienne, elle n’est pas donnée. Notre homme investit toujours dans sa voiture, question de la garder la plus originale possible. Mais trouver des morceaux pour une voiture aussi rare n’est pas une sinécure et il lui faut souvent sortir ses talents de négociateur!
Lorsque Jacques Loiselle présente sa Monteverdi dans les expositions estivales, il est inévitablement envahi de questions de la part des amateurs. Mais il leur répond avec plaisir. Quand on possède une voiture unique en Amérique du Nord, vaut mieux s’habituer!